La rencontre

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Ça remontait à quoi ?
Une bonne douzaine d'années...?

Tord venait d'emménager à Manchester. Fraîchement débarqué de Norvège, il avait éprouvé un sentiment mélangeant nostalgie et dépaysement.
Il s'était senti tout seul sous la pluie, différente de la neige qu'il avait toujours connu.

Malgré les expressions joviales de ses papas qui l'incitaient à braver sa peur de l'inconnu, Tord n'avait jamais pû faire un pas dehors sans rentrer en versant des larmes discrètes.

Il n'en avait pas voulu à ses parents, anglais de base, qui avaient voulu revenir à cette culture qu'ils avaient mieux connu que celle dans laquelle on leur avait imposé de grandir.
De ce métissage, était ressorti un léger accent qui faisait toute l'originalité de Tord.

À l'époque, il parlait peu et suivait des cours à distance à cause de sa phobie des contacts.
Peur née de ce nouvel environnement auquel il ne voulait pas se confronter.

Il ne sortait pas beaucoup de sa chambre. Elle était la seule chose qui le reliait encore à tout ce qu'il avait laissé en Norvège. Tout ses souvenirs qui composaient sa vie comme de petits cubes qui formaient un édifice incroyable.

C'était un soir d'hiver, il pleuvait comme souvent.
Tord avait laissé son front s'appuyer contre la surface glacée de sa fenêtre, profondément ennuyé par la noirceur du ciel.
Et là, une mélodie inconnue avait frôlé ses tympans. Douce et délicate.
Elle semblait charger de toute la souffrance du monde. Tantôt dansante, tantôt émouvante, puis piquante.

Comme attiré par ces notes jouées avec minutie, il s'était levé de sa chaise et s'était dirigé vers l'extérieur. Un simple pull rouge le protégeait des coups de la pluie qui, bienheureusement, perdait en intensité.

Il était là. Assis sur le perron de chez lui, une tasse de chocolat chaud fumant entre ses jambes. Sa basse entre les mains, il jouait, les yeux fermés, se souciant nullement de la pluie qui tombaient face à lui ou du froid qui paraissait ronger ses lèvres qui restaient fermement closes.

Il s'arrêta quand Tord ne pût retenir l'éternuement magistralement qui quitta sa bouche.
Le pauvre s'était sentit tout déboussolé face à la paire d'orbites vides qui l'avait fixé à cet instant là.
Seule une pauvre clôture en bois les séparait. Tord ne pouvait décrocher son regard de ce garçon, aussi beau que talentueux, attrayant et fascinant.

- Tu joues bien...

- Merci. Tu n'as pas froid ?

- Je devrais te demander la même chose...

- Non, je suis habitué. Par contre toi, tu vas attraper un rhume.

- Ah...

- Je sais que tu es nouveau dans le coin. J'attendais de voir enfin à quoi tu ressemblais. Faudra que je remercie Suzan pour t'avoir emmené jusqu'à moi...

Tord n'avait pas tout compris, mais en revanche l'inconnu avait un beau sourire.

- Je m'appelle Tom. Je ne suis pas le mec le plus sympathique de la planète, mais je suis loin d'être un connard t'inquiètes.

- Et moi, je suis Tord. Comme tu l'as dit, je viens d'arriver et avec moi, tu peux être sûr d'avoir toujours un truc à dire.

- Wow, tu es sûrement la meilleure rencontre que j'ai faite depuis des années.

Tord avait rougit puis avait éclater de rire pour faire redescendre toute l'anxiété qui s'était insinué en lui à cause de ses deux pauvres phrases.
Tom s'était levé, avait traversé les gouttes de pluie avec son chocolat chaud pour rejoindre Tord sur son perron. Une fine couverture grise pendait à son bras, couverture qui se retrouva sur leur deux épaules quand ils s'assirent côte à côte.

Effectivement, le lendemain Tord fut bien malade. Mais, Tom avait été près de lui, le temps de sa convalescence. Et avec le temps, il était tombé amoureux de cet alcoolique ronchon, assistant à pas mal de gay pride assis  sur ses larges épaules.

Il lui arrivait de sourire tout seul en repensant à cette histoire. Sourire que Tom venait toujours noyé sous sa langue.

𝐷𝑎𝑖𝑙𝑦 𝑡ℎ𝑖𝑛𝑔𝑠 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant