chapitre 5

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Quand Takeda parvient devant les vitres du magasin, Ukai est en pleine conversation avec une vieille cliente.

Il le voit se passer une main dans ses cheveux décolorés en souriant professionnellement, il le voit se passer brièvement la langue sur la lèvre inférieure, il le voit jeter un discret coup d'œil en direction de l'horloge murale.

Pendant ce temps, la vieille cliente bouge sans arrêt les lèvres tout en cherchant activement quelque chose dans son sac à main rouge.

Quand elle en sort sa carte de crédit, quand elle paie ses sept petits articles, quand elle range ses courses, quand elle adresse un signe d'au revoir en sortant du magasin, quand elle croise son regard

Il se rend compte qu'il ressemble plus à un cambrioleur en repérage plutôt qu'à un honnête professeur de lycée.

Alors il se racle la gorge pour se donner une contenance et entre le plus tranquillement possible dans la boutique.

-Je peux savoir pourquoi t'es resté planté devant la vitrine pendant cinq minutes ?

Évidemment, Ukai l'avait vu.

Il soupire.

-Je ne voulais pas interrompre votre discussion.

-Franchement, ça m'aurait rendu service. Elle n'arrêtait pas de me parler de son époux malade. Bon, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

Takeda se passe une main nerveuse dans les cheveux, se balance légèrement d'avant en arrière.

-Tu te rappelles quand tu m'avais dit que le volley, c'était fini pour toi ?

Son compagnon hausse un sourcil, les poings sur les hanches.

-C'était il y a une semaine donc oui, je m'en rappelle. Pourquoi ?

-Eh bien... ça ne te dirait pas de revenir sur ta décision et coacher une équipe ?

Huit longues secondes de silence accueillent ses propos.

Et puis :

-T'es sérieux ?

Le professeur pousse un soupir désespéré.

À quoi il s'attendait, franchement ?

-Mes garçons ont vraiment besoin de quelqu'un pour les guider, je n'en ai pas les qualifications et même s'ils ont un immense potentiel, ils ne sont pas capables de l'exploiter seuls. Et puis... les dernière année ne méritent pas de quitter le lycée sur un échec uniquement parce que leur professeur n'a pas été suffisamment bon pour leur trouver un coach. Je ne me le pardonnerai jamais.

Ukai baisse la tête, les épaules secouées par un petit rire.

-Tu as toujours été beaucoup trop mélodramatique, finit-il par lâcher. Et pourquoi moi, en plus ?

Parce que tu es la seule personne avec qui j'ai envie de voir mon équipe grandir.

Parce que tu es la seule personne en qui j'ai véritablement confiance pour t'occuper de ces garçons.

Parce que tu es la seule personne qui n'a finalement jamais complètement quitté mes pensées depuis cinq ans.

-Parce que je suis quelqu'un de mélodramatique.

Son compagnon le regarde, confus.

Et lui se contente de sourire.

Le poids de la dernière bouffée d'une cigaretteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant