Je me mis à rire, à rire avec l'énergie du désespoir et de l'horreur.
Il me semblait que j'avais franchi la ligne d'arrivée, que j'avais poussé le bouchon trop loin. Toutes mes émotions s'étaient poussées les unes contre les autres, à se battre toutes ensemble, pour au final provoquer ce rire qui n'avait rien d'humain, et qui s'échappait à présent librement de ma gorge.
J'avais perdu toute raison.
Je n'avais plus peur, plus rien ne m'effrayait. Je trouvais la situation hilarante.
Mon fou-rire redoubla lorsque j'observais les regards inquiets et stupéfaits des gens autour de moi. Targen lui même semblait éberlué. Des larmes de rire me montèrent aux yeux.
L'homme me tira par ma tresse.
- Qu'est-ce qu'il y a de si drôle, petite ? Demanda-t-il avec fureur.
- Qui suis-je pour tuer un des vôtres ? Qui suis-je pour tuer vos hommes et m'enfuir pour ma vie ? Mais qui êtes-vous ? Qui êtes-vous pour tuer mes parents, les héritiers du Royaume du Nord, et me traquer depuis mon enfance sans relâche ? Je n'étais qu'une gamine ! Hurlai-je à toutes forces.
Le rire revint de nouveau, me secouant les entrailles et me chatouillant les côtes. Stupéfait face à mon comportement, l'homme qui me tenait avait relâché son étreinte sur moi. J'essayais de m'arrêter de rire, de reprendre mon sérieux, de pleurer, même, mais je n'y parvins pas.
- Allez-y ! Allez-y ! Hurlai-je. Égorgez-moi ! Répandez mon sang sur les marches dorés de votre empire bâti sur des mensonges et ayez le courage de regarder les Valars dans les yeux pour leur conter ce que vous avez fait !
Quelque chose s'était brisé à l'intérieur de moi. Quelque chose de fragile, qui s'était peu à peu fissuré lorsque Calie avait momentanément disparu. Cette chose était brisée, et avec elle le flot de folie s'était répandu et m'avait frappé comme une vague lors d'une tempête.
- Tuez-moi ! Criai-je de plus belle, mais cette fois-ci, je les suppliai réellement de le faire. Enterrez-moi sous les décombres des palais que ceux avant vous avaient construits et que vous avez détruit sans un mot ! Enterrez-moi avec ma famille que vous avez assassinée, membre après membre, traqué, comme des animaux lors d'une chasse !
L'homme qui me tenait le secoua pour me faire taire.
- Et ensuite, quand vous aurez terminé, regardez vos enfants dans les yeux et demandez-vous si je n'étais pas l'un d'entre eux ! Et, maintenant !
Comprenant mon signal, Targen bondit sur ses pieds et se jeta en avant, dague au point. Je me dégageai de la poigne de l'homme balafré et le frappai de toutes mes forces à l'arrière du genoux. Trop occupé par Targen, il ne me remarqua pas et tomba en arrière, Targen plantant sa dague dans sa poitrine.
La foule s'était mise en mouvement, on courait, on fuyait. Des soldats s'avançaient vers nous.
Sans réfléchir, je fis apparaître la vague, la fit passer au dessus de moi en roulant, pour s'écraser sur les soldats qui se dirigeaient vers nous.
Des hurlements me remplirent les oreilles, l'esprit, il me sembla qu'ils s'imprimaient dans mon esprit et s'y incrustaient pour ne plus jamais en ressortir.
Serrant les dents, je gardai ma concentration fixée sur mon illusion, sur la vague qui se déversait sans arrêt sur les soldats. À la différence de Targen, ils la croyaient vrai, et les damages étaient donc mille fois plus importants.
Je sentis qu'on tranchait les liens qui retenaient mes bras collés à mes côtés, Targen agissait vite, avec une précision chirurgicale.
- Il est–
- Mort ? Oui. Ou tout du moins je l'espère.
Comme toujours, il me semblait, son ton était calme, maîtrisé. Il laissa les cordages tomber sur le sol, s'attaqua à ceux qui retenaient mes poignets.
- Vous êtes blessée ? Me demanda-t-il.
- Non, répondis-je, les dents serrées, en ignorant la migraine qui me frappait comme une pioche de Nain dans une mine. Je ne vais pas tenir très longtemps, indiquai-je, désignant la vague du menton.
- Ce n'est pas grave.
Tout en parlant, il ramassait le plus d'armes possible, me fourrant un poignard dans les mains.
- Allons-y. Courrez le plus vite possible.
Il attrapa mon bras, me tirant dans la direction opposée à celle de la vague. Je n'osais jeter un regard au corps de l'homme à la balafré dont je devinais la forme à quelques pas.
Et nous nous mimes à courir.
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Trois paires d'yeux... Bleues - Les Larmes du Sud
Fiksi Penggemar"Je marche dans la nuit. J'ai froid et j'ai faim. Dans mes bras dort ma petite sœur, si petite et si fragile que j'ai peur de la briser. Elle est plongée dans le sommeil, tout comme mon autre sœur, sanglée dans mon dos. Elle aussi s'est endormie, ap...