« Récapitulons, commença Noé. Tout d'abord, tu as trouvé, dans les affaires de ton grand père disparu, des partitions bizarres qui appartiennent à une organisation quasi-secrète qui recense des milliers de partitions merveilleuses avec des histoires palpitantes. C'est bien ça ?
- Jusque-là, tu as tout juste, confirma Antoine. Je ne savais même pas que Ballet Bank existait.
- Avec ces partitions, il y avait aussi du courrier illisible, avec des lettres effacées, ainsi qu'une vieille machine à écrire.
- C'est cela, acquiesça-t-il à nouveau.
- Et par-dessus tout, il y avait des notes de recherches, évidemment à moitié effacées, qui portaient sur un projet fait à l'ESSTIB ? résuma l'étudiant.
- Tu as tout compris.
- J'ai un grand nombre d'interrogations et d'hypothèses qui me viennent en tête. A qui était destinée cette correspondance illisible ? Serait-il possible de retrouver les recherches de ton grand père dans les archives de l'école ? Ou au moins, retrouver une trace de lui, pour savoir s'il a réellement un jour fréquenté ces murs ?
- Je me suis déjà posé ces questions mille fois et j'ai déjà été fouiller un peu à la bibliothèque, avoua Antoine. Mais je n'ai rien trouvé : pas de réponse, pas d'explications rationnelles et pas de trace de lui !
- C'est assez étrange. Il faudrait que l'on y aille ensemble pour inspecter les archives.
- Si seulement Sam était là aussi !
- Ne m'en parle pas, elle est toujours avec son nouvel ami, Pierric ! grimaça Noé.
- Tu ne serais pas jaloux ? le taquina son ami.
- Moi ?! Mais pas du tout ! Sam est mon amie, et ma colocataire ! Mais je trouve juste qu'elle me délaisse un petit peu en ce moment, c'est tout ! »
Il mit fin au sujet en désignant la vieille machine à écrire que Noé avait posé sur son bureau. Après avoir inséré une feuille, il tapa une à une, toutes les lettres de l'alphabet, dans l'ordre. Avec un soin méticuleux, il récupéra la feuille et inscrivit en dessous de chaque morceau de caractère, la lettre qui aurait dû être tapée.
Il constata ainsi qu'elles avaient toutes étaient modifiée, tronquée ou déformée, afin de rendre la lecture impossible. L'apprenti détective demanda à son ami :
« Tu aurais une copie d'une des lettres incomplètes du correspondant de ton grand-père, s'il-te-plaît ?
- Je les ai toutes photocopiées, répondit Antoine. Sers-toi dans la pochette grise dans l'étagère. »
Muni de surligneurs multicolores, Noé se mit à mettre en évidence les symboles les plus fréquents et les plus rares, afin de déduire, par leur place dans les mots et dans les phrases, les lettres potentielles.
C'est ainsi qu'il pu repérer beaucoup de ''e'', lettre la plus utilisée dans pratiquement toutes les langues, avec 12% d'apparition en français. Ensuite, il déduisit que la deuxième lettre la plus fréquente serait un ''a'', avec 7%, juste avant le ''i'' et le ''s'' qui apparaissent avec 6% de chances. Enfin, il attribua les signes les plus rares à ''k'', ''w'' et ''z'', sans certitude.
C'était un bon début ! Fier de lui, Noé appela Antoine pour lui partager sa découverte :
« Regarde, j'ai réussi à identifier déjà quatre lettres ! Ici aussi les caractères semblent déformés. Cependant, en comparant avec l'alphabet que j'ai tapé avec ta machine, il semblerait que les lettres soient complémentaires !
- Tu veux dire que pour déchiffrer le message, il faut taper par-dessus avec la machine à écrire ? s'étonna Antoine. Mais comment sommes-nous censés deviner quelle lettre taper en avance ? Il faut d'abord avoir déchiffré la lettre avant de pouvoir la taper.
- Tu as raison, je fais fausse route, se découragea Noé.
- Et si on appelait Sam pour lui partager déjà ce qu'on a trouvé ? suggéra Antoine, en saisissant son portable.
- Pourquoi pas ? »
Sam décrocha à la troisième sonnerie et écouta ses amis sans les interrompre. Elle ne prit la parole que lorsqu'ils eurent fini.
« Vous dites que les lettres de ton grand-père et de son correspondant sont complémentaires ?
- C'est la conclusion à laquelle on est arrivés, confirma Antoine.
- Vous avez essayé d'utiliser du papier calque ? proposa la jeune enquêtrice.
- Comment ça ?
- Vous refaites un alphabet avec la machine à écrire, mais sur du papier calque cette fois, commença Sam. En espérant que l'encre est compatible avec le papier, évidemment. Puis, vous utilisez ce calque en le posant sur le message du correspondant. Le but est de faire défiler chaque ''symbole de l'alphabet'' de ton grand-père, avec chaque symbole du message du correspondant. Si votre théorie est juste, vous devriez pouvoir reformer une à une les lettres du courrier !
- Mais ça va être super long, se découragea Noé.
- Ou alors, vous faites un algorithme, conclut Sam en raccrochant.
- Brillant, félicita Antoine à voix haute. Elle est vraiment brillante cette fille. »
Le protocole que Sam avait décrit avec le calque, était en réalité le pseudocode de l'algorithme en question. Il suffisait effectivement d'entrer chaque symbole dans un ordinateur, et de les croiser entre eux à l'aide de l'algorithme. Ensuite, il suffirait de comparer le nouveau symbole formé avec les lettres latines présentes dans une base de données.
En se remémorant leurs cours d'informatique de prépa, et du début de première année, Antoine et Noé réussirent à aller au bout de l'idée géniale de Sam. Cela leur prit trois bonnes heures. Et lorsqu'ils lancèrent le déchiffrage, ils retinrent leur respiration en voyant petit à petit les mots se former sur l'écran.
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Black Poplar - Une Enquête Épineuse
AdventureL'ENSTIB est une école d'ingénieur spécialisée dans le bois. Or, avec du bois on peut faire des maisons, ou du papier. Et avec du papier, on peut faire des journaux. Comme par exemple, la Gaz'Hêtre, le journal de l'école, où on peut lire chaque mois...