Dans ma chair, il y a tes mots

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Chaud. Froid. Comment deux sensations peuvent-elles émaner d'un même endroit ? Les verres qui s'entrechoquent se fondent dans les notes de musiques tout juste perceptibles pour apporter une ambiance décontractée à cette soirée. Je regarde mon verre encore plein toujours dans la main et mon esprit se perd, une nouvelle fois. D'un mouvement frénétique, je fais valser les glaçons qui se heurtent dans un tintement fébrile.

On me bouscule par inadvertance, j'ai comme l'impression de me réveiller d'un long sommeil. Je tourne la tête et voit une silhouette floue gagner en clarté. Un jeune homme s'excuse d'un signe de la main, puis repart rejoindre ses amis un peu plus loin. Je ne peux m'empêcher de réaliser qu'autour de moi les sourires habillent les visages des invités.

Une chaleur intense naît au creux de ma poitrine. L'incendie m'irradie et je termine mon verre pour tenter de l'éteindre. Au lieu de ça, j'ai l'impression de l'étreindre et de me brûler. Je me lève, d'un pas décidé, comme si finalement j'étouffais, comme si je n'avais pas ma place ici, ou qu'il manquait quelque chose. Quelqu'un.

Je m'éloigne des cocktails et rires pour rejoindre la mer. Mes pieds rencontrent le sable froid que la nuit a su couvrir. J'entends les vagues s'abandonner sur lui et me chatouiller les chevilles dans ce silence lumineux, avant de repartir dans une même mélodie. L'air est frais mais c'est tout juste ce qu'il me fallait. J'ai l'impression de respirer à nouveau, à pleins poumons.

J'aperçois la lune perchée au-dessus de l'horizon. Je l'attrape entre mes doigts ; j'aurais aimé te l'offrir, si encore tu étais près de moi. J'avais tout, mais tu n'es plus là. Je me demande si toi aussi tu la trouves belle ce soir ? J'entends ton éclat de rire cristallin résonner, comme si sur cette plage, tu étais assise à mes côtés. Sous le même ciel, sous la même lumière, près des étoiles reflétées sur la mer.

Je nous vois quelques années en arrière, nos bras accueillant les premières neiges. La brise hivernale caressait nos joues rosies. Je sentais ton regard se poser sur moi pendant que nos pas comblaient ce silence timide. Nos mains se frôlaient sans jamais s'attraper ; si seulement nos doigts s'entrelaçaient, avais-je pensé.

Un sourire nostalgique se dessine sur mon visage ; je sens comme le doux parfum de nos jours heureux m'emporter. La Terre regorge de merveilleux paysages, mais ce sont dans tes bras que je m'y sentais le mieux.

Tout était beau ; beaucoup trop beau. Les étoiles, elles brillent, mais un jour elles s'abîment. Mon esprit divague dans les courants marins où nos songes déferlent abondamment. Désormais, un voile nous sépare ; tout me semble irréel, et pourtant tout est différent à présent. Si dans tes bras je sens mes maux s'envoler dans le vent, ce jour-là j'y ai senti comme un déchirement.

Mes yeux ne quittent plus la belle nuit au-dessus de nos têtes. Ce soir, plus que jamais, c'est avec toi que j'aimerais observer le ciel. Au fond, nos coeurs se retrouveront tels deux aimants ; je le sais, j'y crois.

A l'aube, les étoiles s'éteignent, les premiers rayons m'atteignent. Les couleurs valsent dans le ciel et qui subliment sa splendeur. Je contemple en silence ce tableau qui apaise mon coeur d'une quelconque douleur. Je me laisse la liberté d'entendre à nouveau ta voix, de t'imaginer juste là. J'éprouve comme un besoin d'à nouveau ressentir cette douceur devant tes mots, devant le beau. Comme une étreinte, comme si je te serrais contre moi.

Mes bras entourent mes jambes refroidies par la brise marine. Je pose ma tête sur mes genoux endoloris. Mon oreille entendrait presque la symphonie des souvenirs de mes muscles. Celle où tu étais dans mes bras, celle où tu valsais ici et là. Tout était encore ancré en moi.

Mes mains font des aller-retour ensuite entre le bout de mes pieds et mes chevilles. J'y retrouve cette sensation unique de tes chatouilles sur la plante de mes pieds. Je nous revois sous nos draps, avec nos corps qui s'enlacent, nos coeurs qui s'embrasent et nos lèvres qui s'unissent dans un brasier qui semblait impossible à éteindre.

Les vagues remontent sur la plage dans une douce mélodie. J'ai le sentiment que notre immortalité a été contrecarrée. Quelle sensation étrange d'assister à cette virgule devenue un point. La fin d'un album aux images si parfaites. Le début d'une nouvelle aventure séparée de tes éclats de rire, de tes doigts incorporés aux miens. J'entends encore ta voix, comme si cette bulle, hors du temps, était un coquillage.

Les mots me manquent pour raconter mon errance. Le vide qui s'est creusé atteste de cette place libre qui ne souhaite que te reprendre. Je dois pourtant me faire à l'idée. Nous ne sommes plus qu'un rêve éloigné et je suis là à admirer la mer, sans un bruit. Et si par ce silence, je cherche à combler ton absence ; dans ma chair, il y a tes mots et ils me manquent.

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* Un texte en collaboration avec Etienne, c'est toujours un vrai plaisir d'écrire !

Voyage entre les pagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant