XII

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Le départ du convoi eût lieu le lendemain, il leur restait un peu moins de deux semaines pour rejoindre la capitale.

Nylan, de son côté, était restée gênée suite à la dernière phrase prononcée par Keyel : "tu devrais te contenter du masque, tenter de le briser n'est que perte de temps". Les gens autour de Nylan portaient-ils tous des masques ?

De son côté, le maître Brume se demandait si il arriverait à temps à la capitale. Ekari lui avait dit deux semaines et, ayant déjà pris un petit retard, le convoi pourrait très bien être ralenti par un quelconque évènement ou obstacle sur la route. Le cas échéant, il devrait sûrement effectué un vol de Brume, laissant la Brume le transporter en un autre lieu.

Il prêterait son attention aux éléments : le vent et la pluie véhiculaient beaucoup de messages, la brume également. Si Ekari avait besoin de lui, la brise le lui soufflerait.

Nylan grimpa dans le chariot de tête et s'installa aux côtés de Gari, ses deux achats de la veille dans un petit sac en toile brun. Du coin de l'oeil, elle vit Elyra sortir du couvert des arbres et se préparer à suivre la caravane de loin, se passant une patte sur la tête, sa toilette du matin.

Le lac des plaines rocheuses dans lequel Nylan se baignait librement commençait à lui manquer. Devoir se cacher pour se laver à l'aide  d'un seau ne lui plaisait guère.

Parfois, elle se prenait à rêver d'être Elyra. Vivre librement et sans aucune contrainte.

Depuis sa dernière discussion avec Keyel, un mot, seul, s'imposait à son esprit en écho au mot "liberté" : Brume. Alors, à chaque fois, elle secouait la tête pour chasser ce mot, ça devenait une réelle obsession.

Le doute commençait cependant à s'installer en elle. Devait-elle devenir Brume ? En ressentait-elle le besoin ? Après tout, que sont les Brumes ? Comment peut-on devenir ce dont on ne connaît rien ? Tant de questions auxquelles elles n'avaient pas de réponses.

Elle ne voulait pas en parler à Keyel car, le maître Brume commençait à réellement lui faire peur et, de toute façon, il ne répondrait pas à ses questions.

Nylan, ne voulant pas plus se torturer l'esprit, décida de dormir et, après s'être tortillée un moment pour trouver une position presque confortable, elle ferma les yeux pour tomber dans un lourd sommeil.

-


La jeune femme fût réveillée par un cri. Elle se redressa précipitamment, ses longs cheveux noirs troublant sa vision. Elle les dégagea maladroitement et après avoir cligné plusieurs fois des yeux, elle comprit ce qu'il se passait.

Un groupe de créatures quadrupèdes, sombres, aux flancs zébrés de rainures vertes brillantes, une gueule béante plantée de crocs et des griffes énormes se trouvaient au milieu de la piste. Alors que les guerriers escortant la caravane se précipitaient en avant pour aller à la rencontre des monstruosités d'Oberon - ça ne pouvait provenir que de l'Héritière -, Nylan arriva à en compter six.

Elle sauta au sol malgré les protestations de Gari et porta instinctivement la main au poignard offert par Kröm, le forgeron s'étant installé dans son village natal. Quelque chose d'autre n'allait pas. Où Keyel était-il passé ? Pourquoi Elyra s'agitait d'elle, grognant en direction d'un bosquet adjacent à la route.

La réponse à sa première question ne lui fût pas donnée. Décidément, elle ne saurait jamais rien à propos de l'homme.

La deuxième, cependant, lui vint au moment même où les guerriers montés sur leurs chevaux rentraient dans un grand choc en contact avec les monstres.

Une nouvelle demi-douzaine de monstres sortirent en hurlant du bosquet. Le cri des créatures étaient strident et, en plus de vous tirer une grimace, glaçait le sang.

Nylan se pétrifia d'abord puis se ressaisit. Elle tira rapidement la lame sur laquelle elle avait posé la main. Elle n'irait pas bien loin avec ça mais elle se défendrait tout-de-même. Elle siffla Elyra et, à ses côtés, courra vers les chariots où se trouvaient ses amis.

- Descendez, leur cria-t-elle malgré les nouvelles protestations des autres itinérants.

C'est après avoir vu Leren descendre en dernier, après Ilemm et Ian que Nylan vit un des monstres se jeter sur le chariot fermant le convoi, ouvrant un trou béant dans sa toile.

Trois autres monstres se dirigèrent vers les guerriers qui venaient à peine de se rendre compte de leur erreur afin de les prendre à revers. Ceux-ci n'étaient pas venu à bout d'un seul des monstres qu'il en venait à présent trois de plus. Nylan ne donnait pas cher de leur peau.

Il restait cependant deux monstres. Ceux-ci hésitaient, ne sachant trop si ils devaient s'attaquer aux chariots ou aux quatres jeunes et à l'alléchante panthère alethi se trouvant au sol.

Leur choix se porta finalement sur la deuxième option et ils s'en approchèrent lentement.

- Cachez-vous, souffla Nylan.

- Qu'est-ce que tu comptes faire, protesta Leren. Tu ne vas quand-même pas leur faire face seule ?!

- Je ne suis pas seule, répondit Nylan en croisant les yeux de félin d'Elyra. Maintenant, Leren, caches toi. Écoute moi pour une fois, ajouta-t-elle en jetant un regard dur au jeune homme.

Celui-ci secoua la tête mais finit par aller se cacher derrière les roues d'un chariot avec Ilemm et Ian.

Nylan n'était pas sûre de ce qu'elle faisait et, alors qu'elle s'avançait vers les deux créatures qui, elles aussi, s'approchaient lentement, une petite partie d'elle se mit à espérer que Keyel allait se matérialiser comme par magie devant. Elle serrait sa lame à s'en faire blanchir les phalanges alors que le grognement d'Elyra commençait à se mêler à ceux des créatures tant elles devenaient proches. Les trois bêtes et la jeune femme finirent par se tourner autour, semblant sortir du monde et s'en créer un nouveau. Il n'y avait plus rien à part ce mouvement. Les yeux de Nylan ne quittait plus les deux créatures des yeux.

Une des deux décida finalement de passer à l'action. Nylan faillit réussir à l'esquiver. Sa lame rencontra le flanc de la bête et s'y enfonça avant de ressortir et deux griffes du monstre touchèrent son mollet, y laissant deux traînées rouges à travers de sa tunique.

Nylan senti son mollet la brûler et serra les dents. Elle ne résisterait pas aussi longtemps que la bête vue la différence de taille. Dans son dos, elle sentit Elyra se précipiter sur le second monstre qui chargeait le dos de la jeune femme et pria intérieurement pour que la panthère s'en sorte.

La créature l'ayant déjà blessée se prépara à charger à nouveau et, sentant sa jambe ployer sous son poids, elle leva sa lame avec la ferme conviction qu'elle ne verrait pas la fin de ce jour...



BrumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant