Chapitre 8

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    J'écoute les gouttes tomber dans une régularité réconfortante et chantonne en me balançant lentement. Je ne sais pas combien de jours ont passés, mais vu l'eau qui s'infiltre dans ma cellule depuis quelques temps, l'hiver approche et le temps pluvieux s'accentue. Il fait un froid de canaille d'ailleurs, je tente de m'y habituer, mes membres étant constamment gelés et violets.

    Mais pour être honnête, je me fous du temps, je me fous des mois qui passent. Je me fous de tout. Chaque jour on vient m'empêcher d'y penser. Mon premier viol me paraît bien loin désormais. Régulièrement, des hommes viennent et tirent leur coup, comme-ci je n'étais qu'une vulgaire poupée de chiffon. Ils n'ont aucune considération à mon égard. À part celle de mettre un préservatif pour chaque rapport, mais je pense que c'est plus pour se protéger eux que l'inverse.

    Ce sont des mercenaires pour la plupart, ainsi que Frank et le blond baraqué, qui m'avait kidnappé. Les viols s'accompagnent toujours d'insultes et de coups, me laissant des marques parfois. Mais les pires blessures sont mes poignets, toujours ouverts et douloureux. Les quelques pauses que l'on m'accordent loin des menottes, pour mes repas ou mes besoins, ne suffisent pas à leur cicatrisation.

    J'étire doucement mes jambes douloureuses et chantonne un peu plus fort. Depuis que je suis ici je ne cesse de chanter. Cela comble le silence, celui qui permet à mes pensées de m'envahir. J'ai même inventé quelques paroles, le temps ne me manquant pas.

    La porte s'ouvre et je me tais soudainement, ne regardant même qui pénètre dans la cellule. À quoi cela sert, je préfère ne pas me souvenir de leur visage. Mais lorsque je reconnais les pas qui s'approchent de moi, je tourne vivement mon regard vers l'homme.

-Bonjour First, dit-il avec une douceur qui me réchauffe le cœur malgré moi.

    Cela fait tellement longtemps que l'on a pas été tendre avec moi. Je l'observe longuement, admirant ses cheveux soyeux parfaitement coiffés et son visage long et fin, aux traits séduisants. Je me remémore la colère que j'avais envers lui, lorsqu'il a ordonné que l'on m'enferme. J'étais folle de rage. Mais aujourd'hui, je suis bien trop épuisée mentalement pour l'être à nouveau.

Il vient s'accroupir à mon côté et fronce les sourcils en voyant l'état de mes mains

-Tu es blessée, fait-il en baissant cette fois le regard sur mes bleus, s'étendant sur mes jambes. J'avais dis à Frank de ne pas te brutaliser, il sera puni pour cela.

    Je n'arrive pas à penser, mes émotions étant anesthésiées. Je supporte mieux la douleur, oui, mais mon âme, elle, s'est éteinte à chaque jouissance non désirée.

   Je suis tout de même perturbée par son retour. J'avais arrêté de songer à l'avenir depuis un certain temps, mais sa présence éveille en moi un minuscule espoir. Cela veut dire que mes conditions vont s'améliorer ? Ne serait-ce qu'un peu ?

   Je regarde ses yeux marrons m'analyser de haut en bas et je me surprends à être soulagée de le voir. Je sais que c'est lui qui est à l'origine de ce cauchemar, mais il est également le seul à me voir en tant qu'individu à part entière. Le seul à me porter de l'attention et de la tendresse. Et je préfère largement cela à la dureté des mercenaires.

   Comme à son habitude, il replace une de mes mèches blondes, noircies par la saleté, derrière mon oreille.

-Je suis tellement désolée ma chérie, que tu aies dû souffrir ainsi, souffle-t-il en posant son front contre le mien. Mais désormais tu es prête et tu vas pouvoir être heureuse, ici, à mes côtés.

    Je ne relève pas ces paroles, n'ayant même pas la force d'y penser et l'observe se pencher au-dessus de moi, afin de me libérer de mes entraves, à l'aide d'une petite clef. Je sens alors son parfum boisé s'infiltrer en moi et l'odeur me semble si alléchante que j'en ai des frissons. Il faut dire que la puanteur de cette cellule est invivable.

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