Chapitre 15

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Je n'avais plus versé de larmes depuis cette funeste soirée sur le terrain de Quidditch. Mais j'étais étrangement silencieuse et renfermée. Apathique. Mon arrière-grand-tante, bien qu'elle se gardait de m'interroger, s'inquiétait. Je le voyais dans les regards qu'elle coulait dans ma direction pendant les repas, le soir lorsque nous lisions chacune dans un fauteuil du living room, ou à toute heure de la journée. Lorsqu'elle m'avait retrouvé sur le quai de la voie 9¾, au début des vacances, elle avait une expression alarmée. Après tout, je n'avais plus passé Noël à Godric's Hollow depuis l'âge de dix ans et mon message impromptu avait dû l'affoler. Me sentant coupable de lui avoir donné matière à se tourmenter, je m'étais efforcée de lui offrir un doux sourire en glissant mon bras contre le sien.

Me réveiller à Godric's Hollow avait quelque chose d'anormal. Je n'avais plus vu mon village sous la neige depuis tellement longtemps. Je l'observais depuis la fenêtre de la cuisine, une tasse de thé entre les mains et emmitouflée dans un des châles de ma grand-tante, tout en repensant à la soirée de la veille. Ma première réunion dans l'Ordre du Phénix. J'avais appris que ma mémoire confuse résultait d'un sort, à mi-chemin entre le sortilège d'Amnésie et celui de Langue-de-Plomb. Tous les nouveaux membres y étaient soumis pour empêcher que l'existence de l'Ordre ne soit divulguée. Ma meilleure amie et Remus avaient cherché à le contourner pour me laisser quelques miettes d'informations, conscients que je voudrais lutter à leurs côtés contre le mage noir. Ce détournement n'avait d'ailleurs pas bien plu à Alastor Maugrey, qui les avait coincés pour les invectiver à coup de « vigilance constante ! ».

La plupart des sorciers et sorcières que j'avais rencontré m'avait toutefois accepté sans sourciller, conscient de la confiance que m'accordait Dumbledore. J'avais notamment fait la connaissance de Marlène McKinnon, Emmeline Vance, Dorcas Meadowes, Mondingus Fletcher ainsi qu'Edgar Bones et Elphias Doge. Mais d'autres désapprouvaient sans équivoque ma présence, comme les frères Prewett. J'étais habituée à ne pas faire l'unanimité, aussi m'étais-je appliquée à ne pas me soucier d'eux. De plus, j'étais entourée par Lily et les Maraudeurs. Tandis que je m'étais assise auprès de ma meilleure amie, Remus et James m'avaient salué d'un sourire tandis que Sirius m'avait adressé un hochement de tête. Aucune trace de mépris dans son geste. Seulement un salut cordial, comme si tous nos échanges houleux appartenaient à un passé révolu.

En revanche, je n'avais pas encore eu l'occasion de participer à un affrontement contre les mangemorts. Je le redoutais : et si je me retrouvais face à Regulus ? Comment allais-je réagir ?



J'avais bientôt l'opportunité de le savoir. Quelques jours avant mon retour à Poudlard, je participais à ma seconde réunion. Dedalus Diggle nous faisait son rapport sur la boutique Barjow et Beurk et ses gérants, du marché noir qu'ils organisaient, de leur contrebande récusable. Ils étaient en passe de devenir les fournisseurs officiels de magie noire. Il était brusquement interrompu par une forme blanche et vaporeuse. Elle s'étendait sur la table, illuminant d'une lueur cadavérique tous les visages qui l'entouraient, et prenait vie sous l'aspect d'une fouine. Le Patronus de Maugrey. Nous savions tous ce que cela voulait dire.

    – Le Ministère de la Magie...

En un claquement de doigts, plus de la moitié des chaises étaient désertées. Tout autour de moi, des nuages de fumée opaline accompagnaient le départ des membres de l'Ordre.


Quand j'apparaissais dans l'allée où était située l'entrée visiteur du Ministère, avec sa fameuse cabine téléphonique, j'embrassais du regard un paysage dévasté. Mon sang se glaçait dans mes veines. Le bitume qui recouvrait la chaussée était éventré à d'innombrables endroits. Partout, de la fumée. Des canalisations qui explosaient. Le ballet des transplanages, mêlant nuages noirs et blancs. Et des cris. Des cris de terreur. Des cris de haine. J'entendais même un rire. Un rire hystérique de femme. Présage de ma rencontre prochaine avec Bellatrix Lestrange. Des corps jonchaient le sol, certains inertes. À leurs vêtements, je reconnaissais quelques moldus parmi les morts, civils ou "policiers", comme les appelaient Lily. Des personnes qui n'étaient pas préparé à faire face à une telle situation, pas préparé à un tel massacre. Qui n'avaient rien demandé. Qui s'étaient trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Une bouffée de colère m'envahissait.

Une Lune d'or et de noir [ANCIENNE VERSION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant