KRISTY Les emmerdes arrivent aussi aux étoiles

Silence, ça tourne !

-Et action ! Lance Paul, le réalisateur.

C'est le moment que je préfère. Je me mets dans ma bulle. Je ne suis plus Kristy. Je suis ce rôle qui me colle à la peau depuis des semaines. Qui m'obsède ! Qui me transcende ! Quand j'incarne un personnage, je veux le sublimer, le rendre vivant. Je veux qu'il me dévore de l'intérieur jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de moi et qu'il prenne possession de mon être.

Il n'est que 8 heures du matin et ça fait seulement 2 heures qu'on tourne. Et pourtant, je suis déjà fatiguée de ces six semaines de tournage.
Je m'en fou ! Je donne tout pour ne rien regretter.
J'ouvre les yeux et je regarde mon partenaire qui se trouve en face de moi, droit dans les yeux.
J'ai la première réplique. Je me lance. Emportée dans mon élan, je ne m'arrête plus. Je joue à fond comme si ma vie en dépendait.

Les répliques s'enchaînent sans voir le temps passer. J'entends à peine Paul quand il dit :

- « Coupé » ! Pas mal, les enfants ! Mais on la refait, jusqu'à toucher la perfection.

C'est ce que j'aime chez Paul. C'est l'une des raisons pour lesquelles, je souhaitais travailler avec lui depuis longtemps. Il est perfectionniste tout comme moi. Il peut faire et refaire une scène des dizaines et des dizaines de fois tant qu'il n'a pas trouvé ce qu'il cherche. D'ailleurs, que cherche-t-il ? Même lui, ne le sait qu'une fois qu'il l'a trouvé.
On reprend comme ça pendant des heures. J'en oublie même la faim qui titille mon estomac depuis un petit moment déjà.
Apparemment, je ne suis pas la seule car c'est l'heure de la pause. Une pause bien méritée selon les dire de certains. J'en profite comme toujours pour vérifier mes messages au cas où mon frère aurait pensé à moi. Et c'est le cas, ce qui ne me surprend pas. Nous sommes inséparables depuis tout petit. Dans la famille, on nous appelle les jumeaux. Ce qui n'est pourtant pas le cas. Christopher a cinq ans de plus que moi. Je lui réponds à la va-vite pour avoir le temps de grignoter quelque chose.
En moins de temps qu'il faut pour le dire, le tournage reprend. La journée est interminable et j'adore ça !
Après douze heures de travail intensif, nous sommes tous exténués, mais heureux du résultat obtenu. La scène que l'on vient d'achever ce soir sera très certainement une des meilleures du film.

- Kristy, tu as été super !
- Merci Paul, mais je n'ai pas fait grand-chose ! J'ai juste eu besoin de suivre tes conseils et c'est venu tout seul. Bon ok, ce n'est pas entièrement vrai ! Dis-je en regardant le plafond.
- J'ai dû me creuser un peu les méninges !
- Demain, on tourne une scène plus soft. Ce sera moins prenant !
- Tu sais que je te suis, c'est toi le boss ! En lui tapotant l'épaule.
- Repose-toi bien ! Tu as une tête éreintée !
- Merci pour le compliment. Tu dînes avec nous ce soir ?
- Évidemment, je ne raterais pour rien au monde un repas entouré de mes acteurs fétiches.

Nous nous enlaçons. Puis, je me dirige vers la sortie. Je me retourne. Puis tout en avançant en marche arrière :

- Tu nous feras découvrir un de tes restaurants préférés de Paris !

Je lui fais signe et disparaît de son champ de vision. Je retourne dans ma loge où je commence par me démaquiller. Je me change et prends mon sac en vérifiant que je n'ai pas oublié mon portable.

La première chose que je fais en rentrant dans ma chambre d'hôtel est de regarder par la fenêtre. La vue est tout simplement magnifique. La Seine, les bateaux mouches, le soleil qui se couche et laisse ses reflets sur l'eau. Sur le pont, un coureur motivé s'affaire. Il doit se défouler de sa journée de travail.
Moi, je n'ai pas ce courage. Je baille et m'étire en levant les bras vers le ciel.
Je sors mon portable de mon sac et tout en regardant par la fenêtre, j'appuie sur le bouton appel.