VIII

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"Être Brume, c'est voir ce qui ne se voit pas, entendre ce qui ne s'entend pas et sentir ce qui ne se sens pas"
Evana Kellarys, Légende Brume

L'arrivée en ville fût plus que bruyante. Les chariots ne pouvant pas tous rentrer, les itinérants avaient disposé les chariots à l'extérieur, le long d'un des murs d'enceinte.

Nylan observait de loin tous les citadins, femmes, hommes et enfants, se pressant devant les chariots, criant et essayant d'avoir les meilleurs prix sur les marchandises.

Les guerriers accompagnant le convoi jusque-là surveillait tout ce remus-ménage avec concentration et Keyel semblait avoir disparu, tout comme la brume du matin.

De toute façon, il n'aurait pas été très utile de partir à sa recherche, c'était un maître de la discrétion et, s'il voulait le faire, il pouvait littéralement le faire.

Nylan, n'ayant rien à faire pour le convoi et n'ayant aucune envie de se rapprocher du brouhaha ambiant englobant les chariots, prit la décision d'aller visiter pour la troisième fois la ville, Kel-Nyl...décidément, tout se rapportait au vent dans cette contrée. Nylan avait l'impression de voir son nom partout.

La ville possédait des murs larges en pierre sombre, seulement percés par deux grandes portes, au sud et au nord, comportant deux grands battants de chêne. La rue qui traversait la ville entre ces deux portes auraient pu laisser passer les chariots si elle n'était pas déjà noire de monde et si les marchants de la ville n'avaient pas profité de l'arrivée du convoi pour y disposer eux-mêmes leurs étales.

Les hommes, femmes et enfants, ou du moins, la plupart de ceux qui marchaient actuellement sur cette rue, étaient vêtus avec beaucoup de couleurs : les quatre primaires et beaucoup de leurs nuances, si ce n'est toutes. Cela contrastait beaucoup avec la tunique en toile presque noire Nylan. Également, des hommes et femmes à la mine sale et sombre, vêtus de gris et marron, se pressaient dans les petites ruelles donnant sur la grande voie, derrière les étales des marchands et regardaient les gens colorés avec envie et crainte.

Nylan, étrangère à la notion même d'inégalité du fait de son mode de vie, trouvait ce comportement plus qu'étrange.

Elle marchait à contre-courant, esquivant avec aisance des gens qui semblaient trop plongés dans leurs discussions pour la remarquer. Elle voyait sur les étalages des vêtements de cuir, de soie...tous colorés comme ceux des passants. À côté, elle pouvait trouver des fruits et des légumes aux couleurs et formes aussi variées que les vêtements. Encore, on pouvait trouver quelques armes et outils mais, ce qui attira principalement Nylan, bien évidemment, fût, pas un marchand mais une échoppe, s'ouvrant dans un petit bâtiment couleur vert pomme, "Livres d'ici et d'ailleurs". La jeune femme se fraya un passage entre les gens et les marchandises.

Elle poussa la porte et fût surprise par un petit grelot qui tinta lorsqu'elle entra. Devant des bibliothèques remplies à craquer se trouvaient des piles monstrueuses de papier et de livres, certains reliés et avec des couvertures en cuir, de différentes couleurs, avec des lettres noir, blanches, dorées ou argentées et, certaines ouvragées. D'autres papiers étaient reliées entre eux par des ficelles et, entre tout cela, des feuilles volantes se battaient en multiples duels.

Nylan avança, faisant attention de ne pas marcher sur des papiers jonchant également le sol.

Alors qu'elle approchait de ce qui semblait être un bureau croulant sous des tonnes d'ouvrages, une petite tête, aux cheveux et à la barbe blanche, aux petits yeux derrière des lunettes rondes et au visage mangé par des rides, apparût comme par magie derrière une pile de livres.

- Oh bonjour, demoiselle, dit-il d'une voix apaisante bien que cachant mal un âge assez avancé.

Il semblait sage et réfléchi, quelque peu surpris de voir quelqu'un dans son échoppe. Nylan lui rendit son salut avec un sourire. Elle hésita un moment. Que pensait-elle trouver ici ?

Traité de médecine artelienne, Bestiaire et Herbier d'Almandre, I, II et III, Récits d'un aventurier...

Il y avait tellement d'ouvrages différents ici que Nylan se perdit un moment entre les piles et les bibliothèques, touchant des yeux chaque côtes et couvertures.

Elle sursauta lorsqu'elle sentit le vieil homme à ses côtés. Il était vêtu d'une sorte de robe bleue foncée et portait un médaillon au cou, accroché sur une chaîne dorée. Il avait une position bossue qui allait plutôt bien avec son âge et qui imposa Bryl à l'esprit de la jeune femme pendant un court instant.

- Vous cherchez quelque chose en particulier ? demanda-t-il.

Nylan chassa Bryl de son esprit, elle penserait au vieil homme une autre fois. Une idée germa cependant dans son esprit.

- Aurais-tu des ouvrages traitant des Brumes ? répondit-elle avec un sourire.

Le sourire de la jeune femme parût faire oublier au vieil homme le tutoiement ou bien, il ne s'en familiarisa pas plus que ça. Une lueur s'alluma cependant dans les petits yeux du vieil homme en entendant ce mot. Il lui fit signe, non sans regard malicieux, de le suivre et Nylan, intriguée, le suivit dans un petit recoin de la boutique.

- Pourriez-vous attraper le livre à la couverture noire sur la troisième étagère ?

Nylan s'exécuta. L'étagère en question portait une étiquette "Brume" et comportait une dizaine de livres, tous couvert de noir.

- Evanna Kallerys, Légende Brume, lit-elle à haute voix sur la première de couverture.

- Dame Kallerys est une des plus grandes Brumes qui n'est jamais existé. On ne sait pas si elle a vraiment existé et si c,'est elle qui a écrit ce livre mais, on y apprend quelques choses sur les Brumes, le monde...et sur soi-même, expliqua le libraire avec un sourire.

- Kallerys, répéta Nylan.

Elle leva la tête vers l'étagère et faillit s'étouffer.

- Demoiselle ? s'inquiéta le vieil homme.

Elle tendit la main vers un autre livre noir, plus gros que le premier, écrit par Bryl Seyan et intitulé "Mémoires d'autres âges".

- Comment se fait-il que ce livre soit classé dans Brume ?

Le libraire tendit la main pour prendre le livre et l'approcha de son visage pour pouvoir en déchiffrer le titre.

- Oh Bryl Seyan, eh bien, c'est un maître Brume.

- C'était, corrigea Nylan, éberluée.

- C'était ? répéta le vieil homme.

- Oui, il est mort dans mon village il y a quelques années.

- Ce vieux rusé avait donc décider de partir dans les Plaines pour y trouver la mort, souffla le vieil homme.

Un silence s'installa entre l'homme et la femme, les deux se perdant dans leurs souvenirs.

Le libraire fût le premier à en sortir.

- Bien, vous semblez avoir connu Bryl, si vous m'achetez Légende Brume, je peux vous offrir son livre.

- Je...veux bien, dit Nylan en revenant à la réalité.

Le libraire repassa lentement derrière son bureau.

- Cela vous fera donc cinq pièces...ou bien une gemme Olivine.

Les gemmes Olivine avait une couleur vert sombre et avait souvent des formes assez pointues, les rendant quelque peu dangereuse à manipuler.

Nylan farfouilla dans une poche de sa tunique et en sortie une bourse de toile dont l'ouverture était retenue par un lacet de cuir.

Elle regarda dedans et en sortie la gemme verte en question et la posa sur le bureau sous le regard du vieil homme.

- Les livres sont à vous, demoiselle.

Nylan le remercia d'un sourire et sortit précipitamment de la librairie, les livres serrés contre sa poitrine.

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