Le sommeil ne l'appréciait pas. Elle en avait toujours été persuadée. Lorsqu'elle était gamine où une nuit sur deux elle criait à la mort à cause d'un cauchemar, ou encore lorsqu'elle était adolescente et qu'elle ne parvenait pas à faire taire ses pensées. Rien ne parvenait à la pousser dans l'ombre du repos.
Les valises qu'elle trimballait sous ses yeux n'étaient pas qu'une tentative immonde de prétendre au malheur, loin de là. Elles n'étaient que les spectatrices de son esprit infatigablement chiant.
La lampe de chevet bas de gamme de sa chambre acquiesça sombrement.
La japonaise continuait de tapoter sur les touches de son ordinateurs. Elle ne se doutait pas un instant, qu'à quelques rues de son hôtel, Chaeyoung se réveillait en sueur.
Mina ne se doutait pas un instant de l'effet qu'elle provoquait chez la jeune femme.
Les pères l'auraient détestée si cela se savait.
Mais, quand bien même elle n'avait pas conscience des troubles qui agitaient l'estomac de la nord-coréenne, elle avait bien conscience de ce qui grouillait dans son propre corps.
D'un geste presque rageur, elle effaça une séquence vidéo inutile.
Bon sang, pensa-t-elle en se rongeant un ongle. Il y a toujours quelqu'un pour tout gâcher. Pour tout embellir.
Tout ce dont elle avait besoin lui avait été servie sur un plateau d'argent : de l'art nord-coréen, des rues, des passants aux regards enjôleurs, des adolescents aux sourires crus de jeunesses, des immeubles, des maisons, des monuments à la pointe de la technologie. Tout et rien à la fois. Elle ne voulait pas de l'image, parce-que, partout dans le monde, on se l'était faite gravée sur la rétine.
Mina ne voulait pas des mensonges. Elle voulait voir plus loin.
Elle voulait marquer l'esprit de son patron, de ses collègues qui sans croire en ses capacités, la rabaissait au rang de " secrétaire à lunette " ou encore " de la stagiaire bonne qu'à produire du café en abondance ". Elle voulait leur prouver que ce pays et ses habitants avaient bien plus à montrer que n'importe quel autre être humain.
Elle soupira et lutta pour ne pas balancer son ordinateur de l'autre côté de la pièce. Le fracasser à un endroit où rien ne lui reviendrait en plein visage.
D'un coup d'oeil tremblant, elle aperçut le réveil.
3h48.
Elle serra les dents.
Il lui fallait plus, toujours plus.
Elle ouvrit un dossier. Farfouilla quelques secondes et double-cliqua sur une séquence vidéo prise la veille. La première chose qui s'afficha brusquement sur l'écran abîmé fut les yeux si inexpressif de sa guide.
La japonaise ne perdit pas de temps et poussa la vidéo à se mettre en pause. Juste une seconde. Elle avait besoin de comprendre. De découvrir ce que pouvait être le malheur.
On aurait cru y découvrir des rires trempés de pleurs, imperceptibles.
Mina éteignit la lampe de chevet.
Rien d'autre que ces yeux noirs ne transperçait l'espace autour d'elle. C'était... étrange ?
Elle se demanda en quoi cette paire d'yeux pouvait se permettre de creuser un trou dans sa cage thoracique ? Qu'est-ce qui la différenciait de ses voisins mornes, morts-vivants presque ?
Mina replaça son oreiller dans son dos.
Ces pupilles se tordaient sous le noir firmament de cet écran. Improprement. Rien n'avait de putain de logique.
Pourquoi donc Mina s'entêtait ainsi ? Y avait-il réellement un but ?
Elle se retint de rire pleinement.
Comme si tu ne le savais pas, idiote.
Dans le creux de ces globes oculaires si tentant, Mina découvrit un phinx meurtri, éternel et muet. La japonaise savait que sa cadette ne pleurait jamais. Qu'elle ne donnait jamais lieu à des désertion d'esprit stupide. Elle n'allait pas crier sur des toits. Elle n'irait certainement pas embrasser n'importe qui lors d'une soirée mondaine.
Elle n'était pas ce genre de jeune femme. En réalité, elle ne ressemblait à aucune autre jeune femme vénale que Mina avait pu croiser lors de ses voyages, de ses trajets dans le métro japonais. Chaeyoung était si différente et parfaite que cela ternissait ses propres sentiments.
Mina se retint de rire à nouveau, son index se bloquant sur sa lèvre inférieure - vieux réflexe.
Bien sûr que sa guide était différente de toutes ces femmes. Elle n'appartenait pas aux mains de la liberté.
Au Japon - ou dans n'importe quel autre pays -, Mina se demanda comment cette coréenne se comporterait. Serait-elle effrayée ? Certainement pas. Serait-elle extatique ? Probablement pas.
Non.
Chaeyoung serait sûrement trop intriguée par la visite de musée pour se donner la peine de sortir boire dans un bar, allait travailler dans un restaurant, déguster des bonbons acides. Chaeyoung serrait trop vivante pour se préoccuper du reste du monde.
La japonaise se laissa aller à sourire.
Son index traça la silhouette de ces yeux mordants.
D'un sursaut, elle se rappela quelque-chose.
Mince, où ai-je pu le ranger ?
Elle se leva d'un bond de son lit au matelas cabossé, traversa de long en large la chambre, vida l'entiereté de son sac sur le sol, balança un bloc note griffonné et, dans un soupire atteignant une extase bien étrange, elle tomba nez à nez avec un marque-page aux coins chiffonnés.
Elle le plaqua sur son bureau et le recouvrit du plus gros livre qu'elle pu trouver.
Voilà.
Elle retourna s'allonger, son sang adoucissant sa course.
Les yeux noirs d'eau lui firent de nouveau face, impétueusement. Mina se mordilla la lèvre, se rendant à peine compte que son souffle se perdait dans des dédales de malfonctionnement. Mina se rendit à peine compte qu'observer cette jeune femme ainsi aurait pu paraître glauque, très glauque voir même pervers.
Mais elle s'en fichait bien.
Tout ce qui l'intéressait dans le visionnement terrible de cette image, c'était de savoir comment elle pourrait la rendre vivante.
Mina voulait voir Chaeyoung rougir de vie, pleurer de peine, rire de joie. Elle voulait la voir s'écrouler de sentiments devant elle.
Quelques en soient les moyens qu'elle mettrait à exécution pour que cela arrive.
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Hey !
J'espère que ce chapitre ne vous aura pas déçu hihi. Il est un peu plus court que les précédents, mais il aura son utilité par la suite ;)
Je viens de remarquer qu'on avait dépassés les 700 vues sur ce récit... Je sais très bien que par rapport à d'autres oeuvres sur cette appli cela paraît peu, mais pour moi c'est énorme. Alors je tenais à vous remercier chaleureusement pour cela. Merci de suivre cette histoire qui me tient énormément à coeur, merci d'être aussi patient, de ne pas - trop - m'en vouloir pour mes retards, mes irrégularités d'updates etc.
Mercii <3
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And there was no one left
Fanfic'' Je ne l'ai jamais envisagé sous cet angle, tu sais ? - Comment ça ? - Je n'ai jamais envisagé l'idée de le hair, je n'ai jamais envisagé l'idée d'être aimée pour qui je suis. '' - & - Il suffit d'une œuvre de Picasso pour transcender un esprit...