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Chapitre dix

PDV Tina

Je n'arrive plus à penser. L'échographie, la lettre, ses mots, mes souvenirs, mes yeux qui me brûlent, les mains de Cameron sur moi, son odeur, tout se mélange. Il me faut un autre verre. Un briquet aussi.

Je me détache de Ron alors qu'une troisième chanson passe. Daddy Issues, The Neighbourhood.

Un autre verre, les deux joints que j'ai roulés, je sens son regard qui ne me lâche pas, comme d'habitude.
-Pourquoi tu me regarde tout le temps comme ça ? Je demande avant de porter le cône à mes lèvres.

Je l'allume et tire une première taffe en me servant un autre verre, le troisième. Je sais que je ne devrais pas mais ce soir je n'ai pas la force de lutter. Je le bois cul-sec et pose les yeux sur le métis qui me fait face. Il est silencieux. Toujours devant la fenêtre, il est à contre-jour. J'avance jusqu'à lui et ouvre pour ne pas enfumer l'appartement. Alors que je m'apprête à reposer ma question il prend la parole.

-Je te regarde parce que...il cherche ses mots Je n'en sais rien en fait. Parce que je n'arrive pas à te cerner ?
- Comment ça ? Une autre taffe.
- Je ne sais jamais comment me comporter avec toi. Je ne sais jamais si tu vas bien ou pas, si tu m'aime bien ou si t'en as rien à faire de moi. Un instant j'ai l'impression que tu pourrais me gifler et la seconde d'après que tu vas te jeter sur moi...

Quatrième verre.

- Et t'aimerais que je le fasse ? je dis en me rapprochant de lui. Un pas après l'autre jusqu'à arriver à quelque centimètre de son visage. Je repense à cette sensation que j'ai, en bas de mon ventre, quand je l'ai imaginé ce matin. Tu voudrais que je me jette sur toi Cameron ? Je pourrais le faire, s'il le voulait. Je ne sais pas pour toi, mais perso ta playlist ne me donne pas trop envie de pleurer finalement...Mes yeux vont des siens, ambrés et brûlant, à ses lèvres entrouvertes. Sa respiration s'alourdit, son haleine vient s'abattre sur moi, sa poitrine se lève rapidement. Je sais que je ne devrais pas mais bordel j'adore avoir cet effet sur lui. J'ai l'impression que le contrôle que j'ai sur Ron, là, tout de suite, compense celui que je n'ai pas eu il y a quelques mois, quand je l'ai perdu... Cette pensée dissipe le plaisir que j'ai à le mettre mal à l'aise, je tire à nouveau une taffe avant de cendrer à travers la fenêtre.

Cinquième verre. Je commence à sentir les effets des poisons que j'ingurgite.

Dos à moi, Ron soupire, ses épaules s'affaissent et il se retourne s'approchant à grands pas de la table du salon. Il m'arrache la bouteille des mains et boit directement au goulot.

Je ne dis rien et me concentre sur la musique. Everybody Hurts, R.E.M.
Bon choix.

Le brun saisit le joint sur la table et l'allume avec un flegme légendaire. Je m'affale à côté de lui et prend la bouteille qu'il me tend. Je l'imite et boit au goulot. Elle est déjà à moitié vide.

Don't let yourself go

Même la chanson me dit de ne pas céder mais là tout de suite, je m'en fous complètement. Ma tête a déjà l'air de faire deux fois mon poids si bien qu'elle part en arrière pour reposer sur le rebord du canapé.

La fenêtre est encore ouverte mais je ne sens plus le froid. Je ferme les yeux et me laisse bercer pas la musique. Je porte de nouveau la bouteille à mes lèvres mais je suis stoppée avant de parvenir à m'enivrer un peu plus.

- Laisse m'en un peu.
- Je t'en prie. Je lâche mon bien et retire mes lunettes tandis qu'il prend une longue gorgée. Il grimace et secoue la tête. Ça arrache hein !
-Comment tu restes impassible ?
- L'habitude. Je hausse les épaules. Il me scrute toujours comme si c'était lui qui allait se jeter sur moi. Il pose un coude à côté de ma tête.