God's Menu ✽ changlix

⇢ douze

Les bras croisés contre son torse, Changbin faisait de son mieux pour se tenir droit et garder la tête bien haute. Il essayait de faire le fier mais sa gorge était horriblement sèche, c’était comme si une forte toux menaçait d’éclater. En face de lui, Chan se trouvait debout devant le plan de travail où était posée une assiette colorée et élégamment dressée. 

Son assiette. Son premier plat pour la nouvelle carte. 

Il ne pouvait faire autrement que d'être anxieux. Il l’était toujours un peu lorsque quelqu’un de compétent jugeait son travail, mais là, son stress avait atteint un tout autre niveau ; il sentait sa nuque brûler, elle le démangeait tellement qu’il devait mordre l’intérieur de ses joues pour ne pas gigoter d’inconfort. 

De l’autre côté, Chan le regardait droit dans les yeux d’une manière presque agressive, tandis qu’il découpait avec vigueur la pièce de viande. Lorsqu’il planta violemment sa fourchette dans le morceau de steak, Changbin déglutit. Visiblement, il était encore remonté contre lui et avec tout ce qu’il s’était passé avec son cousin, le noiraud se sentait particulièrement mal à l’aise.

Surtout quand il se remémorait avoir eut l’idée de ce met après une partie de jambes en l’air avec Felix. Mais, bref, passons… Enfin, essayons de passer. Changbin fronça les sourcils. Il ne voulait pas avoir ce genre de réflexions, ce n’était absolument pas le bon moment, mais dès qu’il essayait de les chasser, elles revenaient au galop dans son esprit. Quelle honte de penser à ça devant Chan ! “Concentre-toi” s’encouragea-t-il en inspirant tout en finesse. Une seconde plus tard, il sentit ses joues chauffées. Bordel. C’était encore pire s’il commençait à visualiser certaines scènes, il avait peur de provoquer l’éveil de ce qu’il avait en dessous de la ceinture...

Le bruit d’un ustensile le ramena à la raison, il se fit violence pour se reconcentrer sur son ami qui mâchait la nourriture en essuyant les commissures de ses lèvres à l’aide d’une serviette en tissu. C’était là que tout se jouait, il n'avait pas le droit à l'erreur. Sans un mot, il observa le plus vieux soupirer, fixer un point invisible pendant une poignée de secondes puis dodeliner de la tête. 

Lorsqu'il avala sa bouchée, il posa ses paumes contre le rebord du plateau en inox avant de se décider à reporter son regard sur Changbin. Ses traits semblaient s’être adoucies, ses lèvres moins pincées, ses yeux avaient perdu de leur aigreur.

– C’est très bon, Changbin.

Le concerné se retint d’expulser tout l’air de ses poumons. Il hocha simplement la tête, comme pour faire croire que son verdict était évident.

– Bien, fit-il en s’emparant d’un stylo et du fin dossier calés sur le rebord d’un évier. On le valide pour la carte ?

– Je serais fou de dire non.

– Pas de modification ?

– Aucune, c’est impeccable.

Le noiraud fit semblant de ne pas entendre les compliments alors que la mine de son bic grattait le papier. En réalité, son coeur palpitait si fort dans sa poitrine, il cognait jusque dans ses tympans. D’ailleurs, les propres réactions de son corps face à la situation le perturbait. Chan semblait être enclin à apaiser les tensions et ça le rendait tellement heureux. Leur dispute l’avait vraiment affecté ; il avait abusé de l’alcool lors d’une soirée et avait même fumé deux cigarettes alors qu’il s’était promis d’arrêter le tabac. Des excès qui l’avaient au final rapproché de Felix… Il ne regrettait pas, en y pensant bien, bien sûr à cause de Felix, mais cela lui avait aussi permit de se rendre compte de l’importance de Chan dans sa vie. Oui, il s’en rendait compte, mais le dire à voix haute… c’était une toute autre affaire.