Chapitre 7 - Libération

49 10 28
                                    

Voilà plusieurs heures que l'ignoble personne qu'est mon père a quitté le temple en compagnie de la grosse brute qui me maintenait en place. Et pourtant, je suis encore assise sur cette chaise, incapable de bouger.

J'avoue que je suis profondément troublée, car je ne sais plus trop comment envisager la suite de mon plan. D'un côté, j'ai acquis le droit de sortir de cet endroit pour aller rejoindre le prince ennemi, ce qui est indubitablement une excellente chose pour moi. D'un autre côté, je sais bien que le monstre qu'est Pâris doit avoir une idée machiavélique derrière la tête pour me laisser aller ainsi vers l'ennemi.

En fait, le problème est que je me surprends à avoir peur pour Palamède... Peur que mon père décide de simplement l'éliminer alors qu'il vient en personne me récupérer.

Pourquoi sinon avoir spécifié qu'il devait venir en personne pour me récupérer?

L'autre problème est plutôt par rapport à ma personne et à mon plan: en supposant que je me trompe et que je puisse bel rejoindre Palamède comme il l'a demandé, en quoi cela me permettra-t-il de m'enfuir de cet endroit puisque je me retrouverai alors prise entre deux peuples ennemis?

Confuse, je reste assise sans bouger, ignorant les multiples appels des prêtres qui me demandent de retourner à mes occupations. Il y a au moins une bonne chose à la visite de Pâris en ces murs pour me voir: ils n'osent même pas venir dans la pièce sans l'autorisation explicite de leur chef. Ils ne semblent même pas savoir qu'il est parti, ce qui me fournit un élément supplémentaire: il fait tout ceci dans le dos de son propre père, le roi de notre cité...

Sans trop savoir ce qui me pousse à soudainement entrer en action, je me lève d'un bond et sort en trombe de la pièce assombrie par l'extinction il y a quelques minutes de la seule lampe à l'huile qui l'éclairait un instant plus tôt.

Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me dit que le prince Palamède sera bientôt près de nos murs pour venir me chercher et je dois absolument être prête pour lui permettre de quitter ces lieux au plus vite.

Guidée par mon profond désir de m'enfuir d'ici, je me rends avec grande précipitation vers la minuscule pièce qui me sert de chambre et je rassemble mes affaires qui se résument à très peu: quelques robes grises, mon poignard, une pochette qui contient le reste du fameux poison que j'ai composé et, finalement, une petite chaîne sur laquelle pend une petite améthyste en forme de larme. Le seul objet qui me reste de ma mère et qui m'a été remis par un vieux prêtre quelques années après mon arrivée.

La seule lumière qui m'a guidée en ce monde jusqu'à aujourd'hui.

Alors que j'observe la minuscule larme violette qui brille en suivant les mouvements de la flamme dansante de la lampe, je me remémore mes seize années passées ici dans ce temple, ignorée de tous si ce n'est de l'homme qui m'a remis le pendentif et m'a appris mes tristes origines peu avant de lui-même quitter ce monde.

Je n'ai eu un ami dans cette cité que pendant quelques jours.

C'est décidé: il est hors de question que Pâris m'enlève aujourd'hui la seule personne pour qui je semble compter!

Je prends soudainement conscience du changement qui s'opère dans mon esprit: puisque mon père ne veut pas de moi, alors je rejoindrai de mon plein gré l'homme qui m'a choisie! Pourquoi passer une vie à fuir si j'ai la chance de pouvoir rester auprès de quelqu'un qui demande à m'avoir à ses côtés? Nous sommes ennemis par nos racines, certes, mais les méandres de nos âmes ignorent les conflits qui existent entre les hommes.

Après tout, n'ai-je pas eu l'appui des dieux pour me mener à ce prince?

Envahie par un bonheur et une détermination que je ne me savais pas capable de ressentir, j'enfile le pendentif, ferme le sac contenant le reste de mes affaires et je quitte ma chambre d'un pas décidé.

L'amour en guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant