Chapitre 1

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April

Encore un soir où je vais dormir dehors, où les cafards et les camés vont me tenir compagnie. Cinq jours que mon frère m'a foutue dehors, car il a préféré sa copine plutôt que sa sœur. Il était ma seule famille. Nos parents sont décédés dans un accident de voiture, un pauvre type bourré leur est rentré dedans, ils ont été tués sur le coup. Cinq putains de jours que je rêve d'une douche chaude, d'un lit douillet et une brosse à dents. Mais ce soir, j'ai décidé que ça serait le dernier, demain je vais faire ce que je n'aurais jamais imaginé faire.

Ce matin, il pleut, il fait froid, c'est logique pour un début novembre, je ressers les bords de mon manteau et prends le bus avec mes dernières économies. Je quitte Détroit pour Miami. Je fais certainement la connerie du siècle, mais si je peux trouver un peu de liquide pour pouvoir me payer un petit motel, ça serait le rêve. Le trajet est long. Comme on dit, un renard ne chasse jamais près de son terrier, donc moi c'est pareil.

Je vais finir par la tuer ! Une grand-mère a décidé de s'asseoir près de moi alors qu'il y a encore plein de places dans ce maudit bus. Ça fait plus d'une heure qu'elle me casse les oreilles, avec son caniche aussi vieux qu'Einstein et apparemment lui, ce n'est pas une lumière.

— Et vous savez ce qu'a fait le vétérinaire pour lui enlever son jouet qu'il avait avalé ?

— Je ne sais pas... Lui faire bouf... Euh manger du poireau.

— Mais non vous êtes bête, il l'a opéré, me dit-elle en souriant. Mon pauvre kiki, il était tout triste quand il est rentré. Oh ! C'est mon arrêt, passez une bonne journée, jeune fille.

Et elle se lève en direction de la sortie.

— Ouais c'est ça, chuchoté-je pour moi-même.

Enfin seule, je passe la capuche de ma veste sur ma tête et pose mon sac contenant le peu d'affaires qu'il me reste sur le siège à mes côtés. Qu'il n'y en ait pas un qui s'incruste à nouveau pensant me faire la conversation comme la vieille, j'ai donné pour la journée en amabilité. Je suis une solitaire, j'aime ma tranquillité. Ma conscience me souffle que pour le coup, c'est réussi, je n'ai plus personne. J'attrape mon iPod et fixe les écouteurs à mes oreilles. Ainsi même si on me parle, je n'entendrai pas. J'appuie mon front contre la vitre glacée du bus et lentement je me laisse bercer par la musique. Les nuits passées à l'extérieur sur le qui-vive aidant, je m'assoupis rapidement.

Je sens une main sur mon épaule me bousculer doucement. Je sursaute en me redressant. Où suis-je ? Je frotte mon visage ensommeillé et me tourne vers le chauffeur qui me fixe avec cette lueur de pitié dans les yeux qui m'insupporte. Retour à la réalité...

— Vous êtes arrivée, mademoiselle, m'informe-t-il.

J'ai dû m'endormir plus longtemps que je le pensais. Sans lui répondre, j'attrape mes affaires et sors du bus sans plus attendre. Je sens la chaleur m'envelopper directement. Merde, il doit bien faire dix-huit à vingt degrés ici, quel changement avec le Michigan ! J'enlève mon manteau et le fourre dans mon sac. Le bus redémarre derrière moi sans possibilité de retour en arrière.

D'un pas prudent, je m'avance dans cette ville inconnue. Je débouche près d'une série d'hôtels en bord de mer, je suis happée par ce coucher de soleil et ces eaux turquoise, c'est juste magnifique.

Un gars en skateboard qui déboule de je ne sais où, me fonce dessus sans s'excuser. J'en lâche mon sac qui s'ouvre et tout s'éparpille sur le sol, culottes et soutifs compris, c'est bien ma veine... Mon sang ne fait qu'un tour, je me retourne vers lui et lui crie :

— On ne t'a jamais appris à regarder où tu vas Ducon !?

C'est à peine s'il prend le temps de se tourner en se marrant. Pauvre type !

cambriolage ou galipettesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant