CHAPITRE 8

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Noah était dans sa bulle. Concentré sur le laçage de ses patins, il ne distinguait que vaguement le brouhaha que produisaient ses coéquipiers autour de lui. Tous étaient installés à leurs places respectives, dans le vestiaire, devant les casiers qui leurs avaient été attribués. Certains laçaient leurs patins, d'autres plaçaient leurs plastrons et d'autres, écouteurs dans les oreilles, s'efforçaient de penser à autre chose qu'à la pression qu'ils sentaient peser sur les épaules.

De l'autre côté du couloir, dans le vestiaire des Moose, l'ambiance était la même. Isaac, à l'instar de Noah, était le seul membre de son équipe à se montrer particulièrement calme. Le regard sévère de son père et les rires moqueurs de certains coéquipiers à l'égard de l'adversaire n'auraient su le perturber : il ne pensait qu'à la glace.

— Tu te souviens de ce qu'on a dit ?

Le père d'Isaac s'installa à ses côtés, particulièrement tendu et nerveux. Isaac, lui, sentit son ventre se tordre : il n'était pas d'accord.

— Oui, déglutit-il. Faut que je sèche Banks.

— Parfait.

McGill senior quitta le vestiaire, prêt à rejoindre le banc de touche. Isaac baissa les yeux sur ses patins, dont il caressa les lames du bout du doigt, tandis que ses yeux s'embuaient de larmes. Malgré la pression que lui mettait son père, il était certain d'une chose : il ne voulait plus être ce garçon-là. Ce type de joueur-là. Il voulait jouer un match réglo, sans coups-bas, sans tricher. S'il gagnait, il voulait que ce soit grâce à son talent.

— Capitaine ?

De son côté, Noah sursauta lorsqu'un arbitre fit irruption dans le vestiaire une dizaine de minutes plus tard. Patins aux pieds, ce dernier semblait pressé et lui fit signe de le suivre. Il s'exécuta alors, ignora la tape encourageante que lui fit son père dans le dos, et déambula dans le couloir jusqu'au bureau des arbitres. Les battements de son coeur redoublèrent d'intensité lorsqu'il aperçut Isaac, beau comme un dieu vêtu du maillot des Moose. Ses joues s'empourprèrent et il sentit son ventre se réchauffer lorsqu'il se plaça à ses côtés. Isaac, lui, ressentit la même chose.

— Messieurs, rappel des règles.

Noah n'écouta pas. Même s'il ne jouait pas de finales tous les jours, les règles de bonne conduite étaient les mêmes qu'à l'accoutumée et il les connaissait déjà par coeur. En tant que capitaine, il se voyait expliquer à tous les matchs diverses consignes qui, à l'heure actuelle, lui semblaient – et étaient vraiment – rébarbatives. Elle le furent d'autant plus ce jour-là tandis que, tout près d'Isaac, il sentit le doigt de ce dernier frôler le dos de sa main.

— Hé.

L'arbitre quitta la pièce, Noah sur ses pas. Or, Isaac ne put s'empêcher de l'interpeller et de l'attraper tendrement par le poignet. Un coup de pied bien placé fit se refermer la porte, contre laquelle il plaqua doucement le corps brûlant de son petit-ami.

— Quoi...?

Noah souffla. Le souffle chaud d'Isaac qu'il sentit glisser tout contre sa gorge l'embrasa. Il se maudit d'être si déconcentré par ses lèvres pulpeuses et ses beaux yeux bleus. Seulement, il savait qu'il était incapable de l'ignorer : il l'aimait. Il en était fou.

— Mon père m'a demandé de te blesser, avoua Isaac.

— Oh.

Noah ferma les yeux, peiné mais pas le moins du monde surpris : il en avait toujours été ainsi. Isaac et lui avaient toujours été en compétition l'un contre l'autre et, avant qu'ils ne soient ensemble, Isaac s'était toujours comporté sur la patinoire tel un prédateur sur sa proie.

HématomeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant