Chap. (10) "J'ai jamais rien vu d'aussi beau !"

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- Wow ! J'ai jamais rien vu d'aussi beau ! C'est somptueux !
- Non, regarde comme c'est moche, c'est mieux Paris hein ? Avec les immeubles gris et la pollution !
- Ahah tu es très drôle !
- Tu comprends mieux pourquoi je voulais t'emmener là ? Ya rien de plus beau à Courchevel que cette vue là !
- Je te crois ! Tu veux bien me prendre en photo ?
- Ouais, t'inquiètes, passes moi ton téléphone stp.
- Tiens.
Clic, une photo, un moment inoubliable, cette journée. Les sommets aux alentours se dressent plus hauts les uns que les autres, dans leur imposant combat contre la gravité. Les Alpes sont encore jeunes, l'érosion n'est pas encore trop visible, alors les arêtes sont toujours là, tranchant le ciel bleu, découpant les nuages en deux. Un couple de vautours fauves vient tournoyer 20 mètres au dessus du sommet.
- Regarde les oiseaux ! C'est quoi ?
- Des vautours fauves, un mâle et une femelle.
- Impressionnant !
- Ouais, carrément, surtout que ça fait bien 2 mois que j'en avais pas revu. Agréable surprise !
Des nuages s'amoncèlent au dessus du sommet voisin.
- Tu as vu les gros nuages noirs qui sont juste à côté ! Il va y avoir une tempête !
- Non, t'inquiète, j'ai regardé la météo ce matin et il y a 2h, ces nuages partent au nord, ils nous laisseront tranquille. Ils s'en vont en Haute-Savoie.
- Impressionnant !
- Ouais, mais il va falloir qu'on y aille, horaire à respecter tu sais.
- Oui, allons-y.
- Tu es déjà descendu en rappel ?
- Ouais, une fois. Mais je me souviens comment il faut faire.
- D'accord, alors je te fais confiance. Vas-y en premier et dès que tu arrives au pied de la paroi détaches toi mais uniquement après t'être vaché au relais.
- D'accord cheffe !
Elian s'encorde, met la corde dans le Reverso Petzl que Yamina lui a prêté, puis se jette dans le vide. Tout en faisant coulisser la corde entre ses mains qui commencent à chauffer, il descend tranquillement, sans peur du vide. 5 mètres avant le sol, il décide d'aller plus vite pour le fun. Petits guillis dans le ventre, il arrive au sol, se vache au relais, puis détache la corde, souffle sur ses mains noires et chaudes, et hurle à Yamina que c'est bon. Alors Yamina s'encorde à son tour, court et se propulse dans le vide et faisant défiler la corde entre ses mains à toute vitesse, sans même sentir le frottement sur ses mains. Elle ralenti in extremis pour terminer debout, tout sourire aux lèvres, devant Elian.
- Wow ! Ça fait longtemps que je me suis pas amusée comme ça.
Elian, Yamina, du rappel, le bonheur. La montre de Yamina affiche 14h46. Ils ne leur reste plus que le couloir à descendre, la pente et le petit mixte à traverser puis ils retrouvent leurs skis.
À partir de la moitié de la descente, Yamina s'arrête, enlève ses crampons, se désencordent, et demande à Elian de faire pareil.
- La pente est beaucoup moins raide. Si tu veux arriver en avance pour ta première course en alpinisme, alors on va courir en descente okay ?
- Ca va pas ?! Tu as l'inclinaison de la pente ?!
- Oui, mais elle est de moins en moins raide et 70 mètres plus bas c'est quasi plat.
- Bon d'accord, c'est toi la cheffe.
Yamina court dans la pente en faisant d'immenses foulées, Elian peine encore et naturellement à lui coller aux talons, mais pour un monchu, il se débrouille bien. En 5 minutes, ils descendent ce qui leur aurait pris 25 minutes à un rythme normal. Ils marchent jusqu'au mixte pour récupérer, puis s'amusent à sauter de rochers en rochers pour atteindre en deux fois moins de temps leurs skis.
- Tu es fatigué ?
- Oh oui ! Si tu savais !
- Bah pour te motiver, la première descente est à 15 minutes de montée à skis de rando.
- Pfff !
- Allé, et puis, regarde derrière toi, l'Aiguille du Fruit qui se dresse !
- Wow ! Ce matin elle ne semblait pas si haute ! Elle est gigantesque !
- C'est normal, ce matin tu ne l'avais pas encore faite, sa difficulté et sa durée d'ascension t'ont fait prendre conscience de sa grandeur et de son inhospitalité !
20 minutes plus tard, des touristes voient apparaître deux jeunes sur un dôme les dominant. Ils pensent qu'ils se sont perdus, où qu'ils jouent, mais en vrai, il n'y a pas moins de 2 heures, les deux jeunes étaient au sommet de cette tour inaccessible pour les touristes qui domine toute la vallée de la Tueda et de Courchevel. Là, Yamina regarde Elian, le plus gros sourire qu'elle n'a jamais fais s'affiche sur son visage bronzé par le soleil qui se reflète sur la neige immaculée du plus grand domaine skiable du monde.
- Quoi ?
- J'ai envie que l'on fasse quelque chose toi et moi...
- On vient déjà de se faire un sommet à plus de 3 000 ensembles, que veux-tu qu'on fasse d'autre ensemble aujourd'hui ?
- La course ! Le dernier arrivé au pied de la télécabine de la Tougnette invite l'autre ce soir pour une raclette !
Et Yamina ayant à peine terminé sa phrase, se lance dans la pente, avec une violence, une puissance que rare peuvent égaler ! Elle va tellement vite que l'on dirait que la montagne se penche pour qu'elle gagne de la vitesse. Elle slalome entre les touristes effrayés, passe dans la poudreuse pour un max de plaisir, atteint des vitesses qui donnent le tournis. Malgré le masque, le vent réussi finalement à lui chatouiller les yeux.
Yamina fait une énorme dérapage, et soulève un nuage de poudreuse énorme qui monte à 2 mètres. Pendant ce temps, Elian n'est pas si loin, derrière. Il zigzag aussi entre les touristes mais avec moins de légèreté et de précision. Il arrive de temps en temps qu'il donne accidentellement un coup de bâton, qu'il reçoive un bras dans la tête, ou même qu'il skie sur les skis d'un touriste qui lui hurle dessus. Il va vite, aperçoit Yamina à l'arrêt, et entrevoit une lueur d'espoir qu'il arrive avant elle. Alors il accélère encore plus et, en passant à fond à côté de Yamina, il lui hurle "À moi la raclette".
- Déjà là ! Merde ! Faut que j'active !
Yamina fait tomber son casque par terre, le ramasse et le remet. Elle reprend la course avec pas mal de retard. Elle fonce, avec une rage inhumaine. Une cassure se fait voir sur la piste, mais au lieu de ralentir, elle accélère et la saute, survolant un groupe de 1ère étoile, et atterrit violemment 13 mètres plus loin. Elle perd l'équilibre, manque de s'en mettre une, mais reprend l'équilibre et continue sa course effrénée. Elle aperçoit enfin Elian, et la gare de départ de la télécabine, 150 mètres devant Elian, 200 mètres devant elle. Elian se retourne, il voit l'ombre noire filer entre d'autres points immobiles, qui sont enfaîte en mouvement. Yamina le rattrape, mais Elian n'est plus qu'à quelques dizaines de mètres de la télécabine. L'étau se ressert, Elian n'est plus qu'à 15 mètres, Yamina est 8 mètres derrière lui, 6 mètres derrière lui, 2 mètres derrière lui, à côté de lui mais il est déjà au pied de la télécabine ! Le duo se voit contraint de faire un arrêt d'urgence à ski, avant de percuter la file de skieurs qui paniquait en voyant deux bombes leur foncer dessus. Les deux amis aspergent la queue et reçoivent des insultes, des sermons et des rires.
À une demie seconde, Yamina aurait été invitée chez Elian pour une bonne raclette. Mais Elian a gagné, et il tend une main victorieuse en direction de sa pote.
- Bravo, c'était serré, je me suis éclaté !
- Ouais bah si tu veux pas que je te casse la main, te vante pas trop. C'était sympa aussi. Rendez vous ce soir à 18h30 chez moi, je t'envoie l'adresse par téléphone. Il y aura des potes à moi, tu sais, ceux qui ne t'aiment pas.

L'appel De La MontagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant