La Légende Bleue

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J'essorais pour la deuxième fois la serviette, laissant couler l'eau dans le bol posé sur la table de chevet et je tapotais sur le front de mon père pour essuyer les perles de sueurs qui ruisselaient sur son visage. Sa température n'avait visiblement pas baissé, je dirais même au toucher qu'elle avait empiré. Je ne voulais lui montrer aucune inquiétude de ma part, alors je continuais silencieusement de faire ce que je devais faire. J'attrapais ensuite une vieille couverture que je secouais pour faire voler la poussière qui s'y était accrochée, et je la déposais délicatement sur lui pour le recouvrir. Constatant qu'il avait rejoint les bras de Morphée, je m'éclipse à l'extérieur à la recherche de quelques bouts de bois dans la forêt qui nous entourait. J'attrapais en chemin ma fidèle veste noire, mon bonnet autrefois blanc, une écharpe dont la couture s'en allait et les gants de mon père, beaucoup trop grands pour moi. Je pris soin de fermer la porte derrière moi après un dernier coup d'œil vers le lit, et m'en alla chercher au plus vite ce dont j'avais besoin.

L'hiver était arrivé plus tôt que prévu cette année, et ça n'enchantait pas tout le monde à vrai dire. Beaucoup sont tombés malades suite à ce changement soudain de température et les rumeurs courent disant qu'un virus les aurait infecté. Toujours derrière un visage neutre, je cachais mes émotions, mon inquiétude et ma peur. Du peu d'habitants qu'il restait, notre village restait néanmoins sans doute la plus vivante depuis des décennies. La nourriture se faisait rare et vivre confortablement devenait difficile. Heureusement, l'entraide était le mot d'ordre de notre petit village, désormais en ruine. De vieilles carecasse de voitures autrefois brûlées étaient encore restées là, en plein milieu des routes et la nature reprenait doucement le dessus. J'attrapais le dernier bois qu'il me fallait, jugeant que j'en avais assez pris pour tenir au moins cette nuit. De retour sur mes pas, mon chemin rencontrait ceux de Madame Rena et de son fils Loan, tous les deux médecins. Leurs visages semblaient si épuisés et pourtant, ils ont toujours tendu leur main aux villageois dans le besoin.

C'était d'ailleurs mon cas, lorsque j'ai vu que les premiers symptômes de mon père me paraissaient étranges. Lui qui avait l'habitude de manger jusqu'à en avoir mal au ventre, il touchait désormais à peine son assiette. Lui qui partait au crépuscule pour aller chercher du bois, il n'avait plus la force de le faire. Lui qui voulait tout le temps améliorer notre confort, il ne le pouvait plus. Il était devenu faible, comme si son énergie avait été absorbée par quelque chose aussi soudainement. Il était constamment au lit, le corps chaud lorsqu'il faisait normalement froid ; le corps froid lorsqu'il faisait naturellement chaud.

Et puis il y a eu ce jour. Je rentrais de ma cueillette habituelle pour remplir nos petits ventres lorsque je l'ai vu par terre, tousser du sang, en sueur. J'avais lâché les provisions que j'avais été chercher pour courir vers lui, en lui demandant toute paniquée, s'il voulait que j'appelle quelqu'un. Malgré son refus, j'étais tout de même partie toquer à la porte de Madame Rena, car je savais qu'ils pourraient m'aider. Loan est arrivé par la suite, et a examiné mon père. Je le regardais faire, assise sur notre vieille chaise en bois. Lorsque ce fut terminé, il donna à mon père un verre d'eau dans lequel il y ajoutait un liquide qui ressemblait à du sirop de couleur bleue.

"- Laissons ton père se reposer, tu veux bien ? Suis-moi. Dit-il attrapant sa mallette et me faisant signe de le suivre à l'extérieur. Mila, j'ai bien peur que ton père ait attrapé le virus VA*. Je lui ai donné un sirop qui lui permettra de tenir encore quelques mois, mais..."

Je compris rapidement où est-ce qu'il voulait en venir. Mais avant que je perde mes moyens et que je fonde en larme, je l'interrogeais sur l'origine de ce sirop.

"- Si tu as pu lui en donner aujourd'hui, pourquoi ne pas lui en donner plus tard également ?

- Nos ressources sont limitées et ton père n'est pas la première victime de ce virus.

Voyage entre les pagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant