2. Malibu

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Les jours et les semaines passent. Plus ça change et plus c'est pareil.

Colin m'a demandé de l'accompagner à Malibu pour un concert qu'il y organise. On doit partir pendant une semaine. Pourquoi pas ? Après tout, ça pourrait me faire du bien. Et je lui en dois une. Il y a trois ans, il m'a offert une de ses guitares sèches. J'ai appris seul - ça m'a aidé pendant la première année de deuil. Maintenant, je suis capable de jouer l'instrumental de certaines chansons sans prise de tête; ça me vient naturellement. Je ne chante pas, par contre. Je ne sais pas chanter, comparer à Colin.

Parlant de lui, le voilà qui arrive avec le van et les autres membres du groupe, dont Jérôme. C'est aujourd'hui qu'on part pour l'aéroport. Notre vol est dans deux heures. Malibu n'est pas la porte d'à côté, alors on y va en avion. Tant qu'à passer quelques jours au bord de la plage, j'amène avec moi ma guitare. 

Le trajet ne se fait pas en silence, malheureusement. J'aurais dû m'y attendre, après tout ! Adam et Jérôme discutent avec moi; ils ont vraiment envie de m'entendre jouer. Depuis que j'ai appris, je n'ai joué que pour moi, ça me suffisait. Même mes conquêtes d'un soir n'ont pas eu ce privilège. 

Arrivé à l'hôtel, je me rend compte que Colin a fait en sorte qu'on partage la même chambre. Arrivé dans la pièce avec nos bagages, je me permet de lui poser la question étant donné que je lui avais demandé une chambre seul.

- Pourquoi ? lui dis-je.

- Pourquoi quoi ?

- Tu le sais très bien, Colin ! répondis-je sèchement en rageant.

Il soupir d'agacement. Il sait exactement de quoi je parle. Il enchaîne :

- Avec les autres, on s'est dit que tu devais arrêter de t'isoler et qu'tu devais recommencer à sortir. T'as l'air d'une épave à la dérive sur le bord de couler, Matt ! Moi, en tout cas, j'te laisserais pas te faire dévorer par tes démons, s'tu clair ? Faut qu'tu passes à autre chose, c'est plus possible d'te voir de même.

Je pète un câble. Ce n'est pas parce qu'il est mon meilleur ami qu'il peut se permettre de me dire des choses comme ça. Malgré que j'aurais fait pareil à sa place... Des bests friends sont supposés se soutenir et se dire les vraies choses en face. Mais il ne peut pas m'obliger à faire quelque chose que je ne veux pas faire !

- Et depuis quand tu décides pour moi, mec ? lui dis-je en haussant la voix. Depuis quand tu te soucis autant de moi ? En deux ans c'est bien la première fois que je te vois porter attention à ma petite personne ! C'est pas maintenant que j'ai besoin d'aide, c'était au début de toute cette merde ! Tu ne te rend pas compte par quoi je suis passé durant tout ce temps, parce que tu n'étais pas là pour le voir ! En fait oui, tu étais là, mais tu voyais rien ! Tu peux même pas comprendre parce que t'es même pas foutu de garder une fille plus longtemps que trois mois ! Je suis certain que tu ne sais même pas c'est quoi aimer ! Ce qu'est le vrai amour ! Celui qui nous donne l'énergie, qui nous anesthésie de toutes les peurs, celui qui nous donne l'adrénaline qu'on a besoin pour protéger la femme qu'on aime éperdument ! J'aurais donné ma vie pour elle, mais à la place je lui ais volé la sienne ! Et si...

Il me coupe net en posant sa main sur mon épaule et en me fixant dans les yeux. Je ne m'en suis pas rendu compte, mais je hurlais dans la chambre et de grosses larmes ruissellent sur mes joues. Je le regarde dans les yeux, planté devant lui, les mains figées devant moi et la bouche ouverte. Il ne dit rien et me prend dans ses bras. Je n'ai aucun souvenir de ce que j'étais en train de lui dire. Là, je ne fais que le serrer dans mes bras en pleurant sur son épaule. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés comme ça, mais quand je me suis calmé et que j'ai jeté un coup d'œil par la fenêtre, la nuit était tombée. Il me demande si je veux manger quelque chose. Bien sûr, je n'ai pas faim. Il m'apporte un verre d'eau à la place et on reste assis sur l'un des deux lits. On discute. Non. Je parle et il écoute. Je ne peux pas m'empêcher de parler encore et encore et encore. Je n'ai aucune foutu idée de ce que je dis, je ne fais que vider mon sac. Non, je vide mon bagage, je desserre l'étau qui me comprime les poumons, j'enlève les pierres de mes poches. Et Colin, il panse. Il me soigne de son écoute. Je lui dis des choses que je n'ai jamais osé dire à mon psy.

Is It Love ? MattOù les histoires vivent. Découvrez maintenant