Dernière mélodie

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                                                                 "Mon Ézéchiel"

Alice quitta enfin l'hôpital. Ses parents l'attendaient au bas de l'escalier. La joie se lisait sur leur visage. Ils paraissaient plus jeunes sous les rayons de soleil. Plus vivant. Ils avaient tant souffert. Ils avaient tant attendu ce jour. Perdre Adélaïde était un cauchemar. Leur blessure ne s'était pas guérie. Elle ne sera jamais guérie. Ils avaient tout simplement appris à vivre avec. La mère
s'en voudra pour l'éternité. Protéger son enfant était le rôle sacré d'un parent. Son rôle. Elle était présente le jour de cet incident. L'effroyable image de ses deux magnifiques filles baignées de sang restera gravée dans sa mémoire. Pour toujours. Si seulement elle s'était dépêchée. Si seulement elle ne lui avait pas fait promettre une chose pareille. Serait-elle encore là avec
eux ? La mère et le père. La maman et le papa.... avaient perdu la moitié de leur bonheur. De leur âme. Les deux parents regardèrent leur fille descendre l'escalier petit à petit. Une larme discrète coula sur leur joue. Une larme d'adieu pour Adélaïde. Une larme de joie pour Alice.
Alice se sentait libre pour la première fois depuis longtemps. Il lui avait fallu plusieurs mois pour
réapprendre à marcher. Pour accepter la réalité. Elle était coupée du monde, pendant son séjour à l'hôpital psychiatrique. Seuls ses parents avaient le droit de lui rendre visite.
_ Pour éviter tout risque de détérioration, lui avait expliqué le docteur.
Elle avait appris la vérité petit à petit. Chaque jour, une partie de sa mémoire lui revenait. Chaque jour, une partie de son cœur se déchirait. Elle vivait une torture quotidienne. Alice avait décidé de combattre sa douleur au lieu de s'effondrer. Pour sa sœur. Elle qui lui avait
sacrifié sa vie, son avenir. Elle qui l'avait protégé jusqu'au dernier instant.
Elle devait combattre ses démons ...
Pour Ézéchiel ...
Elle s'était enfuie. Elle l'avait abandonné en sombrant dans un long sommeil. Elle voulait mourir au lieu de sa sœur. Elle voulait donner sa place à Adélaïde par n'importe quelle façon. Même en étant une simple copie d'Adélaïde. Alice n'avait aucun souvenir de l'année qu'elle avait passé en tant que sa sœur. Cette partie de sa vie était comme un trou noir.
Oh Ézéchiel. Il avait sûrement souffert à cause d'elle.
À cause de sa faiblesse. Comment avait-elle pu lui infliger tout ça ? Elle lui avait promis d'être avec lui pour l'éternité. De ne pas l'abandonner comme l'avaient fait ses parents. L'attendait-il ? Cinq années s'étaient écoulées depuis la mort d'Adélaïde. Quatre depuis son
hospitalisation. Elle l'avait délaissé pendant tout ce temps.
L'Ézéchiel de vingt-trois ans. Comment était-il ?
L'aimait-il encore ? Ou ... aimait-il une autre à présent ?
S'était-il marié ? Alice avait peur de poser ses questions à ses parents. Elle avait peur de connaître la réponse. Elle n'avait jamais demandé de ses nouvelles et ils ne l'avaient jamais évoqué. Elle savait que c'était égoïste de souhaiter l'impossible. Mais elle voulait à tout prix le revoir. Même s'il la rejetterait. Même s'il n'éprouvait plus de sentiment envers elle.

Même s'il ... avait fondé une famille. Elle voulait le revoir.
Il lui manquait tellement.


_ Papa tu peux me déposer ici s'il te plaît ?
Il venait de passer devant la maison d'Ézéchiel.Contrairement aux autres maisons, Elle n'avait pas changé. Comme si le temps s'était figé autour d'elle. Ses parents lui posèrent un regard inquiet.

_ N'ayez crainte. Vous pouvez m'attendre ici, leur dit-elle avant de descendre.

Alice se dirigea d'un pas hésitant vers la maison. Son cœur battait à tout rompre. Avait-il changé ? Vivait-il encore ici ? Le reverra-t-elle ? Alice ouvrit le portillon d'une main tremblante. Elle avait tellement peur qu'il l'ait oublié.
La jeune fille traversa le jardin en scrutant des yeux tous ces recoins. Cherchant un reflet. Une silhouette. Un espoir. Un coup de vent brusque lui dépeignit ses longs cheveux. En essayant de les tenir en place, son regard se posa sur le saule pleureur. Plus immense que jamais.
L'arbre qu'elle adorait visiter quand elle était enfant. Quand elle était seule. Quand Adélaïde jouait avec ses amis. Alice s'approcha d'un pas puis s'arrêta. Les battements de son cœur s'accélérèrent à nouveau. Ézéchiel était là. Endormis sous cet arbre. L'Ézéchiel de
vingt-trois ans. Il était plus grand plus robuste. Plus attrayant que jamais. Son visage endormi émettait quelque chose d'indéchiffrable. Quelque chose qui vous attirait comme un aimant. Une fois piéger, on en sortirait plus. Ses longs cheveux noirs dansaient sous la mélodie du vent. Alice mourrait d'envie de les toucher. Il lui manquait tant. Elle l'aimait tant. Des petites larmes
s'échappèrent malgré elle. Elle n'arrêtait pas de se demander s'il avait quelqu'un. S'il l'avait oublié pendant ces années. Elle ne savait pas quoi faire. Quoi dire. Puis
tout d'un coup, elle s'arrêta de respirer.

Des yeux miel.
Une conversation silencieuse.
Des milliers de mots échangés par un profond silence.

                                            *******************************

Ézéchiel se croyait dans un rêve. Un beau rêve. Alice le visitait tout le temps dans son sommeil. Elle le regardait toujours avec tristesse avant de s'évaporer dans l'air. Ézéchiel voulait lui courir après, l'attraper. Mais ses foutues jambes étaient trop lourdes pour bouger.
Cependant ce rêve était différent. Cette Alice était différente. Ses cheveux trop longs lui couvraient presque tout le corps. Son visage était plus fin, plus délicat. Ses yeux Hazel emplis de larmes le regardaient avec ... amour ? Il lui tendit la main. Sans rien espérer.
Il s'attendait à ce qu'elle disparaisse. Comme toujours. En lui brisant le cœur pour la millième fois. Mais cette Alice était différente. Elle serra sa main tendue dans les siennes. Elle souriait tout en pleurant. Ézéchiel écarquilla les yeux. Cette chaleur était réelle. Cette main était belle et bien réelle.
_ Alice ? murmura-t-il de sa voix basse.
Cette Alice était réelle. C'était la vraie Alice. Toute souriante. Ah ... ce sourire qui lui fendit le cœur. Ézéchiel se sentit étranglé par une forte émotion. Il pleura en lui
serrant les mains. Il pleura dans ses bras.

                                              *******************************

                                                           Tic Tac ...

                     « Réveille-toi » chuchota une voix lointaine.

La Valse Des ÉchosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant