Rails célestes

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Petite fille, regardait le ciel. Elle se demandait ce qu'il s'y passait derrière, si les étoiles brillaient encore à cette heure-ci. Elle ne put s'empêcher de murmurer un petit souhait, enveloppé par la buée glacée. Elle se frotta les mains pour se réchauffer, un léger sourire se dessinant sur son visage et reprit sa route, vers la place la plus animée.

Petit pas après petit pas, elle s'arrêtait devant un chaleureux marchand. Il lui tendait une boisson chaude, une délicieuse odeur de chocolat chatouillant les narines des passants. Elle se contentait de lui sourire en guise d'un merci et prenait volontiers ce qu'on lui offrait ainsi. Ce goût divin que les papilles redemandaient encore plus, réchauffait le cœur de la petite visiteuse. Puis elle poursuivait son chemin vers les joyeuses conversations des villageois réunis. Tous semblaient occupés à habiller la place principale : quelques lampadaires que l'on décorait avec de belles guirlandes lumineuses et quelques lanternes que l'on préparait sur le côté, afin de pouvoir les élever, une fois la lune dans le ciel, radieuse.

Petite fille, n'as-tu donc jamais voulu réaliser un de tes souhaits les plus précieux ? N'as-tu donc jamais voulu avoir des étoiles dans les yeux ? Les dérober au ciel, les toucher du bout des doigts et vivre un instant magique et éternel. Elle regardait le jeune garçon, intriguée. Il lui avait porté ces quelques mots avant de lui expliquer, armé d'un charmant sourire, ce que le village se préparait à accueillir : la tradition du quartier.


La nuit tombée, la lune brillait comme promis. Elle était accompagnée de ses fidèles étoiles, qui scintillaient encore plus aujourd'hui. Le jeune garçon tapota l'épaule de la petite fille, lui montrant du bout du doigt, la pluie de glace qui tombait comme écrit, à minuit. Le spectacle rendait tout le monde éblouit et la jeune voyageuse, quant à elle, admirait le sublime tableau en compagnie de son nouvel ami.

Petite fille, ferme les yeux et fais un vœu. Chaque flocons t'aideront à le réaliser alors n'aies pas peur et tends ta main pour en attraper. Elle regardait son voisin, attendant patiemment qu'un petit flocon se blottisse contre lui. Et la petite fille, le suivit.

Les pendules semblaient tourner très vite et le monde qui l'entourait n'était plus celui qu'elle avait connu jusqu'ici. L'horloge ne faisait plus de bruit, l'atmosphère se faisait plus sereine aussi. Puis elle ouvrit les yeux, craintive de ce que lui avait réservé le flocon qui s'était posé sur sa main, dans l'espoir de voir son vœu s'exaucé.

Petite fille, n'aie plus peur de te retenir. Les mots que tu emprisonnes et qui font échos dans ton esprit s'agitent pour s'échapper d'ici. Laisse ta peine dans ce monde, lâche tes peurs que tu as trop enfouis. Et cesse de fuir. Touchée pile là où il fallait, pensait-elle silencieusement. Elle regardait autour d'elle, tentant de trouver la source de cette mystérieuse voix qui lui parlait. « J'aurais aimé le revoir une dernière fois » dit-elle. Puis elle remarqua qu'elle se trouvait bien plus haut qu'elle ne le pensait. Sur ces rails célestes, bordées par les nuages, elle finit par apercevoir une silhouette. Et dans un élan, dans un courage qui la surprenait, elle finit par crier à haute voix.


« Emmène-moi avec toi. Là où le soleil n'est pas mortel, là où la lune pleure nos cœurs brisés de nos précédentes vies. Attrape ma main, s'il te plait. Et ne la lâche plus. Dis-moi que tu seras encore là, même lorsque je me réveillerais. Dis-moi que même lorsque je marcherais devant toi, je te retrouverais quand je ne saurais pas où aller. Dis-moi qu'en me retournant, tu seras toujours là, à veiller sur moi, à sourire comme tu sais si bien le faire. Appelle-moi, prononce mon nom. Parce que j'ai peur d'oublier ta voix, ton visage. Toi.

Emmène-moi avec toi. Là où les nuages se rencontrent pour apaiser nos doux réveils printaniers, là où les étoiles sont inatteignables, là où elles brillent le plus pendant la nuit. Dis-moi que tout s'arrêtera, que ce voyage prend enfin fin, que j'ai fini de souffrir. Tiens-moi la main, rassure-moi comme tu le faisais auparavant. Dis-moi que des jours meilleurs arriveront alors, qu'ils effaceront tous mes regrets, toutes mes peines. Dis-moi que ces nuits passées à pleurer et penser, à m'inquiéter et angoisser, s'envoleront aussitôt le soleil levé. Emmène-moi avec toi, une dernière fois. Là où l'océan nous enlace pour un profond sommeil, là où le ciel nous accueille pour un merveilleux voyage sur les rails célestes. »


Petite fille, faisait face à celui qui lui avait consacré une partie de sa vie. Il était beau, vêtu de ce petit costume qu'elle aurait tant aimé le lui offrir, avec son béret brun et sa petite canne qui ne le quittait jamais. Il portait toujours ce sourire angélique, mais il sonnait faux ici. Il retenait ses larmes, la petite fille le devinait, car elle aussi. D'un geste lent, il lâcha sa main, comme avec une once de regret. Puis elle comprit. Il prononça quelques mots qu'elle ne pouvait pas entendre mais étrangement, ses mots venaient soulager ses lourdes épaules, comme si un par un, les bagages qu'elle emmenait avec elle dans son aventure, se vidaient, petit à petit.

Petite fille, que fais-tu ici ? N'est-il pas l'heure de te réveiller ? Ne t'inquiète plus, va. Ne regarde plus derrière-toi. Ce vœu que tu as fait t'as permis d'affronter tes peurs, de dissiper tes regrets, alors ne t'en fais plus. Sèche tes larmes et lève-toi. Le monde tourne encore, regarde, là. Il y a encore tant de personnes qui croient en toi, d'autres qui t'attendent encore. Lève la tête et cours petite fille, car il est impossible pour que tu t'endormes pour la vie.

Voyage entre les pagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant