6. The fight song

42 5 3
                                    

On est le vingt-quatre décembre. Il est présentement vingt heure et la soirée chez Daryl se passe plutôt bien. Depuis le début, je le surveille du coin de l'œil. Ce n'est comme pas trop le moment pour rompre avec Lisa qui, elle, rayonne. Il devient le pire des batards s'il fait ça ce soir, ou même demain.

Installé sur l'un des tabourets du bar, j'ai le regard plongé dans mon verre d'amarula. Pour les autres, je peux avoir l'air isolé, déprimé ou pensif; mais ils ont tort. En fait, je suis complètement perdu et je ne sais plus à quoi penser. Karianne m'a envoyé plusieurs textos aujourd'hui auxquels je répondais brièvement, ayant la tête ailleurs. J'ai l'impression de vivre une guerre à l'intérieur de moi-même, c'est bizarre comme sensation.

- Ça va, mec ?

Je peux reconnaître cette voix entre mille. C'est Colin.

- Évidemment ! Pourquoi tu n'es pas avec les autres ? lui demandais-je.

- J'te retourne la question.

Je lui répond d'un sourire, mais uniquement pour masquer ma peine. Ses yeux me sondent. J'ai la forte impression qu'il sait que je mens, alors je préfère ne pas répliquer car, de toute manière, j'ai prévu que lui et moi allions discuter plus tard de mes états d'âme. Ma réaction semble l'agacer. Ça me va, il n'avait qu'à ne pas venir me voir. Bon... J'avoue que là j'exagère un peu... Ils se soucient tous de moi, et moi je me néglige. Mais, pourquoi je ferais l'effort de prendre soin de moi ? Je n'ai plus d'émotions. Je m'en fous de tout. Je ne suis pas triste, ni heureux. Je suis rien, je suis vide. Mais, j'ai l'habitude du vide, du silence, d'être seul; et je suis seul, même dans une pièce pleine de monde. Est-ce que je vais être capable de vivre comme ça éternellement ? Ça ne fait que deux ans sans elle, et pourtant je me sens déjà mort...
Je crois qu'il est temps que ça s'arrête, je suis épuisé...

Derrière Colin, je vois mon frère arrivé d'un pas déterminé. Pourtant, il ne s'arrête pas. À la place, il m'empoigne le bras et me traîne jusqu'à sa chambre, à l'étage du dessus, Colin à notre suite.

- Assis toi, m'ordonne sèchement mon frère en désignant le lit.

Je m'exécute avec nonchalance. Les deux m'observent, toujours debout. Je me sens emprisonné, coincé au pied du mur, sans moyen de m'échapper. Daryl croise les bras sur son torse et Colin met les mains dans ses poches. Leur regard, dur et sévère, me transperce jusqu'à l'âme. À quoi dois-je m'attendre...?

- Quoi ? demandais-je en les regardant tour à tour.

- Matt, débute Colin, tu nous parles pas assez – on s'inquiète tous pour toi.

Il a dit ça tout doucement, comme s'il avait peur de me brusquer de ses mots.

Mais, il a raison. C'est vrai que je garde trop souvent les choses en moi. Je passe ma vie (ou en tout cas, ces dernières années) à penser et je ne dis pas toujours ce que j'aimerais dire ou même crier. Mon silence en dit toujours long, je crois bien... et mes crises de folie en disent souvent trop. Comme cette fois-là, avec Colin, dans la chambre d'hôtel à Malibu. Il a certainement vue, à ce moment-là, que j'étais au bout du rouleau.

- Et vous pensez que c'est le bon moment pour parler de ça ? dis-je, exaspéré.

- T'as pas le choix, hermano, crache Daryl. Ça me tue de te voir comme ça. Je ne te reconnais plus ! Je veux ravoir mon frère, aussi chiant soit-il.

''Je dois prendre ça comme un compliment ?'' me demandais-je.

- Et moi, j'veux revoir le Matt qui passe son temps à chambrer les autres, à sourire et à se soucier de tout le monde, avoue Colin. Daryl m'a parlé de votre discussion d'hier. C't'assez, Matt. Tu dois r'commencer à vivre. Olivia a l'air d'une fille super, n'la laisse pas passer.

Is It Love ? MattOù les histoires vivent. Découvrez maintenant