𝚍𝚎𝚞𝚡

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Bonne lecture !

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Une main se pose sur son épaule, et pour Link c'est comme un électrochoc.

Aucun rêve ne passait derrière ses paupières, mais son réveil est tout de même brusque et rapide. Il se sent groggy, toujours aussi fatigué, et plus personne ne semble se tenir dans son dos, derrière son épaule.

Il ne voit pas grand-chose dans l'obscurité de la forêt. Il fait bien nuit à présent, la lune est claire et il souffle de soulagement, mais bien vite ses yeux tombent sur la grande ombre penchée sur lui et son cœur se fige.

Il entend ses propres battements. Sent ses mains devenir moites. Puis tout à coup il comprend qu'un combat est en train de se profiler alors la peur, la surprise, tout disparaît pour ne laisser plus que le Link qui sait comment se battre, comment gagner.

Un vent passe, il plisse les yeux. La main est toujours sur son épaule.

Link glisse la sienne jusqu'à sa ceinture, très lentement. Il sent la lame le long de sa jambe, si proche, et ses doigts s'enroulent autour du pommeau.

Les lèvres pincées et les yeux flamboyants, Link lève son épée.

Il décrète que c'est un cas d'urgence, et que cette dernière arme en bon état vaut bien le coup d'être levée. Face à lui, l'inconnu n'a pas vraiment la carrure d'un monstre. Il a des yeux brillants, des yeux clairs et bleus, et sur le moment la volonté de Link flanche un peu. Il se reprend, car son cœur n'est pas suffisamment innocent pour qu'il fasse confiance à tout le monde.

La lame s'appuie contre la gorge de celui qui l'observe. Il retire lentement sa main de l'épaule de Link, se recule, et le silence s'impose encore de longues secondes. Link ne dit rien, il ne sera pas le premier à briser le silence.

Le temps s'étire, jusqu'à ce que finalement un soupir résonne entre eux.

— Tu pourrais peut-être... abaisser ton épée ?

Des nuages s'écartent au-dessus d'eux, et ce que Link remarque avec la lumière diffuse de la lune ce sont deux oreilles légèrement pointues, et des sourcils haussés. C'est un homme, ou en tout cas ce n'est pas un monstre. Pas de cornes, pas de peau rouge ou verte, et pas de petits yeux étroits.

Ce n'est pas un monstre, mais Link est bien placé pour savoir que ce ne sont pas les seuls à le vouloir mort.

Alors son épée ne bouge pas.

— Bon, d'accord. Je vois, je comprends : je vais lentement me reculer....

Les yeux de Link ne le quittent pas tandis que l'homme fait deux pas en arrière. Il ne sait pas quelle heure il est, ou encore ce qu'il peut bien lui vouloir, mais il a déjà vu des voyageurs se transformer en assassins du gang des Yigas.

La confiance est devenue quelque chose de rare.

L'homme l'observe avec attention. Il n'a physiquement pas l'air méchant : grand, large, les cheveux noirs et légèrement bouclés. Ses yeux sont très beaux, mais Link n'a pas le temps de s'attarder.

Il demande :

— Qui es-tu ?

Sa voix est rauque, et ça le fait serrer les dents. Depuis combien de temps n'a-t-il pas parlé ? Il n'a jamais été un grand bavard, c'est certain, mais cela fait des jours qu'il n'a pas approché un village. Pas de commerce, pas de gens, pas de discussions.

Son bras est toujours tendu, et lui est toujours assis sur le sol. Il ne sait pas trop ce qu'il attend. Il devrait simplement partir, attraper ses affaires et s'éloigner. Il ne devrait pas perdre son temps, prendre des risques, attendre une réponse.

L'homme a l'air doux. Ses yeux le sont, en tout cas. Il sourit légèrement, presque avec timidité.

— Je m'appelle Akin. Ma maison est juste là, au milieu de ces bois.

Sa voix aussi est agréable, et Link s'en veut de le remarquer. Il devrait passer son chemin. Il le devrait vraiment.

À la place, il hausse un sourcil et se redresse très lentement.

— Je ne voulais pas te faire peur. Je récupérais juste des fagots pour faire un feu, pour la nuit, et je t'ai vu dormir là, alors...

Il se frotte l'arrière de la nuque avec gêne, et détourne le regard.

— Il n'y a pas beaucoup de voyageurs par ici, d'habitude.

Link l'observe sans faiblir. Il attend la suite, car il a l'air d'y en avoir une.

— Je t'ai vu dormir là, répète-t-il. La nuit, il y a parfois des monstres qui se promènent. Je voulais juste pas que tu.... enfin t'as l'air de savoir te défendre, alors peut-être que je ferais mieux de rentrer....

La petite coupure dans son cou saigne. Il se racle la gorge.

— Je voulais juste te dire... que si t'as besoin d'un endroit pour la nuit, tu peux venir avec moi. Je ne te force pas, sache simplement que tu as le choix. J'ai un lit, de la nourriture, et du feu.

Il déglutit.

— Bien. Je vais y aller, d'accord ?

Un pas en arrière, puis un autre. Akin lui laisse de l'espace, et Link le fixe alors qu'il s'éloigne. Il ne sait pas pourquoi dans sa poitrine ça se serre à nouveau. Il part, très bien : Link peut marcher un peu à présent, et essayer de trouver un relais.

L'homme s'éloigne, se retourne, il n'y a plus que son dos...

— Attends.

Link comprend, en le voyant se retourner, que c'est sa voix qui vient de résonner. Il se renfrogne, serre les dents. Oui, il est fatigué. Oui, il se sent peut-être un peu seul. Oui, il a froid et n'a même pas le courage de se faire un feu.

Maintenant que le danger est passé, il se sent épuisé.

Cet homme a des yeux doux.

Lentement, très lentement, Link attrape ses quelques affaires. Il enfile sa sacoche, rengaine son épée, inspire profondément. Peut-être qu'il fait une bêtise, mais la voix de la princesse ne vient pas le gronder dans un coin de son esprit, alors il avance.

Son cœur, si étroitement serré, se libère un peu.

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Cœur courageux || Zelda BOTWOù les histoires vivent. Découvrez maintenant