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Après un long moment, on s'apaise mutuellement, dans les bras de l'un et de l'autre. Je me rends bien compte que maintenant qu'il a vu tout cela, il ne compte pas faire comme si de rien n'était. Il va falloir que je lui raconte et je suis à la fois terrifié et soulagé d'enfin tout avouer de ce que je vis à quelqu'un depuis déjà bien trop longtemps.

Je me détends un peu, à l'aise dans son lit, la pièce plongée dns le noir et comme pour seul éclairage la lumière étincelante de la lune. Je prends une grande inspiration et il se redresse un peu, comprenant ce qu'il va se passer. Je m'étale un peu plus dans son lit, et le regarde en silence. Il se rapproche un peu timidement de moi.

— Je jure de répondre à toutes tes questions avec sincérité.
— C'est ta mère...tout ça ?

Je hoche tout simplement la tête, et le regard dans le vide, il cherche ses mots.

— Mais tu sais, elle n'a pas toujours été comme elle est aujourd'hui. Petit, quand mon père était encore là, tout allait plutôt bien. On ressemblait à n'importe quelle famille du coin, mais par la suite, mon père est tombé malade, d'un cancer... Ca a duré jusqu'à mes douze ans. Payer tous les frais médicaux ont littéralement ruiné mes parents. Mon père est décédé quelques jours après mon treizième anniversaire et ce fut la vraie descente aux enfers. Ma mère a perdu son travail quelques semaines après, et elle ne s'est jamais remise de la mort de mon père. Elle a enchaîné quelques petits boulots pour payer mon école mais c'est pendant cette période qu'elle a commencé à boire...excessivement.  Je crois qu'au fond, le seul qui m'aimait vraiment, c'était mon père. Quand il est parti, elle a complètement changé avec moi. Elle a commencé à se droguer, elle s'est fait virer de tous ses jobs, et elle a finit par choisir la...facilité. Enfin non, c'est le pire job qui puisse exister mais... Ça s'est empiré depuis ces deux dernières années.

Pendant mon monologue, il s'était encore plus approché de moi. Tandis que je m'étais déplacé contre la tête de lit, assis, il était maintenant à califourchon sur mes cuisses.

— Tu me caches tout cela depuis si longtemps, j'ai l'impression de ne pas te connaître en fait...
— Pourtant tu es celui qui me connait le mieux.
— La preuve que non Isaiah, quand je vois ton corps, je ne sais absolument rien. Comment j'ai pu te retrouver tous les matins, te quitter tous les soirs sans savoir que sous tes fringues, tu cachais tout cela. Je m'en veux tellement.

Je le pris simplement dans mes bras, sans savoir ce que j'aurais pu faire d'autre. il s'en veut pour une chose qui est absolument hors de sa portée. Je m'en veux à moi-même de subir cela depuis tout ce temps et n'avoir rien fait avant. Je m'en veux de lui faire subir ça à lui, qui a la vie si facile, que je viens d'entacher par mon histoire.

Je me sens bien contre lui, à cet instant précis, j'ai l'impression d'oublier tout ce que je vis, tout ce que je ressens. On pourrait presque croire qu'on est enfermés dans une bulle de chaleur apaisante.

— Tu te fais ça depuis combien de temps ?

Il désigne du doigt mes avant-bras et mes cuisses. Il tient ma main paume tournée vers le ciel et de son autre main effleure mes cicatrices. Ma peau frémit, d'une sensation étrange, sensible au toucher, fraichement meurtrie. Par réflexe, j'attrape sa main pour l'éloigner de ma peau.

Il relève son regard innocent vers moi, incroyablement proche de mon visage.

— Je suis désolé, ça te fait mal ?

Je hausse les épaules, parce que la douleur de la scarification est bien plus supportable que ce que ma mère me fait endurer. Elle me ramène étrangement à la réalité, celle qui me dit que j'existe encore, au péril de tout ce que je vis. Il reprend lentement mon poignet et tout en levant ses yeux vers moi, dépose de doux baisers sur mes maux, avant de descendre de mes cuisses et de me tirer pour me coucher complètement sur le lit. Il remonte, déposant de nouveau ses lèvres sur une cuisse, puis sur l'autre, au niveau de mes blessures plus anciennes. Mon coeur s'accélère tandis que ma peau se recouvre d'une petit couche de chair de poule. Ses mains glissent le long de mes cuisses, frôlent mon caleçon, continuent leur route sur mes côtes, jonchées d'ecchymoses bleutées. Ses lèvres suivent le trajet de ses mains, et ses doux baisers à la fois m'apaisent et me picotent la peau de désir. Lorsqu'il est au niveau de mon torse, je ne peux attendre d'avantage, attrape son menton et l'embrasse à pleine bouche. Il s'éloigne un peu, surpris.

— Isaiah...
— Tu comptes me dire que c'est une mauvaise idée ? 
— Au contraire, continue, encore plus.

peau couleur arc-en-ciel Où les histoires vivent. Découvrez maintenant