Chapitre 1

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-"Un jour un moment magique éclairera votre vie à jamais"-


Alors que la fête battait son plein à l'étage, Mary Bennet s'éclipsa par une porte dérobée, repérée grâce à son talent d'observatrice. Elle dévala les quelques marches qui la séparaient de la liberté. Un soudain besoin de respirer l'avait pris si violemment que sa propre peur encourageait cette prompte fuite. L'air frais d'un début de soirée frappa son visage écarlate de plein fouet. Elle emplit ses poumons longuement et expira, elle répéta ce schéma au moins une bonne dizaines de fois avant de se sentir mieux. Adossée sur le mur, elle regarda les arbres danser au gré du vent et la légère brise qui venait caresser ses joues calmèrent petits-à-petits sa crise. Elle ferma les yeux espérant dompter la bataille qui se jouait dans sa tête et ainsi trouver la sérénité.

Mais ce repos qu'elle espérait trouver tardait à venir. Les filets dont elle pensait être débarrassés se réformèrent ruinant sa prière intérieure. Comme une preuve de sa défaite fulgurante, la fenêtre du premier étage s'ouvrit à la volée et laissa les notes de musique s'envoler vers elle. Son petit moment de calme venait de s'effacer et elle allait devoir faire face à sa triste réalité, celle d'être la troisième filles de l'incontournable famille Bennet.

Elle remonta d'un pas las le grand escalier recouvert d'un épais tapis. Le bruit des foulées des invités fracassèrent la tranquillité relative du domaine. Elle se tapota frénétiquement les joues pour se donner du courage et ouvrit la petite porte dérobée pour retourner auprès des invités.

Les mariages de ses deux soeurs avec les plus beaux partis du comté avaient ameuté une foule en furie et ainsi, elle se retrouvait entourée entre des cousins éloignés et des voisins un peu trop jaloux. Elle s'assit sur un des nombreux sièges vacants et épia les danseurs qui ne cessèrent d'accumuler les danses. Jane et Bingley ne se quittaient pas des yeux, Darcy regardait avec amusement les échanges presque fraternels entre Elizabeth et Georgiana tandis que Kitty discutait poliment avec des amis de leur inévitable cousin Mr. Collins.

Depuis que leur plus jeune soeur, Lydia avait quitté la maison pour voler en noce avec Mr. Wickham, Kitty s'était un peu assagie. Fini la jeune fille ensorcelée par la benjamine, elle s'était tempérée et pour la grande joie de leur mère, elle recevait pas moins d'une dizaine d'invitations à danser durant la soirée, signe de sa popularité abondante.

Seule Mary semblait inchangée. Perpétuellement occupée à travailler ses games ou à dévorer un nouveau livre, elle était à mille lieux de la vie mondaine que goutaient ses autres soeurs.

En tout point, elle contrastait avec le reste de la progéniture Bennet, jamais à l'aise en société, jamais maitresse d'une conversation ou même invitée pour une danse, elle passait tout son temps cacher des autres. Les rares moments où elle se permettait de sortir de son monde, elle se devait de franchir d'imposants sommets.

Lorsque la danse toucha à sa fin, de nombreux applaudissements retentirent ainsi que des invitations pour les suivantes. Mais comme de coutume, personne ne s'approcha de la chaise de Mary, la laissant seule et engloutie par l'ennui. Par surprise, Charlotte, l'épouse, dont le ventre trahissait la venue d'un nouvel héritier Collins, se libera d'une étreinte maladroite de la part de son mari pour la rejoindre.

— Et bien Mary, vous ne dansez pas? Engagea Charlotte

— L'art de la danse ne m'est pas familier. Je préfère regarder la scène d'ici. Je suis bien plus à l'aise et je crois ne déranger personne, accorda-t-elle

— Enfin, c'est un mariage, l'engagement de deux êtres qui s'aiment et encore il s'agit là de quatre personnes. Vous ne pouvez pas rester insensible et rester dans votre coin. Profitez-en pour rencontrer de nouvelles personnes et lier amitié.

— Je regrette, seules Jane et Elizabeth excellent dans ce domaine.

— En êtes-vous sur? Mon époux serait très heureux de vous offrir son bras pour une première danse.

— Cela est très gentil de votre part, à vous et à celle de votre mari, mais comme je vous l'ai dit, je n'apprécie ce spectacle. De plus, cette place me convainc parfaitement.

— Ma chère Mary, un jour où l'autre il faudra sortir de votre carcan et vous ouvrir aux autres. Croyez-moi, ce n'est pas une solution de se laisser consumer par cette froide solitude.

— Mon amie, voulez-vous un verre d'eau? Cette dernière danse a du être bien éprouvante pour vous, les interrompit Mr Collins.

— Oui, j'accepte volontiers, sourit Charlotte

Lorsque le pasteur se faufila difficilement dans la foule, Charlotte se pencha vers Mary, lui glissant une dernière recommandation.

— Je vous comprends Mary et je vous soutiens. J'étais à votre place il y a encore quelques mois et croyez-moi, un jour un moment magique éclairera votre vie à jamais. Mais à cet instant, vous aurez le choix de suivre votre coeur ou votre esprit. Ne gâchez pas votre jeunesse par peur. Osez être vous-même. Vous n'avez pas à rougir de ce que vous êtes.

Sur ces mots empreint de sagesse, Charlotte se leva et laissa Mary en pleine réflexion. 

MARY BENNET (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant