Chapitre 5 : Ballet Bank

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Depuis quelques heures, Sam se tournait et retournait dans son lit, incapable de dormir. L'histoire d'Antoine la tourmentait et l'empêchait de trouver le sommeil. Vers trois heures du matin, elle alluma la lumière et observa la partition que lui avait prêté son ami, en rejouant pour la quinzième fois le morceau dans sa tête, sans trouver pour autant ce qui clochait. En soupirant, elle posa les yeux sur le tampon apposé sur le côté gauche de la feuille : Ballet Bank, 20 rue des Peupliers, 88 000 EPINAL.

Un tour sur internet ne lui apprit rien de plus : aucun établissement ne s'appelait Ballet Bank et il n'y avait pas de rue des Peupliers à Epinal. En dernier recours, elle rechercha la liste des établissements musicaux et compara les adresses. Elle découvrit qu'il existait bien un magasin de musique situé au numéro 20 et elle décida de tenter le tout pour le tout le lendemain.

Trépignante et gonflée d'adrénaline, Sam se leva le lendemain et suivi sa nouvelle piste. Lorsqu'elle posa le pied dans la boutique d'instruments, elle poussa un souffle émerveillé. Il y avait des disques, des vinyles mais aussi de splendides instruments de musique. Alors qu'elle caressait des yeux les violons et les pianos brillants, un vendeur d'environ son âge l'interpella :

« Bonjour et bienvenue Mademoiselle, puis-je vous aider ou vous être utile ?

- Bonjour ! Je cherche le Ballet Bank ... C'est ici ? » demanda l'Enstibienne incertaine.

Le visage du vendeur laissa transparaître sa surprise et son incrédulité. Il la pria de patienter en attendant qu'il se renseigne auprès des gérants, la laissant seule une dizaine de minutes. Il revînt finalement accompagné d'une femme d'une soixantaine d'années au sourire radieux. Elle fit signe à Sam de la suivre dans l'arrière-boutique. Encore une fois, la jeune femme écarquilla les yeux : les étagères étaient chargées de livres, de parchemins et de coffres en tout genre. Il faisait sombre et tous les objets étaient surmontés d'une épaisse poussière grise. Heureusement, tout semblait intact. Pour couronner le tout, un immense piano et une estrade trônaient au milieu de la pièce

« Bienvenue au Ballet Bank, la banque de ballets. Nous archivons les ballets de générations en générations. Lequel recherchez vous ?

- Je suis désolée, je ne connais pas le nom de ce ballet et je n'en ai qu'un extrait, s'excusa-t-elle en lui tendant la partition. Mais j'aimerai retrouver le reste et le déchiffrer.

- Seigneur, s'exclama la femme dont les yeux s'agrandissaient de surprise. Cet exemplaire date d'il y a des années ! Je ne saurai le reconnaître en un seul coup d'œil et il me faudrait des mois pour retrouver le reste de ces partitions !

- Je peux peut-être vous aider ? suggéra la jeune fille. A plusieurs nous irions plus vite !

- Pourquoi pas, accepta la gérante. Et Pierric, mon assistant pourra aussi nous aider, il a une très bonne oreille. »

La gérante expliqua donc que les ballets entreposés dans sa réserve étaient bien souvent inconnus car ils avaient pour la plupart étés écris par des amoureux qui souhaitaient matérialiser leur amour pour leur moitié. Il s'agissait de leur moyen de communication le plus sûr et le plus beau qu'on puisse imaginer selon elle. Elle raconta l'histoire, d'un pianiste amoureux d'une danseuse durant la guerre, mais dont l'amour était interdit puisqu'il était juif et qu'elle était allemande. Cependant, ils utilisaient la musique pour communiquer sous le nez du monde et vivre leur idylle. Puisque le père de la jeune danseuse travaillait pour l'état nazi, elle lui communiquait des conseils pour se cacher, quand elle le pouvait. Finalement, le jeune homme réussit à survivre jusqu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, mais le destin décida de se montrer encore plus cruel : le mur de Berlin fut érigé entre eux, et ils ne purent pas se retrouver. Alors chacun de leur côté, ils continuèrent d'écrire le ballet, elle en dansant et lui en s'acharnant sur son piano. Finalement, lorsque le mur fut détruit, ils purent enfin s'unir et être heureux, en musique, et rattraper le temps perdu grâce aux notes de leur ballet.

Émue par cette histoire, Sam se mit à feuilleter les feuilles pleines de notes, en se concentrant. Au bout de deux heures de recherches silencieuses, la gérante les abandonna pour tenir la boutique. Pierric et Sam se retrouvèrent donc seuls.

« Tu travailles ici depuis longtemps ? demanda l'étudiante, pour combler le silence.

- Oui, ça fait trois ans, avoua-t-il. Depuis toujours, la musique fait partie de ma vie et je veux travailler dans ce domaine. Dès que j'ai eu mon bac, j'ai commencé à travailler ici pour récolter un peu d'argent et pouvoir enregistrer mes propres musiques un jour.

- C'est un projet vraiment incroyable ! Pourrais-je entendre une de tes créations ?

- Avec plaisir, mais peut-être un autre jour, l'heure de fermeture approche et j'aimerai aller manger.

- Je n'avais pas vu le temps passer ! Je suis vraiment désolée, je ne voulais vraiment pas te retenir !

- Ne t'inquiète pas, je n'avais jamais eu l'occasion de passer du temps dans cet endroit et c'est vraiment une mine d'or ! Grace à toi, je peux lire toutes ces partitions et voyager à travers leurs histoires !

- J'aimerai tant pouvoir être aussi sensible à la musique, soupira-t-elle.

- Si tu veux, on pourrait en discuter autour d'un bon repas, suggéra Pierric. J'allais manger en ville, mais ce serait plus sympa à deux !

- J'aimerai beaucoup. »

Black Poplar - Une Enquête ÉpineuseWhere stories live. Discover now