Chapitre quinze : PDV Chris

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PDV Chris

     Voir Valentin craquer en parlant de Léo m'a fait réfléchir. Je crois que c'est d'ailleurs une des premières fois de ma vie que je pense à quelqu'un d'autre qu'à moi. Ça m'a même fait mal de voir Valentin aussi mal et ça m'a donné envie de faire quelque chose pour lui. J'ai envie de faire quelque chose pour qu'il aille mieux. Peut-être qu'ainsi il me remarquera et me considéra plus qu'un simple pote parmi d'autres.

Nous sommes mercredi, le lendemain du craquage de Valentin, et ce dernier n'est pas dans le bus le lendemain matin. Je me tâte à lui envoyer un SMS puis me ravise, pensant qu'il a sûrement besoin d'être tranquille. Le trajet du bus est vide sans lui et je m'étonne de m'être autant habitué à la présence de quelqu'un. Ça me fait d'ailleurs un peu chier que ce soit le cas. Lorsque je m'assois au fond de la classe pour le premier cours, Valentin n'est toujours pas là. Et, ce, même quand Léo débarque.

À la récré, je me retrouve seul avec Léo d'ailleurs, ce qui est loin de me plaire. Tout comme Valentin l'autre jour, il n'a vraiment pas l'air dans son assiette. Il fait peine à voir même. Me demandant s'il sait quelque chose concernant Valentin, je lui demande :

— Des nouvelles de Valentin ?

Bien entendu, il en a et il me répond :

— Ouais, il a une migraine.

Ça m'aurait étonné aussi que Monsieur Parfait n'en ait pas. Même quand lui et Valentin sont en froid, il y a toujours ce truc entre eux. Je ne le comprends d'ailleurs pas. Je ne comprends pas Valentin non plus. Comment fait-il pour être amoureux de son meilleur ami, homo refoulé, qui n'aura jamais les couilles, tout comme Valentin au fond, de lui avouer ses sentiments ? Je ne suis pas dupe, j'ai bien vu tout cela et je crois que Caleb et Estéban aussi l'ont vu. Ce qui est tout de même étonnant car ils ne font rien alors que ça pourrit parfois l'ambiance dans le groupe.

Étant d'humeur joueuse, je décide de titiller un peu Léo. Qui sait, ça le fera peut-être agir.

— Je passerai le voir cet aprèm dans ce cas-là, je le préviens.

Aussitôt, le visage de Léo se ferme. C'est si facile de le rendre jaloux que c'en est presque grotesque. Je me retiens de rire lorsque j'envoie un faux message qui n'arrivera jamais à destination de Valentin. La tête de Léo est beaucoup trop drôle pour que je m'arrête là. Je continue alors de mentir :

— En plus, c'est la Saint Valentin et j'avais quelque chose à lui dire à ce sujet.

— Pourquoi tu devrais lui parler de ce sujet ?

Une certaine animosité se ressent dans le ton employé par Léo. Cet idiot mort à l'hameçon sans que je n'aie besoin de rien y mettre. Il est si jaloux de moi tout le temps de toute façon ! Chaque pore de sa peau respire la jalousie dès que je suis près de Valentin. Voyons jusqu'à quel point je peux le rendre jaloux. Ça va être amusant !

— Parce que je compte lui demander de sortir avec moi.

La tête de Léo est beaucoup trop amusante. Il respire étrangement et me fixe, sans un mot. On dirait un ballon qui va exploser et c'est très dur de ne pas en rire. Cependant, habitué à faire semblant, je me retiens et tente d'arborer un air sérieux. Souhaitant le faire sortir de ses gonds, j'en rajoute même :

— Tu en penses quoi ?

Le visage de Léo est parcouru d'une drôle de grimace et il finit par partir sans prévenir. Fuir, c'est ce qu'il fait de mieux de toute façon. Hâte de voir s'il a des couilles.

Lorsque les cours se terminent et que je vois Léo prendre un bus et non rentrer à pied chez lui, je regarde la direction qu'il prend. Évidemment, il prend le bus qui mène jusqu'à Valentin et je m'en félicite. Finalement, c'est peut-être Léo qui a le plus de couilles entre les deux. J'en envoie même un SMS à Valentin après avoir fumé une clope.

Valentin à Chris
12h23 Bonne Saint Valentin, je sens que celle-ci va être spéciale ;)

Je suis un peu déçu lorsque celui-ci ne me répond pas. Tant de travail pour si peu de récompense, c'est décevant. Je suis plutôt fier de mon coup pourtant.

Je pars ensuite manger avec Clément et d'autre de ses potes. Je passe d'ailleurs une bonne partie de l'après-midi avec eux. Je n'ai pas trop envie de rentrer car mon père ne travaille pas le mercredi après-midi. L'idée de passer un si long moment avec lui ne m'enchante que peu. C'est pour ça que je préfère traîner le plus longtemps possible hors de chez moi.

Cependant, il y a bien un moment où je dois rentrer alors je le fais. Aussitôt, mon père me questionne :

— Tu étais où ?

— Je travaillais chez un pote.

— Mm, il marmonne.

Je vais ensuite en direction de ma chambre et m'y enferme. Je fixe le plafond, pensif. Je ne suis pas tranquille longtemps car j'entends la voisine d'au-dessus piailler. Elle et sa sœur passent leur temps à se disputer. Sur ce point, je suis bien content d'être fils unique.

Pour ne plus entendre tous ces bruits parasites, je mets un casque de musique puis me roule un joint. Ça m'aide à me détendre un peu, pour faire face à chez moi. Le problème, c'est que ça me détend de moins en moins alors il faut que j'augmente toujours plus les doses de beuh que je roule. Juste avant de manger, j'en fume la moitié puis vais mettre la table.

Ma mère me demande si j'ai eu des notes, si ma journée s'est bien passée et d'autres banalités quotidiennes. Pendant ce temps, mon père est davantage concentré sur la télévision. Pourtant, c'est un jeu télévisé assez débile qui passe.

— Encore des PD ! crache mon père. Il y en a de plus en plus !

Aussitôt, ma mère le réprimande :

— Des gays, chéri, pas des PD. Et il y en a pas plus, juste plus qui se montrent.

Mon père marmonne alors un truc incompréhensible tandis que je mange silencieusement. Je suis habitué à ce genre de commentaires alors je fais comme si je n'avais rien entendu. De toute façon, ce soir ce n'était pas grand-chose. Ce n'était rien comparé à ce qu'il a pu dire une fois quand un couple de gays s'étaient faits tabassés juste pour leur orientation sexuelle. Mon père avait dit, mot pour mot : « Ils ont bien raison, je ferais pareil à mon fils si c'était le cas ».

Depuis, je n'ai plus jamais osé ramener de mecs à la maison. Enfin, de mecs avec qui je baise. Parce que je sais ce qui m'attend maintenant si mon père venait à le découvrir. Mais, pour l'instant, j'ai toujours réussi à le cacher et, finalement, ce n'est pas difficile.

Faut dire qu'avec le temps, je suis devenu un menteur hors pair. C'est même devenu une seconde nature. C'est tellement simple d'embellir la réalité alors pourquoi s'en priver ?

La Prochaine Fois, tome 1✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant