𝚜𝚎𝚙𝚝

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Bonne lecture !

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Link reste dormir une fois. Puis une autre. Et encore une autre.

Ce n'est pas très régulier, il le fait simplement quand l'envie lui vient, quand sa poitrine est soudain un peu trop étroite et que son corps réclame une pause (une pause, du repos, un sentiment d'apaisement qu'étrangement, la maison d'Akin lui offre).

Cette fois encore, quand Link ouvre les yeux sur le plafond poussiéreux de la maison d'Akin, il se sent bien. Sa blessure à la jambe, qu'il s'est fait sur la montagne Goron, est à présent remise et ne lui a laissé qu'une cicatrice un peu moche. Sa quête, celle qu'il ne fait pas uniquement pour un individu particulier, mais bien pour la grande valeur du Bien.

Même sans son épée, sans ses souvenirs, et sans encore toute sa bravoure, il reste le héros qui a été désigné pour sauver Hyrule. Il n'a pas forcément envie d'y échapper, pas pour toujours en tout cas, mais parfois ça lui fait du bien de simplement marcher dans la forêt, toquer à une porte, et voir le visage souriant et amusé de ce semi-Hylien.

Les paupières encore un peu lourdes, Link se tourne sur le côté. Le grand lit de plume est placé dans un coin, contre un mur, alors ainsi sur le flanc il peut poser son regard sur toute la pièce. La couverture est douce sur ses jambes nues et ses épaules, et la longue chemise de nuit qu'Akin lui sort à chaque fois de son armoire sent bon le savon. L'odeur de propre, Link l'oublie parfois pendant son voyage, jusqu'à ce qu'un villageois fronce le nez en lui parlant et là il se dit que le moment de nager dans une source est arrivé.

— Bien dormi ?

Comme souvent, Akin lit un livre.

Les jambes croisées devant lui, confortablement installé dans le fauteuil à côté la cheminée avec une couverture sur les épaules, il l'observe en souriant. Link l'a remarqué depuis un moment, mais le jeune homme aime beaucoup lire, en plus d'être réveillé avant lui : il se couche après avoir parcouru quelques pages, et se réveille en attrapant l'ouvrage qui repose sur sa table de nuit.

De temps en temps, lorsque Link repart sur les routes, il l'accompagne jusqu'au village le plus proche pour vendre du gibier, du tissu, des vêtements tricotés, et acheter des vivres et des livres. Il part avec un cheval et un chariot, tandis que Link le suit.

— Oui, répond-il d'une petite voix.

Cette fois, il fait un effort et se redresse. Sa peau frissonne, ses yeux le piquent, et il est persuadé que sur le côté de son crâne ses cheveux sont en train de rebiquer. Mais Akin lui sourit, alors Link se racle la gorge et détourne le regard.

Ce n'est qu'une fois debout qu'il remarque que la table est mise, et que le petit-déjeuner est en train d'être réchauffé dans la marmite en cuivre.

Il fait la moue.

— Tu as encore cuisiné.

— J'aime le faire.

— J'aurais pu m'en occuper, pour une fois.

Akin referme son livre.

— Notre marché...

— Oui, oui. Je sais. J'ai juste l'impression d'être un voleur.

— Ça me dérange pas. Et puis, tu me ramènes des cadeaux.

C'est vrai, il le fait : dans ses ruines ou des villages lointains, Link tombe parfois sur des vendeurs ambulants, ou de grandes bâtisses très vieilles. À l'intérieur, des livres, d'anciens ouvrages qui ne lui sont d'aucune utilité, mais qui ont fait briller les yeux d'Akin quand il les lui a apportés.

Ils s'installent tous les deux à table, après avoir apporté la marmite au centre. La grande chemise de Link tombe sur ses épaules, mais il ne capte aucun regard déplacé comme ça arrive parfois : il n'est pas très grand pour un Hylien, et certaines personnes peuvent parfois lui trouver un charme avant d'apercevoir ses cicatrices et de connaître son statut. Il n'a pas l'impression que c'est de l'arrogance, mais pour lui ça n'a pas vraiment d'importance : Akin a vu son corps, ne l'a pas regardé, et il connaît son prénom.

Il sait ce que ça veut dire, alors Link laisse ses armes basses et peut se permettre de lui tourner le dos sans avoir peur.

— C'est bon, dit-il en dégustant les dernières gouttes de la soupe. Vraiment très bon.

— C'est vrai ? J'ai trouvé des épices au village la dernière fois, alors je voulais savoir ce que tu en penses.

Il a l'air fier, et Link ne résiste pas à l'envie de lui rendre doucement son sourire.

Il profite de la fin du repas, de ce moment où le soleil est levé et où son voyage n'a pas encore recommencé : il pourrait aller à la source, se promener dans la forêt, discuter encore un peu avec Akin.

Mais finalement les minutes passent trop rapidement, et midi arrive au moment où il s'habille à nouveau correctement. Sa tunique bleue résiste encore bien à ce qu'il lui fait faire, et toutes ses affaires sont prêtes.

Il lève les yeux vers Akin qui s'approche de lui avec un repas emballé dans de jolies feuilles vertes. Link fait la moue.

— Tu fais ça à chaque fois, relève-t-il dans un soupir.

— Parce qu'à chaque fois tu viens me voir avec les joues creuses. Si je peux t'offrir un repas en plus, tu devrais juste accepter et me faire plaisir.

Link n'a pas vraiment envie de dire non. Tout est bon, et il reste avec cette agréable sensation pendant quelques jours encore, tant que cette nourriture est dans sa sacoche. Il emporte un petit bout de cette maison avec lui, jusqu'à la prochaine visite.

— Merci.

— Pas de quoi.

Ils restent tous les deux immobiles pendant de courtes secondes avant que Link ne se dirige vers la porte. Il doit faire ça vite, sinon son envie de rester deviendra plus forte et il ne veut pas passer pour un lâche ou un fainéant.

Dans l'embrasure, Akin dit :

— Petit Hylien.

Ce surnom, Link l'entend désormais plus souvent que son propre nom. Il ne le déteste pas, et parfois est même content de l'entendre : c'est Akin, ça vient de lui, alors c'est bien.

Il hausse un sourcil.

— Oui ?

Link s'attend à ce qu'il dise quelque chose, mais finalement ce n'est pas sa bouche bouge mais ses pieds : deux pas en avant, vers lui, et Akin tend la main. Il ne fait pas ça souvent, pas de contact. Pendant les premières fois, il semblait le prendre pour un animal timide et fragile. Il a rapidement ravisé son avis, mais ce n'est pas pour autant que le jeune homme se met à engager des embrassades fraternelles à tout bout de champ.

Alors Link l'observe avec des yeux ronds, tandis qu'Akin tend sa main pour venir prendre la sienne. Avec une lenteur ahurissante qui le fige tout entier, il le voit la porter à ses lèvres, et lui faire un baise-main.

Sa bouche se pose sur sa peau, la mâchoire de Link se décroche, et il entend :

— Bonne route. Comme toujours, ma porte est ouverte. Mais....

Son souffle tombe encore sur sa main. Link n'essaye pas de se dégager, il le fixe tout simplement avec surprise.

— La prochaine fois, petit Hylien, pense à ce que je viens de faire, d'accord ? Et si ça ne te plaît pas, je te laisse quelques instants pour me mettre une gifle.

Il le lâche, puis semble vraiment attendre, campé sur ses pieds. Link est toujours immobile, la bouche entre-ouverte.

— Bien. Pas de gifle, donc. Fais attention à toi.

La porte se referme doucement, et sans vraiment faire attention le héros se détourne pour commencer à marcher. Les yeux dans le vague, il s'arrête tout de même au bout de plusieurs mètres pour murmurer un petit :

Oh.

Dans sa poitrine, son cœur s'affole un peu.

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Cœur courageux || Zelda BOTWOù les histoires vivent. Découvrez maintenant