-26-

327 26 223
                                    


Nous avons tous l'impression d'être qu'une coquille vide, comme si tout ce que nous faisons malgré nos efforts n'avait pas d'impact ni dans notre vie, ni dans celle des personnes que nous aimons. On dit que l'on prend conscience de l'importance d'une personne que lorsqu'on la perd, mais je crois aujourd'hui qu'on ne s'en rend vraiment compte qu'une fois qu'on lui fait face une nouvelle fois.

-Tu sais que Louis revient demain, alors pourquoi tu fais cette tête d'enterrement ?

Matthias doit passer ses grands doigts devant mes prunelles pour me sortir de ma léthargie. Je déglutis et acquiesce lentement, tentant d'émettre le plus de conviction possible dans mon geste.

-Ouais, j'ai lu le texto.

-Ce qui veut dire, demain soir, sortie en ville.

-Tu es fou, je ronchonne, je bosse lundi je te signale moi.

-Moi aussi. Et tu dis ça comme si tu n'étais jamais sortie la veille d'une embauche, grimace-t-il, pas à moi.

- C'était avant ça.

- Avant quoi ?

J'ignore mon ami et attrape une croquetas que j'avale d'une traite.

- Avant que Gaël compte réellement sur toi, souffle-t-il comme s'il pouvait lire dans mes pensées.

Le métis me contemple sournoisement. Il est déjà d'ordinaire bien plus grand que moi, mais comme je suis assise et lui debout, j'ai l'impression d'être vraiment minuscule face à lui.

- Je n'ai pas envie d'arriver la tête dans le fion à la réouverture. Maintenant je mets des jours à me remettre d'une fête, on se fait vieux.

- J'ai aussi des responsabilités, et ça ne m'empêche pas de sortir. J'assume toujours moi, les lendemains de soirées.

-Toi, tu n'es pas humain, je souris.

-Toi non plus chérie. Comment ce petit corps peut-il ingurgiter autant d'alcool et ne pas en être affecté ?

Je lève les yeux au plafond et avale une gorgée de mon rosé.

-Parce que je ne suis pas dans le bon mood. Je pourrais assumer, c'est vrai. Mais, je sais que si je sors, je vais faire n'importe quoi.

- Comme quoi ? Tu n'es pas toute seule.

Je réfléchis un instant.

- Comme me mettre la tête à l'envers, puis finir par vomir et pleurer toute la nuit en criant de désespoir, ça te rappelle quelque chose ?

Il tique à ma réponse un peu sèche. Puis finit par faire la moue au souvenir de cette soirée où j'avais eu des nouvelles de mon père biologique par le biais d'une connaissance. J'avais tellement bu ce soir-là, que lui et Louis m'avaient ramassée comme un déchet ambulant dans toutes les ruelles jusqu'aux taxis. Taxi dans lequel j'avais failli tout lâcher, mais j'avais réussi à me contenir jusque devant mon portail. C'est Louis qui avait tout nettoyé, je ne sais d'ailleurs toujours pas comment il a eu la force de le faire.

Nous venions de fêter son diplôme.

Moi, j'avais juste fêté mon désarroi.

-Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Je me lève et passe derrière le bar, sentant la chaleur ramper dans mon corps fatigué. J'ai l'impression d'être totalement déphasée et je sais que l'alcool n'est pas la raison de ce sentiment, j'aurais préféré.

Je passe ma langue sur mes lèvres sèches et mordille ma joue, hésitante. Je n'ai pas peur de me confier. J'ai juste l'inquiétude de quand je dirai les choses à voix haute, parce qu'elles seront vraiment réelles. Et qu'à ce moment, je ne pourrai vraiment pas revenir en arrière. Comme si dire à voix haute les raisons de mon abominable chagrin, reviendrait à accepter ma douleur.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Oct 25 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Le temps d'une vie | Jungkook.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant