Luce

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Des cheveux châtains clairs à la coupe garçon manqué, des formes généreuses, un sourire sincère et spontané, un visage rond, des yeux vairons, un maquillage discret mais qui met en valeur son œil marron caramel et son œil bleu ciel, une voix posée et douce, Luce est une jeune femme qui inspire confiance.

Je l'accueille chaleureusement.

- Bienvenue parmi nous ! Excusez-moi si je me trompe mais je n'ai pas vu votre nom sur la liste des professionnels autorisés à assister au gala.
- Je suis la remplaçante de Monsieur Rafi Puttagio. Il a eu un empêchement, je me suis portée volontaire pour mettre la lumière sur votre engagement. Auriez-vous un moment à me consacrer ?
- Bien sûr, une séance photo avec les professionnels et les bénévoles de l'association était prévue en cours de soirée, ce sera avec plaisir de collaborer avec vous.
- Cela ne vous dérange pas si je vous photographie à différents moments de la soirée ?
- Non, j'y suis habituée. Faites ce que vous avez à faire, je serai restée naturelle sur les photos.

Luce prend quelques clichés puis je me retire pour faire acte de présence auprès des autres invités. Je dois bien avouer qu'elle ne m'a pas laissé indifférente. Cette femme attire les ondes positives autour d'elle par sa quiétude innée.

Je me prépare pour l'élocution de mon discours qu'Hailey a pris soin de corriger en amont. Je ferme les yeux et prends plusieurs inspirations profondes. Pendant l'élaboration de mon discours, j'ai fait attention de ne froisser personne avec mes propos. Ce serait déplorable si je blessais une victime ou une ancienne victime de violence quelle qu'elle soit. Hailey m'aide à monter les quelques marches qui me sépare du pupitre. J'aperçois Thelma attablée, elle m'applaudit avec l'assemblée. J'attends la fin des applaudissements pour commencer mon allocution.

- Bonsoir à tous, merci d'être venus si nombreux ce soir ! Vous savez à quel point votre présence est indispensable pour mener à bien le combat que l'on mène. Votre présence prouve votre intérêt à cette cause qui m'est très cher. Mon discours devait être différent de celui que je vais vous formuler ce soir. Mais les événements de ces derniers mois sur le plan personnel m'ont obligé à réécrire ce que j'avais à vous énoncer.

Je vois dans leurs regards leur compassion. Ils ont tous en tête les photos prises par les paparazzis à ma sortie de l'hôpital.

-  Aujourd'hui plus que jamais nous devons nous soutenir les unes aux autres pour combattre ensemble ce fléau. Je vous vois faire la grimace messieurs ! Bien sûr que nous avons aussi besoin de vous.

L'assemblée éclate de rire.

- Sans vous la victoire est impossible. Nous avons besoin de votre appui et de votre protection.
Le danger pour nous les femmes est partout, dans les transports en commun, dans les lieux publics, dans la rue, sur notre lieu de travail et pire encore sous notre propre toit, l'endroit où l'on doit normalement se sentir en sécurité et se ressourcer auprès de ceux que l'on aime mais qui finalement nous détruit, nous anéantit. Certaines de ces femmes avant même de penser à leurs propres survies doivent avant tout protéger leurs enfants, culpabilisant entre leur assurer un foyer ou fuir un mal qui les ronge.
Vous savez ce que ma propre expérience m'a fait comprendre ? Ce que nos bourreaux veulent, ce n'est pas nous blesser physiquement, voir nos cicatrices sur notre corps ou voir le sang couler. Non, ce qui les font jubiler, c'est notre soumission face à leur domination. Ce qu'ils veulent, c'est nous humilié, nous rabaisser au plus profond de nous-même, nous faire croire que l'on a aucune valeur en nous crachant dessus leur haine et leurs insultes. Ils ont tort, nous ne sommes pas insignifiantes. Nous valons bien plus que ce qu'ils veulent nous faire croire. Notre valeur n'a pas de prix si ce n'est celui de la liberté et ensemble nous la gagnerons car ensemble nous sommes invincibles.

L'assistance se lève et applaudit de très longues minutes. Certains tapent des pieds pendant que d'autres sifflent leur approbation.
Je les regarde et les larmes montent sans que je puisse les arrêter. C'est vrai, ces femmes risquent leur vie à chaque instant et pourtant elles trouvent le courage et la force de protéger les êtres les plus chers à leurs yeux. Moi, je n'avais rien d'autre à faire que de protéger mon fils et je n'ai pas su le faire.

Les applaudissements commencent à s'estomper, Thelma s'est rendue compte de mon trouble, elle m'interroge du regard. Je reviens à l'instant présent et reprend le contrôle de mes émotions les yeux rougis.

- Tu vas bien ? Tu devrais t'asseoir et manger quelque chose, tu es pâle !

Aidé de Thelma, je descends les marches et rejoins notre table. Les festivités reprennent, les plats s'enchaînent, l'organisation est bien huilée, entre chaque plat un objet personnel que chaque invité a soigneusement choisi est mis aux enchères. À la fin du repas, la cagnotte s'élève à 32 780 000 dollars ! Les convives s'investissent dans notre combat, certains d'entre eux ont connu des épreuves similaires aux protégées de l'association, dans leur propre enfance. Ce sont des actions qui les touchent personnellement. Grâce à leurs donations une nouvelle maison refuge verra le jour. Les femmes violentées par leur conjoint pourront s'y mettre à l'abri confidentiellement sans se retrouver sans domicile.

Le moment est venu de réaliser la séance photo. Professionnels, bénévoles et anciennes victimes sauvées par l'association qui ont acceptées d'être photographiées à visage découvert, se réunissent pour la séance photo officielle. Celle-ci permettra de couvrir la une des médias afin de faire connaître davantage le National Center For Women Victims of Violence à nos concitoyens et surtout à toutes ces femmes qui ont besoin d'être secouru.

Je l'ai bien observé, Luce n'a jamais posé son appareil photo, les flashs se sont succédés toute la soirée, soit son métier la passionne soit la cause l'anime soit elle profite d'être à une soirée mondaine pour ne rien manquer sur la vie privée des célébrités. Au fond de moi, je sais déjà que la troisième option ne fait pas partie de ses valeurs humaines.

Je vais à sa rencontre.

- Avez-vous apprécié les festivités ?
- Oui, votre discours était très éloquent ! J'ai découvert avec le reste du pays les images de votre sortie d'hospitalisation. Je dois vous avouez que cela m'a beaucoup touché. Cet homme voulait vous dérober votre téléphone ? A-t-il été retrouvé ?
- Non, la procédure est en cours, merci pour votre soutien. Avez-vous tout ce qu'il vous faut pour couvrir l'événement comme il se doit ?
- Je dois dire que j'ai été gâté. Je ne voyais pas les célébrités aussi généreuses.
- Ce sont des personnes comme vous et moi, elles ont du cœur pourvu que la cause les intéresse. Dites-moi, vous avez un accent, vous n'êtes pas Américaine, je l'ai déjà entendu quelque part, vous êtes Européenne ?
- Française pour être exact.
- J'aime beaucoup la France, les gens y sont très accueillants.
- Il faut croire que nous avons le sens de l'hospitalité.
- Sans compter la gastronomie !
- Je suis navrée de vous le dire mais elle n'a rien de comparable avec la vôtre.
- Je ne suis pas offusquée, je vous comprends. Comment êtes-vous venu à remplacer monsieur Rafi Puttagio ?
- Je couvrais l'inauguration d'une exposition d'art abstraite sur Sunset Beach quand mon patron m'a demandé si la couverture d'un gala en faveur des violences faites aux femmes m'intéressé, étant moi-même une femme, je me suis sentie de suite concernée. Et vous, comment êtes-vous devenu leur ambassadrice ?
- Hum, comment vous expliquer sans trahir la personne concernée ? Je tiens à préciser Qu'elle n'est pas là ce soir, ok !
- Ok !
- Disons que j'ai travaillé avec une personne dont sa mère était battue et violée par son père pendant des années et qu'elle a ressenti le besoin de se confier à moi. Son histoire m'a profondément touché et m'a fait comprendre à quel point je suis une privilégiée. Je me suis dis que je pouvais faire bouger les choses en collaborant avec des personnes compétentes et elle  m'a parlé de l'association. Alors, je me suis lancée il y a maintenant deux ans.
- Je trouve votre engagement admirable. Aujourd'hui, il a un sens plus personnel pour vous.
- Jamais je n'aurais cru basculer de l'autre côté.

Thelma commence à s'impatienter de cette conversation qui lui semble que trop durer. Elle se glisse discrètement dans la conversation mais j'ai compris ses intentions. Je fais les présentations pour rester correct mais c'est la deuxième fois qu'elle se montre jalouse envers une personne qui s'intéresse à moi. Qu'elle fasse attention ! Je ne vais pas supporter sa jalousie une éternité.

KRISTY Les emmerdes arrivent aussi aux étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant