𝚗𝚎𝚞𝚏

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Bonne lecture !

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Les yeux de Link se perdent sur les belles flammes qui tentent de sortir de la cheminée.

Sa peau frissonne, de la sueur glacée lui tombe dans la nuque, et la chaleur ambiante lui chauffe le visage. Dans son cœur, c'est un peu le bazar. Il ne sait pas trop ce qu'il ressent, il ne sait pas trop s'il souffre ou si c'est agréable, et ne sait pas vraiment comment il a atterri ici.

Dans les montagnes glacées, sa tête a commencé à tourner.

Il a déjà fait le voyage ainsi, à peine couvert avec une armure abîmée et des armes rouillées, mais cette fois c'est différent. La fatigue, la faim, l'envie de terminer enfin cette mission. Il se rappelle avoir trouvé le sanctuaire, avoir reçu l'emblème, et une fois dehors : les yeux dans le vague, au sommet enneigé, face au vide.

Il s'est réveillé debout, sur le pas de la porte d'Akin.

— T'es brûlant, petit Hylien.

Il le sent, oui. Sa fièvre le fait voir des formes dans les flammes, et le tissu humide que lui passe l'homme dans le dos l'apaise étrangement. Il essuie sa sueur et un peu de son sang, rafraichit son corps brûlant pourtant glacé, et pose parfois un de ses doigts sur une des cicatrices de Link.

Akin s'occupe de lui avec des gestes lents et doux, et Link fixe l'âtre de la cheminée en reniflant bruyamment.

— T'as été où pour tomber aussi malade ?

Chaleur, chaleur, chaleur. Son visage le brûle mais c'est agréable.

— Dans les montagnes. La chaîne d'Hebra.

C'était joli, là-bas : il n'a croisé personne à part des montres et de la glace, et ses mains en tremblent encore. Parfois, ainsi seul au milieu de nulle part, il ne peut s'empêcher de se demander pourquoi on l'a choisi, à l'époque.

Pourquoi cette épée qu'il porte dans ses souvenirs a décidé qu'il devait être le héros ? Qu'il pouvait être apte à la tenir et à s'en servir.

Il se sent faible, parfois. Pas à la hauteur. Complètement perdu. Il s'est réveillé, on lui a dit ce qu'il devait faire, et depuis plus rien, seulement une quête qui n'en finit pas et de la culpabilité à chaque souvenir retrouvé.

— C'est loin, ça, souffle Akin en plongeant à nouveau le tissu dans l'eau chaude. Je sais que tu voyages, mais je ne pensais pas que c'était à ce point.

Il doit savoir, pourtant. Link lui a donné son prénom, n'a pas caché sa tablette.

— J'aurais pu simplement prendre un remède, murmure-t-il aux flammes.

— Ça ne vaut pas le repos, ça.

Il n'a pas tort.

— Je suis désolé de te déranger.

Sa voix est enrouée. Son nez est encombré. Sa fièvre de descend pas.

— Tu me déranges pas. Je t'ai dit que ma porte était ouverte.

Le tissu se repose sur sa peau moite, et il soupire.

— Tu es trop gentil pour être réel.

C'est aussi ce qu'il se dit, parfois. Quand son épée frappe des monstres, quand sa flèche touche une cible, quand les combats font rage et que ça, c'est réellement son quotidien. Il se dit qu'Akin et sa petite maison sont trop beaux pour être vrai, que c'est sa tête qui le pousse à voir tout ça et qu'au final, il passe à chaque fois la nuit dans une autre maison en ruine, au milieu des décombres.

Cette pensée-là, elle l'effraie plus que n'importe quel gobelin.

— Je le suis, pourtant.

— Peut-être.

Link a du mal à respirer : sa poitrine est étroite, son souffle est rauque. Il inspire, expire, et le tissu dans son dos disparaît pour aller flotter sur l'eau tiède de la bassine.

Le front d'Akin se pose sur sa peau.

— Tu es malade, petit Hylien. Va t'allonger.

L'instant d'après il se recule, et Link est seul face au feu. Il est si proche que ses doigts pourraient toucher les braises en tendant un peu le doigt, mais il ne le fait pas. Il soupire, se lève sur ses jambes tremblantes, et marche très lentement vers le large lit dans le coin de la pièce.

Les couvertures lui paraissent lourdes quand il les soulève, et au fond il ne sait même plus si la sensation de la maladie le rassure plus que la guérison par remède. Il est encore humain, et Akin prend soin de lui avec attention.

Agréable, douloureux.

Il se tourne, enfonce son nez rouge dans la bonne odeur de savon qui se trouve sur l'oreiller.

— Tu viens ? demande-t-il à voix basse.

Akin l'observe depuis la petite cuisine. Il se brosse les dents et ses lèvres s'étirent en un sourire.

— Tu veux que je vienne, petit Hylien ?

L'amusement visible sur ses traits fait à nouveau frissonner Link, qui lui tourne le dos avec une moue. Un rire résonne :

— D'accord, d'accord. J'arrête de t'embêter. Bonne nuit, Link.

Et il ferme les yeux, dans un dernier soupir.

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Cœur courageux || Zelda BOTWOù les histoires vivent. Découvrez maintenant