La routine

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05 : 17 pm

Comme un rituel, le chariot de livres fit résonner un bruit strident dans tout l'étage, laissant plusieurs têtes se retourner mécaniquement vers celui-ci.

- « Pfffff... J'en peux plus, j'y arriverai jamais... souffla Justine en s'affalant sur le clavier de son ordinateur. On est là depuis combien de temps déjà ? »

Je pris sa plainte pour une question rhétorique et n'y prêtai pas attention, bien qu'elle m'ait tirée de mes pensées. Mon regard restait figé en direction du chariot qui roulait cette fois sans bruit.

- « Viens on se tire ? répliqua-t-elle insistante.

- Je sais pas Justine, on abuse... On n'en est qu'à la deuxième semaine de TD et j'ai pris trop de retard comme je t'ai dit.

- Et ?... Ça ne ferait pas 15 minutes que tu regardes les mouches voler ? »

Elle n'avait pas tort. Suite à ses mots, je sentis des regards agacés sur notre gauche nous scruter. Je leur répondis alors par un hochement de tête.

- « Ok, me fais pas une scène, répliquai-je en chuchotant à sa hauteur. On se tire ! »

Il ne m'en fallait pas plus pour abandonner le navire. On se leva en silence, une nouvelle fois sous les yeux de certains étudiants déconcertés.

La descente interminable des escaliers nous permit de relâcher la pression, le temps d'arriver à la sortie de la fac. L'atmosphère pesante qui régnait deux étages plus haut laissait place à l'air frais du mois de février. Justine eut le temps de m'énumérer ses plus beaux adjectifs concernant le droit européen des affaires :

- « Quelle matière de merde, à chier, éclatée, CLAQUÉE AU SOL. Ils attendent quoi de nous en fait ? Qu'on ait les mêmes références que l'autre Périclès ? »

Périclès, c'est le nom qu'elle avait attribué à Quentin, le plus grand orateur de son TD, « voire de la promo toute entière » selon Justine. La dernière fois qu'on l'avait croisé, c'est son prénom à elle qui eut l'air de l'avoir marqué. Je me souviens encore de son « bonjour » enthousiaste quand il nous a croisé au réfectoire.

- « Rdv au Broadway à... 18h ? On y sera dans 5 minutes avec Aless. Cachée derrière son téléphone, elle pouffa de rire en me regardant du coin de l'œil. Il y en a un qui a l'air content !

- Arreeette... » soupirais-je, devinant tout de suite qui était à l'autre bout du fil.

Justine raccrocha et me pris par le bras pour me faire avancer jusqu'au café.

Le Broadway n'avait pas ouvert depuis longtemps, et pourtant, c'était vite devenu notre QG post BU depuis l'année dernière. A vrai dire, on ne sort plus tellement en semaine depuis la rentrée en master : cette année on ne peut pas se louper. La charge de travail est bien plus importante et Justine ne manque jamais de me le rappeler, même une fois arrivées en terrasse. Après s'être grillée une première cigarette, dont je reçus la moitié de la fumée dans la figure, elle haussa soudainement les sourcils en direction de l'entrée.

- « Enfin vous !

- Wesh beautés ! »

Ça y est, ça va être ma fête...

03:61 amOù les histoires vivent. Découvrez maintenant