Chapitre 7

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- " Malheureusement, elle n'avait hérité de la gracieuse élégance de Jane, ni l'exaltation de Elizabeth et encore moins l'impudence de ses cadettes "-.


Alors que Mary s'épanchait sur ses envies, elle vit les traits de sa soeur s'adoucirent de tels sortes que bientôt de la peine s'y peigna. Des fines larmes s'incrustèrent au creux de ses yeux pour finir rouler le long des ses joues de porcelaine.

— Mais pourquoi pleurez-vous? Interrogea Mary.

— Est-ce nous qui vous avons rendu aussi pessimiste pour votre avenir amoureux ?

— Kitty, j'aimerai vous dire que ma décision aurait pu être différente si je n'avais pas cette place mais aujourd'hui cette situation me convient. J'ai appris à accepter mon sort. Maintenant, vous feriez mieux de répondre à Lydia avant qu'elle ne vous envoie une seconde lettre en réitérant son annonce.

Mary pris les mains de sa sœur entre les siennes et les serra en guise d'affection. Cette discussion à coeur ouvert lui avait permis d'entrevoir un soupçon de rapprochement. Elle qui s'était si souvent sentie à l'écart, venait enfin de percevoir ce à quoi ressemblait une relation fraternelle. Toutefois, Mary ne cessait d'être pragmatique et consciente de la réalité. Kitty s'était confiée à elle seulement à cause de l'absence des autres. En temps normal, elle aurait été la dernière avertie des problème existentielle de la famille.

Mais, les choses avaient changé, il ne restait plus qu'elle pour devenir le journal de sa soeur. Que ça lui plaise ou non, la désertion des autres l'avait jetée à cette place.

Alors même que ce changement lui était positif, Mary se sentit désemparée. Elle n'allait plus être la cinquième roue du carrosse, son coeur ne put s'empêcher de se serrer. Cette situation lui rappelait sans cesse que jamais elle ne pourrait passer en première, mais seulement après tout le monde.

Pour éviter que ses larmes ne dévalèrent ses joues, la jeune femme mordit l'intérieur de sa joue aussi fort que possible. Cette soudaine sensation effacerait à coup sûr cette douleur intérieure, du moins pour le moment.

Désireuse de prendre l'air pour s'aérer l'esprit, elle disparut par la porte d'entrée. Un grand bol d'air frais allait lui redonner des couleurs mais cela n'était pas l'unique raison. À chaque situation difficile ou dérangeante, elle préférait fuir plutôt que d'affronter. Rester face à sa soeur et lui montrer ses failles étaient aussi impossibles qu'incongrus. Sa carapace se devait infissurable, quitte à paraître insensible.

Elle contourna le groupe d'oies cacardant au moindre de ses pas. L'air frais fouettait délicieusement sa peau pale. Mary appréciait ce sentiment de liberté et de plénitude. Rien de son quotidien ne lui faisait barrage. Pendant des années, elle s'était tue, préférant la compagnie de ses livres plutôt qu'à celles de jeunes femmes et jeunes hommes. C'était une solitaire, terrée dans sa demeure qui ne sortait qu'en présence de son imposante famille.

Malheureusement, elle n'avait hérité de la gracieuse élégance de Jane, ni l'exaltation de Elizabeth et encore moins l'impudence de ses cadettes. Au contraire, à leurs cotés, Mary était d'un ennui monstre. Fort heureusement, elle ne semblait pas si anodine puisque qu'en ville, les gens la saluaient. Toutefois, ce n'était guère plus qu'un signe de politesse, encore plus à la suite des fabuleux mariages unissant les ainées à de jeunes hommes outrageusement riches.

Perdue des ses pensées, Mary continua sa traversée de chemin caillouteux pour se changer les idées. Depuis que les trois piliers étaient partis pour leurs noces, la maison demeurait bien morne. Plus de cris, plus de joies, plus vie. Seuls les lamentations de sa mère rythmaient le temps.

Piétinant les jeunes pousses, elle se repassa inlassablement le dénouement des histoires d'amour de ses soeurs? Aurait-elle, elle aussi, la joie de rencontrer un homme à la fois érudit et sincère qui l'aimera à sa juste valeur ? Ou est-elle destinée à rester près de sa mère autant de temps qui le faudra ?

Ne serait-ce que cette pensée arriva à lui donner des frissons. Subir seule ses jérémiades et ses glapissements n'allaient pas être une mince affaire. Bien sûr, de son coté, Kitty arrivera à se marier. Peut être pas avec un aussi beau parti que Darcy ou Bingley mais du moins tout aussi galant. Si elle réussissait à se contenir et à éviter de retomber dans les affres qui l'avaient contrôlée pendant des années, elle trouvera à coup sûr son futur mari dans l'année. Mary en était intimement persuadée.

Pour elle, ce sera compliqué, bien plus compliqué.

Arrivée à un croisement très souvent passant, elle reconnu de loin une vieille femme toute aussi commère que sa mère.

— Pitié, ne venez pas jusqu'à moi ! Murmura-t-elle.

Par malchance, sa prière ne fut pas entendue. L'ayant reconnue, la vieille voisine cancanière et imbue d'elle même arriva droit vers Mary prête à la sommer de questions.

— Miss Mary, comme je suis contente de vous voir, la salua-t-elle faussement.

— Mrs Caster, sourit-elle faiblement.

— Le mariage de vos soeurs étaient sublimes. Je n'en attentais pas moins d'elles. Ce sont de véritables ladies. Je ne m'attendais pas à cette montée grandiose. Votre mère était si enchantée lorsque les fiançailles ont été annoncées. D'ailleurs comment se porte-t-elle ? Je prévoyais d'aller la voir mais j'ai préféré attendre pour qu'elle se remette de ses émotions.

— Très bien merci. C'est un très grand changement que de voir partir trois de ses filles aussi rapidement. Cependant, elle est assurément très heureuse de ces alliances.

— Comme je la comprends. Ce n'est pas tous les jours que l'on apprend ce genre de nouvelles, ironisa la vieille femme.

— Assurément, répondit Mary sans grande conviction.

— Oh, j'oubliais, un bal sera donné ce samedi en raison du retour d'un fils d'un ami de mon mari. Votre famille est bien sur invitée.

Peu alléchée par l'offre mais dominée par l'étiquette, Mary la remercia aussi chaudement qu'elle le pu même si l'ennui se lisait dans ses yeux. À peine remise du désagrément de la fête donnée pour ses soeurs, elle allait à nouveau devoir faire bonne figure en restant assise sur sa chaise. Quel fabuleux projet.

MARY BENNET (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant