Cercle Magus T2 : L'usurpateur

Chapitre 13

Les jardins d'Hécate Joyus étaient une légende qui alimentait bien des rumeurs au Cercle Magus. Rares étaient ceux qui avaient eu la chance de les parcourir, mais beaucoup se vantaient de l'avoir fait sans jamais y avoir vraiment mis les pieds.

Tous s'accordaient cependant pour affirmer qu'ils se trouvaient quelque part à l'extérieur du château, et c'était là le seul indice dont je disposais.

– Nous sommes déjà passés ici il y a dix minutes... soupira Lyzéa.

– Impossible... répondis-je aussitôt en fronçant les sourcils. Nous marchons tout droit depuis le début.

Je n'avais jamais eu le sens de l'orientation, mais je conservais tout de même une certaine logique qui me permettait de retrouver mon chemin.

La logique n'était cependant pas une qualité prisée par les sorciers.

– C'est la troisième fois qu'on passe ici... assure la petite Mortarion. Je reconnais ce chêne.

Je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel.

– Tous les arbres se ressemblent.

– Peut-être... admit-elle sur le ton de l'indifférence. Mais il y a un écureuil bizarre qui nous observe.

Je me figeai brusquement et levai la tête pour avoir une chance d'observer l'animal. Il me fallut plusieurs minutes pour repérer la branche sur laquelle il s'était tranquillement installé.

Ce n'était pas vraiment un écureuil. Cette créature avait la particularité d'avoir deux queues, et ses yeux brillaient d'une intelligence sans pareil.

– C'est un Ratatoskr... soufflai-je avec incrédulité. Je croyais qu'ils avaient tous disparu.

Les légendes scandinaves décrivaient le Ratatoskr comme le messager de l'arbre-monde Yggdrasil. Ce dernier rapportait les paroles haineuses de Nídhögg – le serpent qui dévorait les racines du frêne – à son ennemi de toujours – un aigle dont le nom fut oublié. Le Ratatoskr entretenait cette haine pour ne jamais devenir la cible de ces animaux plus forts que lui.

La réalité était cependant bien éloignée du mythe. Hécate m'avait un jour confié que ses petits protégés étaient des créatures facétieuses qui passaient la plus grande partie de leur temps à vouloir jouer. Ceux qui avaient le malheur de refuser se voyaient malgré eux emprisonnés dans des cages de lierres au cœur de la forêt où ils finissaient par mourir de faim.

C'était à mon sens une raison suffisante pour rester éloigné de tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à un écureuil.

– Il veut qu'on le suive... me fit remarquer Lyzéa.

J'espérais qu'elle ne le remarquât pas. La créature ne m'inspirait aucune confiance, mais une petite voix intérieure me poussait à prendre le risque.

– J'espère que tu cours vite.

Ma camarade haussa les épaules et s'approcha de l'arbre sans l'ombre d'une hésitation avant de sortir un carnet à croquis.

Elle ouvrit ce dernier sur une page vierge et prit un crayon dans sa poche pour commencer à dessiner le petit animal qui nous observait avec curiosité.

– Wow... Tu as du talent.

Le Ratatoskr prit vie sur la feuille de papier sans qu'aucun enchantement eût besoin de l'animer.

Le résultat était bluffant.

– Merci... murmura Lyzéa. J'aime bien dessiner.

Le rongeur attendit patiemment qu'elle eût achevé son œuvre pour enfin bouger de son arbre.