3+ Time to change

2.5K 149 14
                                    

J'ignorais qu'un simple changement de photo de groupe pouvait entraîner un déferlement de commentaires. Fatiguée après ma journée d'hier, j'ai eu l'idée saugrenue de trouver la photo la moins flatteuse de Derek pour la placer en bandeau de notre fil de discussion. J'ai ainsi déclaré la guerre. Cet afflux de montages grossiers et peu réussis m'a permis d'oublier l'humiliation vécue quelques heures plus tôt et de me mettre en condition pour occulter cette partie de mon existence. J'ai pour habitude de fantasmer ma vie, le soir, en sachant que la réalité se trouve dans mes études de commerce, en présence de mes amis. Leurs préoccupations sont si à l'opposé des danses que je pratique et des clients que je gère qu'il n'est pas difficile de se convaincre que deux Harper existent.

— Mademoiselle Coleman-Park ! aboie Derek. 

Ma première réaction à l'écoute de mon nom est la fuite pour mettre ma vie en sécurité, cependant mon ami est bien trop agile pour me laisser m'échapper. Tandis que je me faufile parmi la masse d'étudiants à l'Université de Nevada, mon ennemi déclaré depuis quelques heures fonce droit sur moi, jusqu'à poser sa main sur ma nuque pour me contrôler.

— Comment as-tu osé ? Je croyais que nous étions des âmes soeurs. Les partenaires se soutiennent et font des crasses aux autres. Harper, tu m'as trahi.

Son jeu d'acteur est digne d'Hollywood, la main posée sur le coeur que j'aurais transpercé selon ses dires. Je lutte pour ne pas sourire à ses bêtises, sachant que Derek voue une drôle d'obsession pour son souhait de nous afficher comme un couple alors qu'il ne le désire pas forcément. Ce qui relève d'un caprice s'accompagne de ses innombrables conquêtes qui m'empêchent de le prendre au sérieux. Je le vois comme un frère et le lui répète inlassablement, mais ce harcèlement s'est transformé en jeu amusant. 

— M'accorderais-tu ta pitié ?
— Seulement si je peux procéder à une bonne fessée. 

Une jolie brune à la peau mate passe au même moment, attirant son regard, ce qui me rappelle de ne jamais perdre de temps à écouter les sirènes de cet individu. Je me défais de sa poigne pour pouvoir accueillir comme il se doit les trois derniers de la bande, dont mon meilleur ami Justin, tandis que le dragueur invétéré salue sa prochaine victime.

— Il t'a déjà mis la main dessus ? s'inquiète Matthew.
— Ma fuite a été brève et lamentable.
— C'est l'intention qui compte, me console Justin.

Nous abandonnons sans remords celui qui voue un culte à la Femme et pénétrons dans l'amphithéâtre pour subir trois heures de cours théoriques, jusqu'à en user notre patience. Les doigts ne touchent plus les claviers pour faire semblant de prendre des notes. Certains sont avachis sur les longues tables, quand d'autres suivent un film sans se cacher. Les cours d'économie font souvent cet effet-là lorsqu'ils débordent sur la pause méridienne.

— J'ai trop la dalle, se plaint Justin dont le bruit du ventre nous parvient. Ça devrait être interdit de nous faire subir cette torture jusqu'à 13 heures.
— C'est de la faute de Harper, répond Derek.
— Qu'est-ce que j'ai encore fait ?
— T'es si sucrée que tu nous rends diabétiques.

La lourdeur n'a pas de limites et semble indépendante du taux de sucre dans son organisme. Justin finit tout de même par abandonner le navire pour nous commander des mets rapidement venus de la street food, avant que nous ne puissions en profiter quelques minutes plus tard, sur un banc, au milieu de cette vie universitaire. Je m'enferme dans une bulle tandis que j'avale le dernier morceau de pain qu'il me reste dans les mains. Les joues gonflées par la nourriture que je tente de mâcher, j'observe deux jeunes femmes se dandiner autour de Derek tandis qu'elles lui font une proposition tentante si j'en crois les sourires partagés.

— Harper ? Harper, t'es avec moi ?
— Totalement. Tu disais ?
— Que Matthew craignait en matière de chaussettes. Il s'est permis d'attaquer mes sous-vêtements. J'aurais bien besoin d'un peu de soutien.
— Tes caleçons Rick et Morty sont une honte pour le monde du textile, répliqué-je sans hésiter, provoquant le fou rire de son adversaire.

The Dancing Girl Next Door Où les histoires vivent. Découvrez maintenant