Chapitre 13

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Les montres avaient une apparence atroce, terriblement maigres et tordus, ils faisaient presque peine à voir. S'ils ne tentaient pas de dévorer le pauvre cannibale bien sûr. Ici, il était la proie, et pour survivre, la force n'était pas suffisante. Ces créatures humanoïdes et terrifiantes étaient en fait des bugs qui se fondaient dans la masse et dévoraient le jeu de l'intérieur, voila pourquoi Ben les gardait enfermés en permanence, les empêchant de provoquer trop de dégâts sur son monde virtuel. Une sorte de barrière infranchissable barrait l'entrée de la cavité. Clément ne le savait pas, mais en entrant dans cette grotte, il s'était condamné à devenir comme eux, des bêtes assoiffés de sang. Le blondinet le savait, et déjà la panique le gagna. Son envie de tuer l'homme avait disparu, mais il ne revenait jamais sur ses décisions, et laissa son amant se débrouiller seul. Si la situation devenait trop critique, il interviendrait, évidemment.

Clément reprenait difficilement ses esprits. Trois créatures lui sautèrent dessus, mais ses appendices agirent par réflexe, le sauvant de justesse, et perforant les trois monstres. Clément poussa un grognement. Une haine naissait en lui, plus noire que la nuit...
Et s'il en ressortait vivant, il se promettait une chose.
Faire souffrir le blond plus que jamais. Il fut parcourut par une sorte de bug alors que son esprit changeait. Il devenait comme les autres monstres autour de lui, et quelques uns avaient cessés de l'attaquer, le considérant comme un allié prêt à détruire le jeu. D'autre ne l'intégraient pas encore, continuant de l'attaquer, et Clément ripostait à chaque fois. Mais la douleur de son épaule devenait bien trop insupportable. Il haletait, et finit par sombrer dans l'inconscience.

Le sang qui coulait de sa plaie n'était pas rouge comme celui qu'il avait l'habitude de voir, mais d'une couleur légèrement verdâtre, signe que le poison commençait à attaquer ses veines. S'il voyageait jusqu'à son cœur, c'était la mort assurée, et c'était ce qui se déroulait à l'instant même. La douleur qui pulsait dans son corps et engourdissait ses membres ne ferait que croître s'il ne recevait pas les soins adéquats très rapidement, or ici, impossible d'en trouver, à moins de s'y connaitre en plantes médicinales. Il restait environ trois heures à Clément pour survivre dans le jeu qui devenait davantage hostile à chaque heure. Ben le voyait bien, il perdait le contrôle des bugs, et regretta amèrement son plan. Il le voyait de là où il se trouvait : le cannibale avait quelque chose de nouveau à l'esprit, une idée sombre et meurtrière. S'il s'en approchait, le beau blond ne survivrait pas longtemps. Son cœur jouait un match contre sa raison, et elle était sur le point de perdre. S'il ne pouvait pas sauver son amant, il se maudirait toute sa vie d'avoir été conduit par l'envie de vengeance.

L'attroupement des "bugs" et des monstres enfermés dans la cavité devenait importante. Clément avait disparu dans toute cette agitation, entre les créatures hostiles et dangereuses. Il était quelque part, dans la masse, évanouit au sol, prit de douloureuses convulsions à cause du poison. Il allait y passer. Le temps dans un jeu vidéo n'était pas le même que dans la réalité, une nuit correspondait à une heure. Alors trois heures devaient correspondre à trois pauvres minutes. Clément allait mourir, il n'y avait plus aucune solution. Une fine pellicule de sueur recouvrait son front. Les monstres avaient cessés de l'attaquer. Même s'il était encore en vie, c'était comme s'il était mort pour eux. Un dernier murmure faible franchit la barrière de ses lèvres. Un dernier mot.

-Ben...

S'il ne faisait rien, il allait mourir.

Ben l'avait entendu. Venir le sauver était synonyme d'une mort certaine. Si les bugs venaient à le toucher, voir le dévorer, il finirait comme eux, et ne serait plus maître de cet endroit. Mais cette fois, son cœurs fut plus fort, et il s'élança au secours de son amant. La cavité était sombre, mais il y voyait plutôt bien, par habitude sûrement. Des grognements résonnaient dans l'obscurité, mais pas ceux de Clément. Les créatures l'avaient repéré et lui tournaient autour dans le but de le déstabiliser. Impossible de localiser le cannibale, et même s'il le pouvait, il ne pourrait pas l'approcher. Les yeux grands ouverts afin d'y voir un minimum, il ne parvint à distinguer qu'une masse familière dans le fond de la grotte. Clément. Une mare de sang l'entourait... du sang verdâtre. Il avait été empoissé et son corps réagissait de la pire des façons : en éjectant le liquide inconnu en dehors du corps, liquide qui, malgré tout, le maintenait en vie.

Clément était là, sous les yeux du blond. Le plus triste dans tout ça ? Il fallait croire que Ben était arrivé trop tard. Clément était mort. Il ne respirait plus. Il faut croire que le blond avait réussit à mettre en œuvre sa vengeance. Son cœur venait de s'arrêter, pile au moment où le blond avait mit un pas dans la cavité. La vie avait quitté ses yeux, auparavant rouges vifs et désormais éteints. Le poison avait fini par avoir raison de lui. Enfin, Ben devrait être heureux. Heureux d'avoir pu se débarrasser de la nuisance qu'était le solitaire démon, celui qui avait peur du regard des autres, qui s'enfermait, seul, dans la cave sans visite de personne, celui qui ne parvenait qu'à faire le mal. Ben devrait être heureux. Mais alors, pourquoi son visage se tirait-il en une expression de douleur extrême ? Pourquoi avait-il si mal au cœur ? Pourquoi les larmes qu'il pleurait n'étaient plus ses habituelles larmes de sang, mais de véritables larmes ?

...

Pourquoi Clément était-il mort ?

Etait-ce sa faute ? Il était donc arrivé trop tard ? Trop tard pour sauver celui qu'il avait condamné ? Quelle blague. Clément était mort. Mort. Son cadavre gisait au sol, livide.

Le blond ne le reverrait-il plus jamais ? Ne le sentirait-il plus contre lui ? Ne l'entendrait-il plus ?

Le blondinet poussa un grognement déchirant et s'avança vers Clement en trébuchant à moitié. Les créatures cherchaient toujours à le tuer, mais il s'en moquait. La vie de son amant passait avant tout. Son épaule suintait d'un liquide étrange, mélangé de sang et de poison. Tout simplement atroce. Cette vision lui souleva le cœur. Son Clément était entrain de perdre la vie par sa faute ! Et il ne pouvait rien faire... En tous cas, pas seul. Un des monstres se jeta sur le beau blond, lui mordant le bras brusquement. Ben le repoussa en grimaçant de douleur. Soulevant le cannibale de terre avec les dernières forces qui lui restaient, il se dirigea vers la sortie de la cavité, priant pour que les bugs ne le suivent pas dehors. La peur pouvait se lire dans ses yeux. Qu'avait-il fait !? En un battement de cil, les deux garçons se retrouvaient à nouveau dans le manoir, quittant le monde virtuel, source de tous les malheurs. Les larmes de Ben continuaient de ruisseler sur son visage et s'accentuèrent lorsqu'il observa l'état de Clément. Il devait au plus vite appeler Nurse Ann.

Tout se passa très vite. Clément pouvait à peine entendre des bribes de paroles lointaines, tout était noir autour de lui. Il n'était que souffrance. Sa respiration était laborieuse...
Tout était flou, incertain autour de lui.
Il ignorait combien de temps s'était écoulé depuis qu'il avait perdu connaissance, mais quand il rouvrit le yeux, une faible lumière l'éblouit, dû à sa sensibilité particulière. Il lâcha un faible couinement de douleur, ramenant ses mains à ses yeux. La douleur qui le tiraillait à l'épaule l'en empêcha. Il cligna plusieurs fois des yeux pour s'habituer à la lumière, et reconnut l'infirmerie. Inquiet, il regarda autour de lui, et son corps. Il avait été sauvé, et de justesse. Nurse Ann ne semblait pas dans les parages, mais il reconnut une tignasse blonde tout près de lui. Il fut soudain saisit d'une profonde angoisse, et émit un nouveau couinement plaintif, de peur.
Ben lui faisait peur.

Curiosité MalsaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant