Ça décale

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Le reflet dans le miroir pique. Décoiffée, j'avais troqué mon col roulé pour un débardeur vu la chaleur qui régnait désormais dans tout l'appart. Les effets de l'alcool commençaient à se faire ressentir, et pas que chez moi. Mathis m'avait déjà lancé plusieurs regards fiévreux à travers le salon illuminé par les spots jaunes de la cuisine. Ces derniers suffisaient à rendre un effet « lumière tamisée » annonçant le climax de la soirée. Je me rendis compte des nouvelles têtes inconnues que j'avais aperçues deux minutes plus tôt sur la piste de danse. On devait être 15 dans 20 mètres carrés. Ca me plaisait. Surement l'alcool.

Ay vamos.

J. Balvin m'entraina, seule dans les toilettes. Je tentai de me recoiffer tant bien que mal, démêlant mes trois colliers d'une main, l'autre battant au rythme de la musique espagnole.

03 : 24 am

Heureusement, Nathan avait déjà fait le plus gros. Je finissais en ramassant les derniers bouchons de bouteilles qui jonchaient le sol. Des spasmes au crâne m'arrêtaient systématiquement après chaque mouvement. Les mains sur les tempes, je tentais de me stabiliser pour reprendre mes esprits en m'accoudant au bar. L'appart tournait autour de moi. J'étais comme prise au piège dans une tornade infinie. Ce fut l'air frais émanant de ma fenêtre grande ouverte qui m'aida à remettre les pieds sur Terre.

-      « Maintenant que c'est tout propre on peut venir ? me lança Doum's, de retour sur le balcon d'en face.

-      Pour que vous veniez refoutre le bordel ? Pire idée.

-      Ça vaaa on est pas des fouteurs de merde. Mais bon, je t'ai bien vu galérer à tout ranger comme Cendrillon donc je vais être tigen.

-      Une autre fois peut être !

-      Si t'es encore en état ça te dit de décaler chez oim ? On est en mode after avec les autres. »

Je pris un moment pour considérer sa proposition, avant d'arriver à conclure : c'est toujours cool de sociabiliser avec ses voisins. Puis ça serait l'occasion de rattraper le temps perdu avec Doum's. Et encore mieux si ça peut m'aider à calmer mon tournis infernal avant d'aller me coucher. Suite à ma réponse positive, le tressé tenta de me chuchoter l'adresse d'en face, moins discrètement qu'il ne l'aurait voulu. J'enfilai un hoodie noir en guise de manteau et me rendis en bas de l'immeuble voisin.

-      « Encore toi ?

-      Euuh, c'est Doudou... Doum's qui m'a proposé de...

-      Laisse la rentrer Nek, rétorqua Doum's.

-      Détends toi ma belle et rentre il gèle dehors. »

Il me prit par le bras pour me faire entrer, ce qui m'intimida. Je me surpris à fixer son bras au contact du mien, lui faisant esquisser un sourire en coin.

Rouge.

Je devais être rouge tomate à cet instant précis. Ça faisait un moment que je n'avais pas fait de rencontres par hasard, et ce geste chaleureux me prit de court.

-      « Moi c'est Ken, Doum's t'as présenté le crew ?

-      Pas encore non...

-      Toi c'est Alessia donc ?

-      C'est ça, répondis-je d'une petite voix.

-      Alors : là t'as Mekra, à la fenêtre entrain de parler avec une blonde c'est Framal, celui qui accompagnait Doum's au balcon quand il t'a...

-      Laisse, je m'en occupe, intervint Doum's »

Le Ken en question n'eut pas le temps de répondre qu'une jolie blonde le prit à part.

-      « On en a du temps à rattraper cousine ! Ça fait combien de temps déjà ? me demanda-t-il en m'enlaçant.

-      10 ans voire plus ! répondis-je en riant.

-      Vazy c'est ouf ! J'devais avoir 10 ans et toi 7 non ? Rawee des vrais gosses... »

J'avais oublié la différence d'âge. Elle se faisait beaucoup ressentir à l'époque. Pourtant, c'était toujours moi qui prenais les devants face à la grande perche qui mettait déjà une tête à tout le primaire.

On s'échangea quelques anecdotes sur notre passé avant d'en venir à notre situation actuelle. Vu ses projets de carrière qu'il m'évoquait à l'époque, je ne fus pas surprise lorsqu'il me parla de sa vocation de rappeur. Futur 2Pac il voulait devenir, membre d'un groupe de rap il devint. C'est inspirant d'avoir une destinée pareille. Ses paroles me rendirent morose un instant.

-      « Mec fais gaffe au tapis, c'est un pur produit du bled ramené par la ronneda ça... »

Il me faussa compagnie, et ne voulant pas rester seule sur le long canapé, je me dirigeai vers la cuisine située dans un enfoncement plus loin dans la pièce. 10 placards identiques face à moi, je me sentis vite perdue. Après en avoir ouvert un, puis deux sans succès, je me mis à m'énerver en soufflant tandis que j'ouvrais les suivants.

-      « C'est là les verres, entendis-je d'une voix enrouée. »

Ken, accoudé sur le plan de travail, pointait du doigt le plus haut placard situé au dessus de ma tête.

Putain j'arriverai jamais à l'atteindre du haut de mes 1m60 les bras levés.

-      « Vazy laisse moi faire, me lança-t-il.

-      Top ! »

Top ? D'où tu sors ça : TOP ?

Ce dernier s'avança à ma hauteur, son bras me passant devant pour attraper le premier verre qu'il trouva. Il sentait le cèdre.

03:61 amOù les histoires vivent. Découvrez maintenant