Chapitre 5 - Regret

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Alors que je suis de retour à mon poste près de la grande porte sans m'être fait remarquer, je n'en reviens juste pas pas que mon plan ait si bien fonctionné.

Non seulement la nuit noire a masqué mon approche, mais en plus mon collègue est encore assoupi contre le mur et je n'ai donc même pas à justifier avoir dû m'éloigner pour je ne sais quelle raison. Je n'ai donc qu'à attendre l'appel du changement de la garde.

Tout va pour le mieux.

Enfin presque.

Je n'arrive pas à m'enlever cette boule qui me tenaille l'estomac. Je dois bien me l'avouer, je suis préoccupée par le sort de Palamède... Je sais parfaitement bien que s'il remet les pieds dans son campement, il sera condamné à une mort souffrante comme plusieurs de ses compagnons.

Du coup, je sens un grand remord qui commence à m'envahir. Non seulement pour lui, mais aussi pour tous ces hommes dans le camp qui n'ont fait que suivre les ordres qui leurs ont été donnés... Je viens de tous les condamner à mort, moi une simple humaine.

Depuis quand est-ce que j'ose m'attribuer les pouvoirs d'un dieu?

Envahie par le regret, je me surprends à me questionner sur la meilleure action à entreprendre. Devrais-je retourner voir le prince pour tout lui avouer afin qu'il puisse sauver un maximum de ses compagnons?

Si je le fais, je me condamne moi-même à mort car je n'aurai pas deux fois la chance de pouvoir infiltrer le camp ennemi sans être remarquée, surtout pas avec le jour qui va bientôt se lever et me retirer l'avantage de pouvoir porter le manteau noir de la nuit.

Mais si je reste ici, je sens que la culpabilité risque de me détruire au même titre que la mort... Et si les spores se répandent plus loin que prévu et vont infecter le prince qui se trouve inconscient près du campement?

Cette idée me laisse tremblante de douleur.

Que m'arrive-t-il?

J'ai pourtant mis au point ce plan pendant de nombreuses années, parfaitement consciente de la mort que je m'en allais répandre dans le camp ennemi pour semer la confusion. Ils s'en remettront et je le sais parfaitement bien.

Ils s'en remettront, mais peut-être pas lui...

Mon coeur s'affole à l'idée d'avoir causé la mort du prince.

Celui-là même qui vient de m'attaquer et de me laisser cette douloureuse blessure au bras.

Celui-là même que je n'ai pu me résoudre à tuer avant de partir.

Celui-là même qui peut causer ma perte puisqu'il m'a vu là-bas...

Paniquée, je me surprends à lever les yeux vers le ciel et à implorer Zeus de mettre fin au tiraillement qui me consume tel un feu divin. Je dois absolument retourner voir Palamède et m'assurer qu'il ne retournera pas au campement.

Moi Merines, j'ose m'adresser à Zeus, le Dieu suprême que j'ai ignoré toute ma vie pour m'avoir enlevé ma mère... Quelle injure à sa grandeur n'est-ce pas?

Et pourtant...

Cela commence par une simple bourrasque qui balaie la plaine devant la grande cité de Troie, soulevant un grand nuage de sable et de poussière qui vient me piquer douloureusement les yeux. Très intense, le vent reprend encore et encore ses attaques et des tourbillons de poussière s'élèvent dans la plaine alors que la noirceur de la nuit est toujours totale.

Puis viennent les éclairs. Et pas n'importe quels éclairs: ce sont les plus puissants qu'il m'a été donné de voir. Surtout le premier qui vient frapper la grande vasque d'huile sur le haut du mur à quelques pas de moi, ce qui a pour effet d'en enflammer le contenu et de le répandre sur la pierre alors que la vasque éclate en un millier de morceaux.

L'amour en guerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant