chapitre 5

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Vendredi 4 septembre

Jade ne s'était même pas rendue compte que la semaine touchait presque à sa fin. Déjà. Ce vendredi matin, elle avait été surprise de lire la date sur son calendrier annuel. Dans les bains, les filles avaient remarqué qu'elles avaient déjà écoulés la première semaine au sein de Sonia.

Jade se trouvait maintenant assise sur une chaise en mousse, à écouter les paroles douces de Asiah Meghan, sa professeure de Confiance. Cette femme vacillait entre la jeunesse et la vieillesse, ses cheveux grisonnants, ses lèvres camouflant de minces rides de joie et son regard brun avait toujours une once de paillette.

La voix de Asiah parvenait aux oreilles de Jade avec une facilité folle. La jeune femme était littéralement absorbée par ce cours depuis quasiment une heure et quart.

— Les questions qu'un auteur ne cesse de se poser sont toujours les mêmes, elles ne changent pas selon l'auteur. Mon roman intéressera ? J'écris correctement ? Est-ce que ça a un sens ? Ne devrais-je pas tout supprimer ? Qui lira ce roman ? Tout cela exprime la non-confiance de l'écrivain, en lui-même, et en son œuvre.

La blonde hocha la tête, approuvant les dires de cette femme rayonnante, dans le même rythme que le crâne de Thomas. Ce dernier était devenu un bon camarade en une seule journée de cours. Il s'asseyait toujours à côté d'elle et ils discutaient jusqu'à tard dans les jardins de leurs écrits. Ce cours de confiance la stimulait et ses oreilles palpitaient au fil des mots prononcés par la professeure.

La confiance était quelque chose qui manquait cruellement dans le caractère ou même la personnalité des humains. Jade avait très peu confiance en elle pour diverses raisons. A cause de ses cheveux trop blancs, de son corps banal ou même de ses écrits qu'elle trouvait bancales. Elle ne croyait pas aux compliments, bien qu'elle fît mine de les accepter lorsqu'on lui en faisait.

— Ce que vous écrivez n'est pas parfait aux yeux de tout le monde, sachez-le. Jean peut apprécier tandis que Pierre n'aimera pas. La perfection n'existe qu'à travers ses tangentes. Personne ne la perçoit de la même manière. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'existe pas !

— Pourquoi alors certains manuscrits ne reçoivent jamais l'importance qu'ils devraient recevoir ? interrogea quelqu'un dans la salle.

— Parce qu'ils ne sont pas tombés sur la bonne personne, Emily. La perfection s'accompagne de travail et de patience. Certains ont énormément travaillé donc leurs travaux récoltent plus rapidement la réussite, la reconnaissance et le mérite, d'autres n'ont pas assez travaillés donc ça prend plus de temps.

Jade décrocha ensuite, elle entendait sans écouter. Son attention était dirigée vers son roman, une scène tournait en boucle dans sa tête. Elle n'arrivait pas à la faire fuir de sa prison cérébrale et décida donc de l'écrire. Elle tira à elle son carnet et l'ouvrit, une feuille vierge l'appelant.

Ses dialogues, ses mots vinrent tous seuls. Son stylo glissait, son cœur battait lentement, appréciant le rythme effréné des vagues de mots qui bousculaient la tête de Jade. Cette dernière laissait l'encre noircir la feuille, elle laissa ses personnages reprendre vie sous ses doigts et elle ne prêta pas attention au cours qui se faisait. Elle entendait les échanges de ses personnages, elle entendait les cœurs imaginaires battre à l'unisson du sien.

— Jade Bailly ?

La blonde sursauta violemment, tirée de sa bulle lointaine par la voix trop douce de Asiah non loin d'elle. En relevant la tête, morte de honte d'avoir été interpellé comme cela, elle remarqua que tout le monde l'observait.

— Écrire en cours de confiance, ne vois-tu pas le problème ?

— C'est que...ça tournait trop dans ma tête, débuta gauchement Jade.

SoniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant