Chapitre 14

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J'avais le moral dans les chaussettes. Les journées grises et monotones se ressemblaient toutes, et nous n'étions pas plus avancés dans nos recherches. Seuls Clément et Marlène s'en accommodaient très bien.

Notre salle commune était devenue par la force des choses le lieu de toutes les bizarreries. C'était le seul endroit au monde où il était possible d'assister à une conversation entre un livre et un écureuil.

Mes deux collègues s'étaient donnés pour mission de découvrir les réelles motivations de Benjamin. Ce dernier semblait tellement se complaire à l'intérieur de son portrait que nous nourrissions des doutes sur sa véritable allégeance.

De mon côté, je n'avais toujours pas eu la moindre nouvelle de l'Ordre Écarlate. Je m'étais assuré de leur transmettre des courriers réguliers pour faire état de mon avancement... en vain.

Alice ne m'aidait pas beaucoup. Mon amie suivait ses cours avec assiduité et passait le plus clair de son temps libre à faire ses devoirs. L'apprentissage de la magie aux côtés des Fondateurs semblait être devenu sa priorité.

Je me retrouvais donc seul une fois de plus. Élodie se méfiait de moi depuis que j'avais effacé la mémoire de Lyzéa et gardait désormais ses distances. Tous les Mortarion adoptaient par ailleurs la même attitude à mon égard et me toisaient avec mépris lorsque j'avais le malheur d'entrer dans leur champ de vision.

Ma seule satisfaction avait été de pouvoir terminer la fabrication de ma nouvelle baguette magique. Une branche de noisetier assez flexible avec une épine de monstre du Fleuve Blanc en guise de cœur. Personne n'avait encore eu vent de ma réussite, et mon instinct me poussait à garder jalousement ce secret. Aussi, je m'étais finalement résolu à utiliser la baguette prêtée par Louna Nocturis.

– Une démonstration, Jules ?

Je sursautai légèrement sur ma chaise en réalisant que tous les regards étaient tournés vers moi.

– P... Pardon ?

Mon ancienne Fondatrice répéta tranquillement la consigne sans montrer le moindre signe d'agacement ou de contrariété.

– Nous nous demandions si tu accepterais de nous faire l'honneur de mettre en œuvre un enchantement miroir tel que je vous l'ai expliqué.

Louna Nocturis était une femme intelligente. Elle savait pertinemment que je n'avais pas écouté un seul mot de ses explications et avait bien l'intention de me le faire regretter.

L'enchantement miroir était un moyen redoutable de surprendre ses ennemis en retournant contre eux leurs propres sortilèges. Il s'appliquait généralement sur les capes et les vêtements pour offrir directement une protection solide à son concepteur.

– J... Je peux essayer... acquiesçai-je timidement.

Ma professeure ne s'attendait probablement pas à ce que je réussisse. Seuls les sorciers confirmés dans le domaine des enchantements pouvaient réaliser un miroir parfait. Je ne pouvais pas me permettre de me compromettre bêtement en accédant à sa requête.

Je lançai un regard implorant à mes camarades qui me fixaient en silence et pointai d'un geste hésitant la baguette de Louna Nocturis sur ma propre poitrine.

Magicae Reflecto !

L'incantation seule ne suffisait pas. Je décidai alors d'assortir mon enchantement raté d'un petit sortilège informulé qui allait sans doute me servir plus tard.

Ma ruse passa complètement inaperçue.

Everte Statim !

Cercle Magus T2 : L'usurpateurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant