Orée - C'est bon, tu peux faire ta sieste matinale, cloque-man. Pas de bruits, donc pas d'écriture, tu bouge beaucoup et ça m'énerve. Pas de dessin ou de carnet créatif, coller des bouts de chiffons usés sur une page j'vois pas en quoi c'est amusant. Enfin, si tu veux aller aux toilettes, ou te faire une réserve de poires, c'est maintenant ou jamais. Eh oui, puisque je n'ai pas ma journée, Mike viens à la maison. Alors même si tu n'entends plus rien dans le salon, ne daigne même pas me chercher. Reste là où tu es, compris ?
Manhattan - Hmm...- Oui. Et toi, tu viendras me chercher si tu as besoin de moi ?
Orée - Nan je pense pas, tu crois ?
Manhattan - ... Je vais chercher des poires et je vais passer aux toilettes, je ne veux pas te déranger.
Orée - C'est pas comme si je te l'avais demandée. C'était de l'ironie.
Je préfère ne pas y répondre, ça durerais une éternité sinon. Et le temps qui passe, ça m'irrite beaucoup. Je me dirige vers la cuisine et prend le panier à fruits. J'y mets des poires, des bananes, une tablette de chocolat, du pain et une bouteille de jus d'orange. Je ferais mieux d'y faire attention... Si je la fais tomber il y auras du verre partout, et maman m'a dit de ne pas faire de bêtises. Si je me blesse encore, j'en paierai les conséquences.
Orée - Quoi ?! Une tablette de chocolat et une bouteille de jus rien que pour toi ?! Tu manges pour un quart d'habitude !
Manhattan - J'ai beaucoup d'appétit ce matin, et je veux être sûr de ne pas te déranger. Tu veux que j'en repose un peu ?
Orée - Non, non, non... C'est un peu une garantie l'air de rien. Je suis juste surprise, c'est tout.
Manhattan - J'y vais, j'espère que tu passeras quand même une bonne journée.
Orée - Avec Mike, il n'y a pas à s'en faire !
J'ai ruiné la journée d'Orée. J'imagine que je dois me sentir coupable, autrefois elle était chaleureuse avec moi. L'amour, pour une certaine raison, l'a rendu amer.
Manhattan - Désolé. Je ferais plus attention maintenant.
Orée - T'as intérêt oui !
Je monte et ferme la porte de ma chambre. Je ferme le verrou. Elle m'a ordonné de ne pas faire de bruit, alors si je créé une nouvelle page sur mon lit ça ira.
Bien que le monde ne le supporte pas, j'aime le collage. Le résultat peut varier selon le thème de la page, et même si je reprend un même thème, je peux en faire quelque chose de différent et d'unique. Ces livres si peu chers deviennent alors des livres d'une qualité irréprochable et d'une valeur bien supérieure à ce à quoi ils fussent conçus.
J'aime les nuages de ce jour. Ils sont mousseux, riches et semblent bien plus que flotter dans le ciel cyan. Alors, je vais créer un éloge-sur-page rien que pour eux.
Et pour cela, je prend mes réserves de textiles blancs. Ils sont tous triés, bien rangés et le plus important, ils sont tous différents. Si un novice devait repérer les différences entre certains textiles, il ne trouverais qu'une misère de différence. Pour lui, tout lui semblerait pareil, voire cloné.Les nuages ressemblent à de la laine. C'est donc le textile principal à mettre en valeur. Souvent, à l'arrière de l'horizon se trouve une fine trainée de nuage. Le coton est donc le deuxième tissu nécessaire à la réussite de cet éloge.
Je vais ajouter de la dentelle pour raffiner ce côté brut de matière.
Pour le ciel cyan, j'ai d'abord pensé à coller un textile doux et balayé, semblable au minky. Mais c'est un textile bien trop lourd pour une page si fragile. La solution qui me semble la plus appropriée, c'est le feutre à alcool. J'adoucirais le tout avec un peu d'huile.Je me demande ce que font les autres, en classe. Heureusement que cette semaine, la professeure d'art plastique n'est pas là. Kieran as son exposé aujourd'hui, il a travaillé dur pour en arriver là. C'est vrai qu'Orée ne fais pas un bruit, son petit-ami n'est pas encore arrivé ?
Cela fais vingt minutes, et j'ai fini ma page. J'ai un souci. J'ai oublié d'aller aux toilettes. J'ai promis à Orée de ne pas la déranger, alors je vais descendre par la fenêtre et uriner dans le jardin. J'ai déjà conçu un système pour descendre sans encombre s'il y a un incendie, avec un crochet au plafond et une corde, je peux m'en sortir très bien en théorie. Il est temps de tester cette invention. Et si elle lâche, je ne tomberais que d'un étage, et l'herbe en théorie, amortie la chute. En théorie... J'ai promis à maman que je ne ferais pas de bêtises aujourd'hui, alors je la testerais demain. Je sors par la fenêtre et descend petit à petit, le mur me servant d'appui.
J'ai pied au sol, les roses ont bien poussées depuis. Je me dépêche d'uriner et m'apprête à remonter.
Orée - Oh ! Tu es enfin là Mike d'amour ! Je t'ai tant attendue !
Parfois, j'ai l'impression que ma vie se base sur le danger et les sermons. Je ne veux pas gâcher le reste de sa journée, mais ils arrivent dans le jardin. Je cache la corde dans le buisson et je contourne la maison. Ils sont proches de moi, j'essaie d'entrer mais la porte est fermée à clé. Je décide de partir simplement et de revenir plus tard. Je suis dehors, en tenue de nuit. Seules les chaussures sont adaptées à la situation.
Je ne suis plus parti tout seul dehors depuis un bon moment déjà, alors une petite promenade ne serait pas de refus. Normalement, il n'y a aucune chance qu'il y ait un quelconque danger pour moi, ne serait-ce les inconnus et les cœurs impurs. Au bout de 4 minutes, je rencontre une petite, elle doit avoir huit ans. Elle se présente poliment.
Manon - Moi c'est Manon, mais toi tu es tout rouge alors tu dois t'appeler tomate ?
Manhattan - Non, pas vraiment. Je suis Manhattan. Si je suis tout rouge c'est parce que j'ai observé la rivière se frayer un chemin.
Manon - La rivière ? Laquelle ?
Manhattan - Celle qui coule sur nous quand on se douche.
Manon - Tu as regardé l'eau de la douche couler et tu es devenu tout rouge ?
Manhattan - Oui, je n'avais pas remarqué qu'elle était brûlante.
Manon - Et si moi je regarde l'eau, alors je serais toute rouge aussi ?
Manhattan - Non, car toi tu es protégée par la douleur.
Manon - La douleur ? C'est quoi ?
Manhattan - C'est ce qui te fais mal. La douleur avertie, la douleur délivre, la douleur est libre. Moi je n'ai pas de douleur.
Manon - Ce qui me fais mal me protège ?
Manhattan - Oui.
Manon - Et toi tu n'es pas protégé ?
Manhattan - Non.
Manon - Ah d'accord, et tu va guérir quand ?
Manhattan - Qui sait ?
Manon - Et quand tu as dit que-...
Bruce - Manon !
Manon - Quoi ?
Bruce - Maman t'appelle !
Manon - Je dois y aller, bye bye Matan !
Manhattan - Au revoir, Manon.
Elle est très gentille, elle a une robe blanche en soie avec un nœud papillon à l'arrière. Elle me fait penser à une mariée avec ses cheveux blonds coiffés en chignon.
Mais nos chemins se séparent, et j'espère pouvoir la rencontrer un autre jour pour continuer notre discussion. J'espère qu'elle resteras en bonne santé.Je continue mon chemin et remarque un camarade de classe traverser la route. Il me repère et me rejoint.

VOUS LISEZ
Le jour se lève dans la nuit
NonfiksiManhattan est un garçon attendri par les petites choses de la vie, l'eau le fascine, les couleurs l'éblouissent, les saisons le rendent observateur de la beauté du monde. Mais qu'en est-t-il de la beauté humaine ?