Chap. (7) Cordée parisien/savoyarde.

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Cela fait maintenant une heure que la jeune cordée avance dans la neige fraiche de la nuit. Le sac de 15 kilos sur le dos de Yamina semble peser seulement 5 kilos. Le sac de 10 kilos d'Elian semble en peser 50. Yamina se promène, Elian transpirent et en chie. Yamina profite de l'aube et du ciel rose, Elian ne jette qu'un regard furtif vers ce ciel splendide car il doit se concentrer sur le chemin à suivre.
La montre de Yamina affiche 7h56. Deux petites heures de marche, il ne reste qu'une crête à suivre pour atteindre le pied de l'Aiguille du Fruit.
- On a déjà fait 3 pauses, il reste 15 minutes max de montée et 5 minutes de descente à ski, en comptant les 5 minutes pour enlever les peaux de phoque, d'ici une petite demi-heure nous déchaussons définitivement nos skis et nous sommes débarrassés de 5 kilos de matos en tout et de 2 kilos du sac.
Elian, dans un nouvel effort, part comme une flèche, double Yamina, étonnée, puis arrive au sommet du dôme de la crête en 7 minutes au lieu de 15 annoncés. Yamina arrive en 10 minutes, pas essoufflée du tout. Elian est allongé au sol, en hyper ventilation, le coeur qui bat à 100 000. Il est mort (mais toujours en vie).
- Quel couillon ! Tu veux faire le malin, regarde ton état ! Pitoyable ! On a un sommet à faire ! T'imagines, t'es entrain de m'assurer, là-haut, soudain je tombe, et toi, comme t'es crevé, tu n'arrives pas à me stopper, on tombe tous les deux ! En montagne, il y a deux proverbes que tu vas apprendre et suivre à la lettre ! Le premier, "Être et durer". Être, tu n'y es pas, tu vas trop vite. Durer non plus, t'es éclaté ! Le deuxième : "En montagne, gardes les muscles chauds et la tête froide". Tu as fais ta tête brûlée, tu as perdu ta vigilance. Et tes muscles, là ils sont pas chauds, ils sont brûlants ! Ils sont fatigués ! Je peux pas. Je peux pas me lancer dans un truc sérieux comme ça avec un fou. Désolé mais on annule l'ascension.
- Non, je t'en supplie Yamina, je recommencerais plus, je suis désolé !
- Alors dépêches toi t'enlever tes peaux de phoque et de les ranger dans ton sac.
Elian range ses peaux de phoque, Yamina aussi, ils descendent assez vite, mais sans plus. Ils atteignent le pied de l'Aiguille en 3 minutes. Ils auront mis 17 minutes en tout pour rejoindre le lieux de pause et de pose. Pause de 5 minutes, repos puis pose des skis entre deux rochers.
Le duo traverse les blocs de pierre sans trop de peine, le sac étant un peu plus léger. Retour sur neige, il est 8h38. Le soleil est levé depuis 30 minutes, le ciel a pris une couleur d'or, la station dort encore. Dorénavant, le pas sera moins rapide mais plus assuré. Yamina montre à Elian comment chausser les crampons sur les chaussures de ski, qui sont un peu grandes pour Elian. Sensations bizarres, avancée efficace, le parisien ne peut s'empêcher de faire une storie insta. 10 minutes, 15 minutes, 20 minutes, les pas dans la neige, sur une pente de 25 degrés, commencent à fatiguer de plus en plus notre athlète tour Eiffel. Elian lève les yeux, la pente augmente de plus en plus pour terminée verticale !
- Elle va nous manger cette pente !
- Prends ton piolet dans ton sac, prends le par le haut de la lame, et plante le manche côté amont pour t'aider.
Elian sort son piolet, le plante à chaque pas, se retient dessus sur les quelques déséquilibres qui l'emmerdent.
- Arrêtes toi là, enfile ton baudar, on va s'encorder au cas où tu tombes. Et sors ton deuxième piolet, on va presque monter à la verticale dans le couloir.
Elian est soucieux. Il aime l'adrénaline, le risque, les sensations fortes, mais jamais il n'avait été aussi proche du risque de mort que ça. Il se montre alors très prudent, attentif et vigilant. Un, deux trois, on monte. Un, deux trois, on monte. Et c'est ainsi que Elian monte son pied droit, ramène le gauche au même niveau, lève le bras droit, souffle en ramenant son bras gauche, puis répète l'action, une fois, dix fois, cinquante fois ! La sortie est proche, une photo ne peux pas être manquée. Selfie avec le vide, dommage, il n'a pas sourit sur la photo... Fin du couloir qui s'est bien rétrécit, échappatoire à gauche. La montre de la savoyarde affiche 10h36.

L'appel De La MontagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant