⇢ huit

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Cela faisait bien longtemps que Felix ne s’était pas senti aussi stressé pour se rendre au God’s Menu. Il n’avait pas vu Changbin depuis qu’il s’était enfui de son appartement et il appréhendait vraiment comment celui-ci allait se comporter après tout ce qu’il s’était passé.

Felix était toujours aussi confus. Il n’avait aucune idée si cette nuit ensemble les avait rapproché pour de bon, ou si, au contraire, la remarque du noiraud tenait toujours et qu’il estimait que tout ceci n’était qu’une “erreur”. Le jeune commis souffla un coup, la boule au ventre. Il espérait que ça ne soit pas le cas.

Les mains moites, il extirpa une carte magnétique de sa veste pour la présenter devant le capteur. Un bip sonore retentit et il ouvrit la porte de service, cette dernière ne lui avait jamais paru aussi lourde. De manière générale, tout lui semblait peser une tonne : ses jambes, ses épaules, sa tête. Il aurait aimé se laisser tomber au sol, là, et se rouler en boule en attendant que ses pensées ne cessent de le tourmenter.

Il en avait marre de tout le temps se faire du soucis, de stresser constamment. Mais que pouvait-il bien faire d’autre ? Il avait couché avec son patron, ils s’étaient embrassés le lendemain et ils n’avaient pas du tout parlé sérieusement de ce qu’ils avaient fait tout les deux. Tout était flou. Felix n’aimait pas ça. Il devait poser les bases pour savoir comment réagir, comment penser. Sinon, il perdait ses moyens et il finissait toujours par faire des erreurs, sa maladresse éternelle n’aidant pas.

Un soupir lui échappa tandis que ses chaussures claquaient contre le sol carrelé. Puisqu’il était en avance, il décida de se rendre dans la partie administrative du restaurant dans l’espoir de parler avec Chan. Avec un peu de chance, il arriverait à le faire décompresser. Dans une allure nerveuse, il se hâta dans les couloirs jusqu’au bureau de son cousin. La porte était fermée. Il crut d’abord que la pièce était vide mais des braillements retirent soudain de l’autre côté, lui arrachant un violent sursaut.

Felix colla presque instinctivement son oreille à la porte, se fichant d’être accusé d’avoir un comportement déplacé. S'il y avait du mouvement dans les quartiers de Chan, ça n'annonçait rien de bon. Comme pour approuver ses pensées, Felix reconnut aussitôt la voix tonitruante de Changbin, partiellement étouffée par l'obstacle qui les séparait :

– ...as besoin de me hurler dessus, je suis pas sourd !

– Mais putain, Changbin, ça fait des semaines que je l’attend, cette nouvelle carte !

Felix entendit le raclement d’une chaise contre le sol puis un long soupir, ou plutôt un soufflement brusque pour qu’il puisse le discerner ainsi sans problème.

– Je sais, reprit finalement Changbin un ton en dessous, mais j’ai besoin d’un peu plus de temps.

– Je pense t’en avoir laissé assez. J’ai promi une nouvelle carte, il me la faut maintenant. Ce qui veut dire : tout de suite. Pas dans un mois, ni dans deux semaines. Je n’ai plus de temps à perdre avec ces conneries.

La voix de Chan était tellement tranchante, ça ne lui ressemblait pas. Il y eut un bruit de feuilles qu’on chiffonne avant que Chan ne reprenne la parole d’une manière plus posée :

– Je veux au moins les nouveaux plats. On se chargera du reste plus tard.

Un silence. Felix avait la bouche entrouverte, en attente. Il saisit quelques mots, bredouillés tout bas, trop discrets pour qu’il pût en distinguer les syllabes. Mais à en croire le cri d'aberration que venait de pousser son cousin, la réplique de son chef n’avait pas dû lui plaire.

– Tu te fous de moi là !

– Laisse moi au moins cinq jours.

– Tu vas pas me dire que t’as pas eu le temps de les préparer en un mois !

God's Menu ✽ changlixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant