Peu de choses avaient changés depuis la reprise d'activité pour les jeunes parents. La semaine se résuma ainsi : se réveiller, nourrir bébé, manger, travailler, dorloter bébé, nourrir bébé, manger et se coucher. Ccino et Nightmare goûtaient ou plutôt subissait la double journée du travail. Ils avaient peu de temps pour eux et les moments intimes se faisaient rares. Si les rires et mièvreries de Melancholy comblaient les manques du père comblé, ce rythme effréné commençait à ronger le barista à petit feu. Il n'y avait plus de place pour le câlin du matin qui accompagnait l'expresso ou celui du soir avant de tomber dans les bras de Morphée. Les retrouvailles des amants le soir tombé, leur rituel qu'ils affectionnaient tant, étaient brèves. La fatigue accumulée de la journée inhibait bien des choses dans leur vie intime.
Nightmare était exténué, lui s'investissant pour Melancholy pour deux. Lorsque celle-ci ne faisait pas ses nuits, il ne pouvait compter sur l'aide de Ccino pour prendre le relai. Et depuis qu'il savait le secret inavouable de son partenaire, voir ce-dernier faire peu d'effort le plongeait dans une anxiété silencieuse, au point où il se demandait si lui-même devrait s'essayer à la thérapie du divan. Il était donc de moins en moins enclin à répondre aux sollicitations du barista.
Ccino devint plus irritable à cause de cela et la présence du nourrisson commençait à le courroucer. Quelquefois la nounou installait Melancholy dans un couffin au coin du réfectoire pendant le service. Elle pensait bien faire, jugeant l'appréciation de son employeur d'être un peu au côté de son enfant. De surcroît les clients s'égayaient devant cette petite frimousse.
« Quelle adorable enfant ! »
« Oh regardez elle m'a souri »
« On en mangerait »
Le barista entendait mal tous ces compliments...
- Adorable !? Assena-t-il intérieurement. Elle ne sait que geindre et voler mon Nighty !
Il ne supportait pas plus ses plus vils sentiments...
- Oh bon sang, qu'est ce qu'il me prend ? Ce n'est qu'un bébé... ton bébé. Ne penses plus cela Ccino, ce n'est pas toi ! Si tu continus sur cette voie Nighty te détesteras. Oh malheur non, je ne veux pas perdre Nighty.
Ainsi le barista passait d'un état à un autre au fil des jours, alternant mépris et réflexions sincères. Ces changements et sautes d'humeur l'affaiblissaient lui aussi malgré la présence d'une tierce personne pour s'occuper de Melancholy la journée.
Au beau milieu de la nuit cette dernière réveilla tout le foyer. Nightmare qui d'habitude s'en chargeait par automatisme n'eut pas la force de se lever.
- Ccino tu peux y aller s'il te plaît ? Gémit-t-il.
Il était très déphasé, son travail en pâtissait. Il avait été plusieurs fois surpris à dormir dans les archives du château. Le barista ne réagissant pas, sauf un grognement, il n'eut guère le choix que de sortir du lit pour répondre aux besoins de son enfant.
Peu après que les pleurs aient cessés, Ccino ne voyait pas Nightmare revenir. Il fit l'effort de se lever à son tour et se dirigea vers la chambre de l'enfant. Melancholy s'était rendormie paisiblement dans son berceau, et à côté de celui-ci son partenaire était avachi sur un pouf, le biberon encore en main, ronflant. Sans doute s'était-il écroulé d'épuisement. Ccino le regarda tristement, son pauvre Nighty se démenait tant pour lui. Il alla chercher un plaid et le recouvrit délicatement avec toute son affection. Il lui murmura.
- Je vais faire des efforts, dors bien mon Nighty que j'aime.
Il lui embrassa le front et retourna se coucher sans prêter attention à sa fille.
Le matin qui suivit, Ccino crut bon de tenir la promesse qu'il avait faite. Pendant ses heures creuses il alla à la clinique de son propre chef. En parcourant les couloirs du bâtiment, il aperçut derrière une baie vitrée plusieurs mères, certaines accompagnées de leurs chers et tendres, en pleine activité avec leurs polichinelles. Le barista s'arrêta pour contempler la scène.
Les baigneurs, à demi-nus, étaient confortablement installés sur des matelas tandis que les mères étaient positionnées à genou, penchées et face eux. Elles caressaient le ventre de leurs enfants et frictionnaient plusieurs membres tels que les bras, les mains, les cuisses, les mollets et les petons. Elles imitaient les gestes de l'infirmière, sans doute puéricultrice, qui menait l'atelier à l'aide d'un poupon factice. Leurs yeux débordaient de tendresse et d'affection devant leurs prunelles qui étaient plongés dans un état fort relaxant.
Parmi tous ces petits êtres dénués de parole, on n'entendait ni cris ni pleurs. L'atmosphère était sereine. Personne n'affichait de sourire inversé, ils nageaient simplement dans le bonheur, celui d'être parent. Le barista observa tout cela avec intérêt. « C'est cela être mère ? » se demanda-t-il les pupilles rivées sur les visages enchantés. Il eut envie de les rejoindre avec Nightmare et leur fille. Fille qui, pour une raison inexpliquée, n'avait jamais vraiment existé. Pourtant elle était là et n'allait pas tarder à fêter son premier mois. A cette pensée, l'émerveillement s'évapora pour laisser place à l'anxiété. Il se souvint pourquoi il était venu ici : trouver un moyen d'aimer son enfant autant que ces mères derrière la baie vitrée.
En voulant reprendre le chemin, il fit accidentellement volte-face à une sage-femme manquant de lui rentrer dedans.
- Oh pardonnez-moi !
La soignante lui sourit et le salua.
- Oh bonjour Monsieur Sans, comment allez-vous ?
Ccino, relevant la tête, reconnut la femme qui l'avait aidé à mettre au monde son enfant.
- Oh... c'est vous ? Eh bien... ça va plutôt bien... je crois...
Il jouait avec ses phalanges traduisant sa nervosité. Il ne savait comment aborder son mal. Si il était venu, c'était bien parce que peu de chose allait.
- Fatiguant de s'occuper d'un petit enfant hein ? Ça l'est au début en effet mais vous verrez, vous vous accoutumerez. Comment se porte votre petite princesse ? Vous aviez besoin de quelque chose ?
La perche lui fut tendu. Il n'y avait pas meilleur occasion pour la saisir.
- 'Choly va bien... tout le monde l'adore, surtout son papa...mais...
Le barista se pinça la mandibule. Il avait beau être déterminé durant le trajet, être au pied du mur se releva plus difficile qu'il ne l'avait pensé. Il se tût, stressé, ne sachant quoi dire.
- Monsieur Sans ? Ça ne va pas ? S'inquiéta la sage-femme
Ccino se ravisa aussitôt qu'il était venu. Il se précipita vers un présentoir non loin tout en prenant soin d'éviter le regard de son interlocutrice.
- Oui en effet, reprit rapidement Ccino, c'est éreintant avec le travail, elle ne fait pas encore ses nuits. Je voulais voir ce que vous proposiez pour les bébés. L'atelier massage m'a l'air pas mal, oh et bébé nageur aussi, faut bien qu'elle apprenne à nager le plus tôt possible !
Il arracha plusieurs prospectus sans vraiment regarder leur contenu, faisant tomber accidentellement certains au sol. Il s'en retourna se contentant d'un bref « en revoir » feignant la politesse laissant la soignante stupéfaite. En s'abaissant pour ramasser le remue ménage laissé par le barista, elle tomba sur un flyer bleu qui, comme un signe, lui donna puce à l'oreille. Elle contempla le document, troublée, espérant que la jeune mère reviendrait raisonnable.
Ccino avait échoué...
Sur le chemin du retour, traînant des pieds, il s'arrêta et s'assit sur un banc pour souffler. Il jeta un coup d'œil sur les petits papiers glacés qu'il avait antérieurement chapardé. Se défilait devant lui un enchaînement d'images montrant mères et nourrissons tout sourire et emplis de joie. Pas de tristesse ni de larmes, contrairement au barista. Preuves à l'appui, il sut plus que bien qu'il n'était pas normal et en rougissait. Dans un dernier abattement il jeta les prospectus dans une poubelle et rentra vaincu.
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Mon baby blues
Fanfiction[Fluffynight] Voilà plus d'un an que Ccino et Nightmare, dit Nighty, vivent le parfait amour à Fluffytale. Il ne fallut point longtemps pour que le barista attende l'heureux événement. Le jeune couple enthousiaste met le coeur à l'ouvrage pour accue...