Chasseur de primes

Chapitre 20.

Je viens de sortir de l'interrogatoire et ça m'est apparu comme une évidence.
Je devais écrire.
Quand j'aurais achevé cette lettre, je pourrais enfin arrêter de lutter. Mais pas avant.
Tu vas la lire, parce que je veux qu'il en soit ainsi et ma dernière volonté sera respectée.

Tu as détruit ma vie. Maintenant je sais peut-être pourquoi, mais tu l'as détruit quand même.

Peut-être qu'une fois que tu auras fini de lire, un grand sourire va s'afficher sur ton visage. Tu seras peut-être satisfait. Tu riras peut-être.

Ou alors, il n'y a qu'une infime probabilité, mais peut-être auras-tu honte.

De toute façon, je ne sais même pas si les monstres éprouvent de la culpabilité, et ça m'importe peu. Car essayer de te faire regretter n'est pas mon but. Je veux raconter.
Raconter tout ce qui m'est arrivé. Depuis le début. Laisser une trace.

Je pense que c'est mon dernier moment de lucidité, alors j'ai pris un crayon, et j'écris.
Il y a des choses que je sais. Des choses que tu ne peux pas nier, que même les hallucinations ne peuvent altérer. Tout n'est peut être pas très clair mais tant pis.

Je sais que tu as tué Jennifer, puis que tu m'as kidnappé, et qu'à ce moment là j'étais déjà malade.
Je sais que tu as attendu pendant six mois que je perde lentement le fil de la raison. Que tu as essayé de me tuer mais que tu n'y es pas parvenu. Peut-être que je dois ça à l'intervention de la police, ou alors au peu de raison qu'il te restait... ou peut-être que ce n'est qu'un simple jeu... 

Mais reprenons.

Tu leur as laissé des fragments d'indices pour qu'il essaye de me retrouver. Tu as fait durer le jeu jusqu'au bout pour avoir le plaisir de me tuer de tes propres mains.

Tu as essayé de me retrouver et tu as réussi. Maintenant, que j'ai déversé ma haine sur toi, tu vas passer devant un tribunal. Tu seras condamné à une peine de prison à vie. Tu vas souffrir comme j'ai souffert.

Est ce que ça te fait bizarre de lire ça ? De savoir tout ce que j'ai vécu à cause de toi ? De savoir que tu es responsable de toutes ces horreurs ?

Peu importe. Il y a quelque chose d'autre qui me torture.

Après l'interrogatoire, il m'a dit que quelque chose ne tournait pas rond. Je lui ai demandé quoi, évidemment. Il m'a dit que ta manière d'agir ressemblait à celle d'un chasseur qui poursuit sa proie. Au début je n'ai pas compris ce qu'il essayait de me dire. J'ai simplement répondu qu'en effet, tu étais un psychopathe qui avait tué la personne à qui je tenais le plus. Puis j'ai réfléchi quelques secondes. Et j'ai saisi.

Ce qu'il voulait dire, c'est que peut-être que tu n'avais pas tout dit. Peut-être que tu nous as menti pour la raison qui t'as poussé à faire tout ça. Qu'en réalité tu m'en voulais à moi.

Cette question m'obsède, j'y pense tout le temps. Je te déteste encore plus de laisser le doute derrière toi. J'aurais aimé dire que je peux mourir sereine, mais c'est impossible. Je n'y arrive pas.

Tout est réel. Tout ce que j'ai vu. Je me fous des hallucinations. Je veux croire que tout est vrai. Car ça rend mon histoire réelle.

Maintenant, je dois reposer cette feuille.

Car cette violente douleur qui m'opprime la poitrine, elle est plus en plus forte. Elle prend le dessus, et je ne peux pas résister.

Et tu sais le pire ?

Je n'ai même pas peur.

Adieu.