Deuxième mélodie

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Elle se rappelait de sa première rencontre avec lui comme si c'était hier. Alice ne croyait pas en
l'amour, encore moins au coup de foudre. Elle n'en n'avait pas besoin. L'affection de ses parents et de sa grande sœur lui suffisait amplement. Mais ça lui avait pris seulement trois secondes pour succomber à son regard et devenir l'esclave de ses yeux miel. C'était comme si plus
rien n'existait. Comme s'il était la seule personne présente dans la salle de classe... Dans son univers. Elle se rappelait trop bien de leur première discussion silencieuse. Des milliers de mots échangés par un profond silence.
À cette époque, ils avaient tous les trois treize ans. Il était un nouvel élève qui avait déménagé, en plein milieu de l'année scolaire, pour vivre avec son grand-père. Un enfant abandonné par ses parents divorcés. Un enfant qui ne cherchait plus l'amour parental. Un enfant fragile, ténébreux, coriace, souriant... Il était un mélange de tout. On ne pouvait s'empêcher de le contempler. De poser des questions sur lui. De l'approcher.
Devenir son ami, était comme un miracle pour la petite Alice. Elle qui n'avait jamais eu d'amis auparavant. Elle qui se cachait toujours dernière l'ombre de sa bien-aimée grande sœur. En réalité, ils avaient eu la chance de se rapprocher grâce à Adélaïde. Elle était la ficelle qui les avait liés. Alice était trop timide et trop petite pour gérer ce sentiment qui n'arrêtait pas de croître. Lorsqu'il essayait de l'approcher, de lui parler, elle s'enfuyait. Elle évitait, constamment, ses yeux qui se retournaient vers elle lorsqu'elle passait près de lui.
Mais un jour, comme par magie, il était là, dans sa maison. Il était assis sur le canapé en train de jouer à la console avec Adélaïde. Alice était restée scotcher sur place, essayant de comprendre le tableau qui se trouvait devant elle. ''Adélaïde et Ézéchiel''. ''Ézéchiel''. Comme s'il avait entendu les murmures de son esprit, Il leva la tête et la perça du regard. Un regard froid, tranchant. Elle
sentit le rouge lui montait jusqu'au dernier point de son corps. Déclenchant, ainsi, un vertige douloureux. Adélaïde, qui venait de gagner une partie, leva la tête à son tour, en souriant.

_ Hey Éz tu as vu le dernier coup !! ... Oh Alice tu es enfin rentrée ! Où étais-tu encore allée ?
La voix mélodieuse d'Adélaïde apaisa un peu la panique de sa petite sœur.
_ J... Je dois me changer.
En esquivant un dernier regard vers Ézéchiel, Alice s'enfuit vers sa chambre. Une main froide l'attrapa, l'empêchant de fermer la porte. Pour toujours.
_ Arrête de me fuir.
Sa voix était mélancoliquement ferme. Elle dégageait une force que nul ne peut résister. Alice ne le pouvait pas, ne le voulait plus. Depuis ce jour, ils étaient devenus amis et à seize ans
un couple presque inséparable. Alors ''Depuis quand ?''. Elle avait beau se creuser le cerveau, elle ne trouvait aucune réponse. Elle croyait à ses mots. Aux sentiments qu'émettait Ézéchiel en la regardant. Alice avait une confiance indestructible en sa sœur et même une grande partie en lui. Même s'il lui arrivait des fois de se demander pourquoi il l'avait choisi elle et non pas Adélaïde. Adélaïde la plus aimée de tous.

Alice était le portrait craché de sa grande sœur. Yeux noisette verts ornés par des taches de rousseur, cheveux châtain clair et une peau porcelaine. Toutes les deux avaient le même sourire. Un sourire qui arracherait le soleil de son sommeil pour le réunir avec les étoiles. Cependant, elles étaient à l'opposé l'une de l'autre. Adélaïde adorait l'attention qu'on lui
fournissait. Elle était capable de charmer le public par son enthousiasme, sa vivacité et son humour alors qu'Alice était une personne réservée, timide et maladroite qui évitait, tout le temps, de se faire remarquer. Adélaïde était son bouclier, sa protectrice. Elle n'avait jamais
hésité à tout laisser tomber pour subvenir aux besoins égoïstes d'Alice. Même ce jour-là... Aïe.

Une décharge électrique suivie par une douleur aiguë submergea tout le crane d'Alice. Elle ressentit une nausée épouvante puis s'effondrait sur le sol. Avant de s'évanouir, elle entendit des petits cris nostalgiques mélangés par le sens de pas affolés. Ceux de ses parents.

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La Valse Des ÉchosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant