| En folie douce |

47 2 10
                                    

Janvier 1999


C'était avec cette douloureuse impression de vide qu'elle rentra chez elle. La brune n'avait pas pu lui dire au revoir, ni même adieu, elle était parti comme la voleuse de son cœur qu'elle tenait en laisse. Alya avait pourtant horreur de ceux qui laisse leur sentiment en bandoulière mais elle lui avait offert les siens sur un coin de table, au détour d'un repas - il n'y avait plus de place à côté du bouquet de rose -.

Elle nota sa détresse sur une feuille froissée, des pages et des pages de ratures pour "Honey". Elle y entoura ses larmes en or et repassa les lignes de colère en bleu roi.
La jeune femme se relis puis fronça les sourcils, le corps de la blonde était entre ses bras, il était froid, inerte comme une bougie.

De l'adrénaline, de la fatigue, le besoin de s'écrouler, d'évacuer. Le cœur qui accélère et décélère. L'impression qu'il va la lâcher, qu'il est enfermé. Les pupilles qui se retractent, les larmes qui aveuglent, le visage qui se déforme. Cet appel à l'aide.

La tristesse.

Elle déchira la lettre et se mordit sa lèvre tremblante. C'était pas dans ses cordes de perdre tout sens des choses mais elle était submergée d'émotions qu'elle ne reconnaissait pas. Sa respiration s'accélèra et n'arrivait plus à se contrôler. Elle frappa du point contre son armoire et des album photos tombèrent. Alya s'assit sur le sol, les yeux brouillés par des larmes. En secouant les livres des tas de bouts couleur sépia s'etalerent sur le tapis. Des souvenirs en trop, elle en dépendance d'une drogue infâme aux yeux bruns. La jeune Avery entreprit d'en finir. Elle mélangea les peintures de toutes les couleurs comme une espèce de galaxie en pot dans laquelle, petite fille qu'elle est, a plongé ses mains et se laissa tomber devant les photos.

Elle dessina des gribouillis sur la tête blonde, des croix, des ronds, des étoiles... Elle s'essuya le nez, puis remis machinalement une mèche de cheveux derrière son oreille. L'odeur de la peinture ouverte la fit plonger en folie douce, elle confondait les couleurs, le temps, les objets et les gens.

Elle essayait d'attraper les rayons du soleil à la tombée du jour, et les courants d'air rendaient sa chambre plus douce, mêlant le bruit des feuilles aux plantes en pot.

En marchant jusqu'à sa cuisine elle egara la trace de ses doigts en couleur contre son mur blanc.

_-*-_

La nuit, ses démons refaisaient surface, elle avait de plus en plus de mal à se contenir.
Elle se griffait, jusqu'à s'en mordre les doigts, pleurait et s'arrachait les cheveux en faisant les cent pas dans sa chambre comme un animal en cage. Jusqu'à frapper quelque chose de préférence en verre comme cette petite vitrine dont elle avait frappé la porte laissant deux, trois fioles tomber se brisant en laissant en une minuscule flaque.

« premier Noël »
« premier anniversaire »

Était marqué sur les étiquettes.
C'était des fragments de vie éclatés en mille morceaux.
Des souvenirs en lambeaux.
Elle essayait de se rassurer en se disant qu'elle n'y tenait pas vraiment mais chaque larmes en bouteille lui faisait un pincement au cœur.

Le temps tournait à l'envers, elle redoutait la nuit comme une enfant.
Elle ne mangeait que très peu et chutait à chaque obstacle, tout la faisait pleurer sans pourtant ressentir quelque chose.

Elle enlevait la peinture séché de ses doigts et peignait  involontairement ses échecs. Elle hurlait en silence un cri trop déchirant pour être entendu qui se mourut dans les échos de sa cage d'escalier.

Elle n'avait jamais vécu dans un endroit si petit et si plein à la fois, la nature reprenait ses droits dans les déchirures du mobilier.
C'était la misère et l'ennui. La mort et la vie.  Jamais quelqu'un n'a été aussi perdu dans si peu d'espace et n'avait jamais eu aussi peur des choses.

La brune explosa le miroir de la salle de bain dont les morceaux tombèrent dans le lavabo fêlé rempli d'eau froide qui éclaboussa la jeune femme.

Elle les mis tous juste en dessous de la céramique vacillante. Elle avait de la peinture multicolore dans ses cheveux et sur son visage. Elle laissait ses bras ballants faire des gouttes contre le sol.

_-*-_

C'était durant une fin d'après-midi banale qu'elle mit l'eau à couler dans sa baignoire.
Elle regardait le soleil se coucher une dernière fois. À peine eu-t-elle regardé les nuages orangés se fondre avec le ciel bleu que l'eau avait débordée. Ça ne l'empêcha pas de rentrer ses pieds en chaussettes dépareillées dans le liquide tiède provoquant un petit ras de marée. Couchée dans la baignoire, les pieds de part et d'autre du robinet entre un présentoir à gel douche et un meuble recouvert d'un lierre en pot et d'une converse attachée par les lacets à la poignée, elle ne pensait plus.

Elle prit une substance argentée dans un seau en dessous du lavabo blanc cassé dans lequel des nénuphars stagnaient accompagnés de deux poissons rouges et des morceaux de miroir, et commença à dessiner des constaletions sur son bras à la peinture des reflets de son âme.

Elle se sentait doucement partir dans un autre univers dans l'eau colorée de peinture étoilée. Son t-shirt blanc lui collait au corps comme ses problèmes mais c'était un détail. Sa peau pâle faisait tâche et ses yeux avaient des difficultés à rester ouverts. Les guirlandes jaunes au dessus des carreaux brisés devenerent floues. Le bruit de étoiles de son bras qui tombèrent au compte-goutte et qui se mêlaient à la flaque sur le tapis battaient la mesure.

L'eau était froide et elle aussi. La vie était partout sauf en elle.

Les poissons trouvés dans un aquarium à côté d'une poubelle nageait entre les algues plantées dans des granulés au fond du lavabo.
Les canetons recueilli un soir pluvieux, ayant perdu leur mère dans un accident de voiture, se baignait dans l'évier de la cuisine et certains mangeaient la salade de carottes cuites et de vers sur le piano noir du salon dont certaines touches manquaient.
Tout était étrange dans cet appartement, c'était rouge, c'était blanc, c'était maculé de sang.

Elle avait accordé une deuxième chance à tout, et même à n'importe quoi. Mais pas à elle.

*****

Pas très joyeux, n'est ce pas ?
Mais curieusement c'est un des chapitres de j'ai bien aimé à écrire, allez savoir pourquoi.

Bref à la prochaine les opossums !

𝐇𝐚𝐥𝐥𝐮𝐜𝐢𝐧𝐨𝐠𝐞𝐧𝐞 || 𝗗𝗿𝗮𝗴𝗼 𝗠𝗮𝗹𝗲𝗳𝗼𝘆 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant