le secret des temps perdus, Partie I

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"Hope is the only thing stronger than fear."


auteur inconnu


Lorsque ma grand-mère me rejoignit sur le pont du bateau, la nuit était déjà bien avancée et les étoiles brillaient de mille feux dans le ciel. Sur la mer, impossible de distinguer le ciel étoilé de son reflet sur l'eau. Ici, il n'y avait pas de limite entre ciel et mer, entre le ciel et la terre.

-Bonsoir, ma chérie, murmura-t-elle de sa douce voix transformée par la génétique pour être la plus mélodieuse possible.

Je n'avais jamais rencontré quelqu'un avec une aussi belle voix que la sienne.

Elle se plaça à côté de moi, son bras frôla le mien sous la petite capeline rosée que j'avais glissée sur mes épaules. Son odeur de cannelle m'assaillit, me replongeant en enfance, lorsque j'avais 6 ou 7 ans, et qu'écouter les récits de ma grand-mère était mon seul échappatoire face au monde dans lequel j'étais prisonnière. Je dus retenir mes larmes, toutes ces années gâchées, loin l'une de l'autre, ou ma grand-mère était devenue une étrangère pour moi, plus proche encore d'Elina Sarkis que de sa propre petite fille. Ma grand-mère était en vie, mais celle que j'avais connue et que j'avais perdue à 10 ans n'était plus depuis longtemps déjà. Maria Eléazar était devenue une Émeraude, respectée et aimée de tous, amie et confidente de Siora Sarkis, la reine Émeraude. Moi j'avais connu Maria Eléazar, une femme intelligente, belle, mais triste. Une femme qui me prenait sur ses genoux, me caressait les cheveux, me câlinait, me racontait toute sorte d'histoire sur les hommes et les femmes qui m'avaient précédé sur Terre, elle me parlait d'Histoire, de notre monde avant la Tour. Elle me comptait des légendes où le courage et la bonté étaient les principales qualités. Elle me sommait de faire mes propres choix et de toujours choisir la liberté. Je n'avais rien oublié, mais maintenant je savais que pendant que cette femme s'appliquait à m'enseigner des valeurs d'un autre temps, d'un autre monde, elle avait déjà prévu de me faire un jour sortir de la Tour. Pendant ce temps, elle avait été à la tête d'une famille vieille de millénaire, eu de nombreux ennemis, été une Souffleuse de Rêves, avait lutté contre les siens, et finalement, avait perdu. Tout perdu. Son mari. Puis sa fille et son fils, qui s'étaient livré une guerre souterraine pendant des dizaines d'années. Je pensais à Arianna, où était-elle, à présent ? Avait-elle survécu ? Non, je ne devais pas penser à Arianna ni à Anna. Pas maintenant.

-Grand-mère, dis-je en guise de salut.

Nous restâmes de longues minutes à contempler cette voute céleste infinie puis je demandai, sans pour autant me tourner vers elle :

-Je me demandais, pourquoi m'ont-ils dit que j'étais la seule Ivoirienne à m'être enfui depuis des centaines d'années ? Tu es bien là, toi...

-Ils pensent que je suis née dans leur monde, En Bas, mais que j'ai été infiltré par d'autres Souffleurs de Rêves, très haut placés, pour les infiltrer. Ils pensent que je suis simplement revenue, des années après.

-Je vois. Ils ne savent pas que tu es née là-bas, que tu es une des leurs. Comment est-ce possible ?

Je pensai déjà connaitre la réponse, mais je voulais l'entendre de sa bouche.

-J'ai été aidé.

-Par qui ?

-La reine.

-Siora Sarkis ? demandai-je, surprise.

Elle hocha la tête.

-Je lui ai fait croire que j'étais une Souffleuse de Rêves qui avait pu s'échapper.

La Tour d'Ivoire - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant