Co.ruption

Chapitre 4 : Début d'hiver

Quatre jours avaient à présent passé. La cachette d'Anja était à présent mieux fournie, et Yulian avait même passé un bon bout de temps à construire une sorte d'isolation avec des branches autour du creux de rocher. Pour la blessé, il s'agissait d'un rempart contre le froid. Mais pour le garçon, c'était un moyen de se rassurer si jamais son père s'approchait du lieu. Il le verrait moins.

Depuis qu'il avait rencontré la femme, le jeune garçon se travaillait sans cesse, n'arrivant pas à s'expliquer le souvenir manquant dans son esprit. Il avait failli parler à son père, mais à chaque fois, cette profonde sensation qu'il devait garder caché sa protégée revenait, et il se ravisait. Mais ce trou, ce vide au milieu de la ribambelle de souvenirs, le torturait, et le faisait douter pour la première fois de son père et de sa petite vie tranquille.

L'hiver approchait, et Anja lui avait dit qu'elle s'en irait dès que sa blessure se serait un minimum refermée. Elle s'excusait sans cesse du dérangement, mais gardait une certaine réserve et craintivité.
Un problème se présentait à l'horizon. Yulian ne pouvait pas voler des affaires sans se faire remarquer. Et c'était justement ce qui venait d'arriver.

- Yulian ! Tu sais où est la couverture beige ? Cria Ulrik en le rejoignant près du tas de bois.

Sentant une boule monter dans sa gorge, le fils répondit assez rapidement.

- Non. Pas du tout. Je l'ai peut-être mis dans un des sac à dos ? Je vais vérifier dès que j'ai fini.

L'homme bourru repartit sans rien dire, mais le cœur de son fils battait la chamade. Non, ça ne pouvait pas durer trop longtemps.

*

Anja se sentait de mieux en mieux. Elle ne faisait pas confiance à son sauveur, pas plus qu'à d'autres humains. Mais elle lui était reconnaissante pour son aide. Peut-être même avait-elle un peu de sympathie pour lui. Il semblait innocent, préservé.

Et c'était anormal.

Il discutaient un peu lorsqu'il venait la voir le matin, et elle avait clairement compris qu'il ne savait rien de ce qu'il se passait dans le monde, même s'il avait fait mine de plaisanter.

Elle avait décidé de le suivre cette nuit, afin de voir enfin ou il vivait. Pour ne pas mentir, elle aurait également besoin de vivres lorsqu'elle s'en irait. Son sac à dos n'attendais que d'être rempli.
Oui, elle savait que voler, qui plus est l'enfant qui l'avait aidé, était mal. Mais son sens de la survie était plus fort.

Lorsque la nuit fût tombée, elle se mit alors en route, et arriva rapidement aux alentours de la cabane, éclairée faiblement par la lumière d'une lampe. En plissant les yeux, Anja repéra deux silhouettes par la fenêtre. Un homme épais et une autre plus frêle, sûrement Yulian.

C'est une réserve naturelle privée ? C'est ce qu'il a dit. Alors ils vivraient ici ? Mais pourquoi le gamin ne sait rien de ce qu'il se passe alors ? Et personne n'est venu les piller, ce qui veut dire que personne ne connait l'existence de cette maison ici.

Soudain, un mouvement la fit reculer. L'homme a la carrure imposante venait de se lever. Il se dirigea vers un endroit où elle ne le vit plus, et elle se renfrogna un peu plus dans les ombres des fourrés, inquiète.
Le visage enfantin du garçon se tourna soudain vers l'extérieur, et son regard croisa celui d'Anja sans vraiment la voir. Avec le noir complet qui régnait dehors, il devait regarder son reflet sûrement. Mais la femme eut tout de même un frisson, et décida de retourner à son abris.

Décidément, rien n'allait. Après avoir réfléchi, Anja décida de partir dans deux jours maximum. Elle ne voulait pas rester dans cet endroit étrange, il y avait un climat malsain ici. Son instinct lui criait de fuir au plus tôt.

*

Cette nuit la, le garçon fit un rêve. Il rêvait d'une scène étrange.

Une femme grande, perchée sur de haut talons, se disputait avec Ulrik. Elle montrait Yulian de son ongle vernis, et le regardait avec des yeux empreint de pitié, puis retournais à nouveau son regard sur l'homme. Une expression que le garçon ne connaissait pas était gravée sur le visage de son père. Comme un vide glaçant, profond, infini.

Soudain, tout changea, et il eut juste le temps de voir les mains puissantes d'Ulrik empoigner le cou fragile de la femme. Il senti son corps se crisper de peur dans son sommeil, et la sensation le réveilla. Il était en sueur, et apeuré. Qui était cet homme qu'il avait vu en rêve ? Ca ne pouvait pas être son père. Son pere était doux comme un agneau. Jamais il ne ferait de mal à quelqu'un. Il devait être vraiment perturbé pour faire des rêves comme ça.

Alors il se recoucha. Mais il senti que quelque chose changeait. Une brèche venait de se former dans le mur qui lui bloquait l'accès à ses souvenirs. Et plus rien ne pouvait la reboucher.