chapitre 35 (bonus)

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chapitre bonus journal de Charlie

Jour 1.
Aujourd'hui, j'ai perdu mon père. J'ai quinze ans et j'ai perdu mon père.

Jour 2.
Je crois que je suis la personne la plus triste de la terre.

Jour 4.
J'ai essayé de parler à Théo, mais j'en suis incapable. Je n'arrive pas à en parler, à dire que je suis triste. On me dit que c'est normal d'être triste. Ce qui n'est pas normal c'est d'avoir perdu mon père.

Jour 10.
Je suis retournée en cours aujourd'hui. J'aurai préféré mourir plutôt qu'y retourner. Ils étaient tous tellement désolés pour moi. Sans même parler, je le voyais dans leurs yeux. Je les déteste tous. Ils ont pitiés parce que j'ai perdu mon père. Bande de cons.


Jour 15.
J'en viens à compter les jours, je les compte vraiment, je suis même capable de compter les minutes. J'y pense tout le temps, je n'arrive pas à faire autrement. Je ne veux pas faire autrement. J'ai arrêté de pleurer. Théo est plus fort que moi, il est même capable de sourire. Je n'arrive pas à savoir s'il fait semblant ou s'il arrive à sourire pour de vrai. Je l'envie beaucoup. Il vient souvent me parler, il me raconte ses journées comme si cela pouvait m'intéresser, je ne sais pas pourquoi il fait ça, je pense qu'il veut juste me changer les idées. J'ai de la chance d'avoir toujours un frère.

Jour 20.
Toutes ses filles sont des garces en puissance. Elles sont si hautaines, si prétentieuses. J'ai manqué d'en frapper une aujourd'hui, c'est tout ce qu'elle méritait, mais Théo est arrivé. Il a réussit à me calmer. C'est la première fois qu'il y arrive aussi vite, il a compris pourquoi j'avais agis ainsi, mais il m'a expliqué que ce n'était pas comme ça que les choses allaient se résoudre. Les choses n'iront pas mieux, je n'ai pas de père, et ça ne changera pas.

Jour 28.
Un nouveau est venu me parler, il ignorait toute ma vie. Je pouvais être qui je voulais. C'était plaisant qu'il ne me regarde pas par pitié. J'ai pu passer la journée à ne pas penser à mon père dès que nos regards se croisaient. Je sais qu'il saura tout demain. J'aimerai pouvoir leur mentir à tous. Qu'ils oublient un peu que j'ai perdu mon père, qu'ils arrêtent de me prendre en pitié. Le chagrin a rendu Théo plus populaire auprès des filles, je me moque de lui. Cela fait presque un mois, je n'ai toujours pas accepté - qui le ferait ? - mais j'ai retrouvé mon frère.

Jour 40.
C'est Noël. La thérapeute dit que c'est pendant les fêtes que l'on ressent le plus le manque. Elle est conne. Je refuse de lui parler, même quand Théo vient avec moi, c'est lui qui parle. Je n'aimais déjà pas Noël avant, mais maintenant c'est pire. La meilleure partie de Noël c'était quand on faisait à manger tous ensemble, personne ne restait de côté, tout le monde aidait. C'était véritablement une fête familiale, même si c'était pas toujours bon, c'était notre repas. Papa faisait toujours les paquets cadeaux, il était affreusement nul pour ça, ce qui rendait la chose hilarante, on élisait chaque année son pire cadeau. Quand je repense à tout ça, je me dis que c'était bien. Je ne me rendais pas compte de la chance que j'avais. J'ai perdu cette chance aujourd'hui, et je ne suis toujours pas capable de me remettre sur pied. Je fais comme si tout allait bien, je souris, je ris même parfois. Mais j'ai toujours le cœur vide, on m'a enlevé mon père, et je ne suis pas sûre de pouvoir vivre avec ça jusqu'à la fin de ma vie. Théo vit les choses tellement plus simplement, il arrive à se couper de cette tristesse. Elle m'anime toujours moi, elle vit en moi, elle s'est incrustée dans chacun de mes gestes, chacune de mes paroles. Je ne peux pas m'en défaire. On me dit que tout passe avec le temps. Je ne suis pas sûre que le temps puisse effacer la perte de mon père.

Jour 47.
C'est la nouvelle année. Bienvenue en 2010. C'est vraiment pourri. Je n'avais pas envie de changer d'année. Ça veut dire que le temps passe. Et j'ai vraiment peur d'oublier. Théo me dit souvent qu'il pense à papa, je pense qu'il essaie de me rassurer, pour que je me sente moins seule. Je ne pense pas à eux moi. Je suis l'égoïste de la famille. Ma tante nous a rendu visite. La sœur de mon père. Elle n'avait pas le même regard que les autres. Elle n'avait pas de pitié, ni de compassion, mais il y avait quelque chose dans ses yeux : elle comprenait. C'est la première personne que je rencontre qui comprend véritablement ce que l'on ressent. Ma mère n'en parle plus. Théo n'en parle que le soir, quand on est tous les deux. J'ai pu discuter avec ma tante, et ça m'a fait un bien fou. Je n'avais plus l'impression d'être folle. Elle m'a fait comprendre que j'étais égarée, mais qu'avec de la patience, j'apprendrais à être forte. Elle avait l'air tellement sûre d'elle, je l'ai cru. Pour la première fois, j'avais une nouvelle lumière en moi : l'espoir d'être en paix avec moi-même. Je ne m'étais pas rendue compte que j'avais autant de démons en moi. C'était mes démons et personne d'autre ne pouvait les battre à part moi.

Jour 60.
Deux mois. Les jours passent et ne se ressemblent pas. Je suis lunatique. J'énerve tout le monde à la maison. Je suis irritable. Je passe d'un minimum de joie à un maximum de colère en l'espace de trente nanosecondes. Je m'énerve moi-même à passer ces stades si différents. Je pense que je me blâme de rire, alors je pourrie tout ce qui se trouve autour de moi. Ma mère et mon frère en font les frais. J'aimerai pouvoir m'excuser. Ils comprennent d'après Théo. J'ai raté mon rendez vous de thérapeute pour aller fumer avec des amis du lycée. J'avais la tête vide, je planais. J'avais l'impression que ça faisait soixante jours que mon esprit attendait cette plénitude. Mon corps en a assez de se battre contre mes démons. J'ai lâché prise et je me suis accrochée à ce petit instant d'insouciance.

Jour 72.
J'ai pleuré aujourd'hui. Ça faisait des semaines que je n'avais pas pleuré. Je me suis cachée, j'ai eu honte de pleurer ainsi si faiblement après avoir tenue si longtemps. J'ai fumé un joint, et je me suis détendue. Je fume beaucoup ces temps-ci. J'en ai besoin. Je me suis détachée des choses, mais celle-ci compte beaucoup. J'ai perdue ma mère je crois. On ne se parle plus. Enfin si, on parle des banalités de la vie. J'aurai aimé être capable de lui ouvrir mon cœur dès le début, mais maintenant c'est trop tard. Théo lui, va bien, je crois, il est un peu distant, il n'aime pas les personnes que je fréquente, ils ont une mauvaise réputation au lycée. Je m'en fou. Ce que disent les autres ne m'importe plus.

Jour 100.
J'arrive à oublier, parfois. J'arrive à oublier que j'ai perdu mon père. J'en suis capable. Je ne sais pas si c'est une bonne chose ou non. Les garçons ne me parlent jamais de ça, j'ai l'impression qu'ils ont peur de me blesser en évoquant ce sujet. Ils sont gentils. On m'a proposé de passer à quelque chose de plus puissant que le cannabis. J'ai refusé. Je ne suis pas en état pour prendre quoi que ce soit de plus fort. J'ai vu Thomas sous ecstasy, il était drôle, j'ai beaucoup rit. Je pense vraiment que ces garçons m'aident à passer à autre chose. Je vais mieux. Théo se méfie toujours, il essaie de me convaincre qu'ils ne sont pas bons, je déteste quand il ne me laisse pas faire mes propres choix. Je suis une grande fille, je peux prendre mes propres décisions, et ce sera à moi de juger si c'était les bons ou non.

Jour 110.
On a seize ans aujourd'hui. On est le 5 mars. Et ça fait 110 jours que mon père est mort, soit 3 mois et 20 jours. Je suis d'autant plus triste. Je n'aime pas fêter cet anniversaire et je n'aimerai pas les autres. Mon père n'est plus là, alors je n'ai rien à célébrer. Il était à chaque fois triste de nous voir grandir, je suis triste qu'il ne le voit plus. Il me manque encore plus maintenant. On a passé la journée ensemble avec Théo, comme chaque année, c'est notre journée, alors on fait ce que l'on veut. On a fait les enfants et on a été à la grande fête foraine à côté de San Francisco. Ça m'a fait un bien fou. Une journée pour nous, rien qu'à nous. Je ne pourrais décemment pas vivre sans mon frère.

Jour 121.
Les garçons m'ont fait une surprise pour mon anniversaire. Ils m'ont emmené dans une véritable soirée de lycéen. J'ai passé une soirée mémorable. J'étais dans un autre monde. Je n'étais pourtant pas très motivée à m'amuser au début. Ils m'ont donné quelque chose, je ne sais pas trop ce que c'était mais ça m'a détendue. J'ai passé la soirée à danser, à rire avec des personnes que je ne connaissais pas. L'insouciance m'a gagné et j'étais juste libre de faire ce que je voulais. Je n'avais plus de contraintes. J'étais bien. Je veux retrouver cette sensation, je l'attends patiemment. Je suis rentrée à la maison tôt le matin et maman était réveillée, elle n'a rien dit. Elle ne pouvait rien dire de toute façon, elle savait que j'aurai répliqué ou que ça n'aurait rien changé. Théo m'a assassiné de questions sur mes fréquentations. Il s'inquiète pour moi. Il n'y a aucune raison. Ce n'est pas grand chose. Je lui ai expliqué que j'en avais besoin, que ça m'aidait. J'ai du même lui promettre de ne jamais devenir accro à ses drogues. J'ai peur de lui avoir menti...

Life is a joke (Hope)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant